JOE KING L’AUTRE KING

JKC & GBD Mexico

JKC & GBD Mexico

Voici 42 ans dans BEST, GBD croyait dur comme fer que le tex-mex allait changer la face du rock and roll, porté par le fringuant Joe King Carrasco et ses irrésistibles compositions punky rocky mariachis. Et en cette fin d’année 82 même l’immense Michael Jackson semblait en être convaincu, en contribuant par un joli et rare duo à ce « Synapse Gap » si prometteur. Avec en prime un super cliché de notre fidèle Jean Yves Legras. Flashback….

Joe King Carrasco by Jean Yves Legras

Joe King Carrasco by Jean Yves Legras

C’était mon tout premier reportage pour BEST, juste après avoir déserté de Rock & Shnock : « couvrir » l’escale parisienne du Stiff Tour au Palace ( Voir sur Gonzomusic EMBEDDED IN THE SON OF STIFF TOUR 80 ). Là, j’avais été s littéralement scotché par l’incroyable et festive énergie latine générée par Joe King Carrasco & the Crowns ( Voir sur Gonzomusic THE KING IS BACK et aussi  JOE KING CARRASCO IS LIVE IN PARIS ). Aussi lorsque deux ans plus tard, notre haricot sauteur d’Austin, Texas, offrait un successeur à son premier album éponyme distribué sur notre bon vieux continent, le festif « Synapse Gap », je ne pouvais résister à l’envie de tendre à nouveau mon micro au blondinet le plus piquant de ce côté-ci du Rio Grande… un Joe King Carrasco qui puise tellement son inspiration dans les antiques ruines mayas de Palenque, au sud du Mexique au point qu’il m’avait donné envie d’aller voir là où les cris des singes hurleurs résonnent dans la jungle au milieu des pyramides. Nostalgie également d’une époque où un King of Pop pouvait partager le micro d’un autre King sans que le management, le label et les avocats ne trouvent à y redire.De nos jours de telles rencontres, de tels partages artistiques seraient hélas impossible. Autre temps… autres moeurs !

 

Publié dans le numéro 173 de BEST sous le titre 

 

SEÑOR CARRASCO

Sûr, Carrasco n’a pas attendu Chartres ou Westmlnster pour se couronner. Il a suffi d’un carnaval ou d’un concert de Clifton Chénier pour brancher ce Texan blond sur le port indolent de la couronne. Mais Carrasco ressemble aussi à ces haricots sauteurs du Mexique, juste de l’autre côté du Rio Grande, à quelques miles de sa résidence permanente d’Austin. Carrasco n’est pas uniquement un ressort ensorcelé lâché dans un magasin de porcelaines, c’est aussi une nouvelle équation de Ia formule du tex-mex tracée au Farfisa par Sam The Sham, Question Mark and the Mysterians ou le Sir Douglas Quintet. D’ailleurs, le complice en écriture de notre King n’est-il pas Johnny Ferez, le batteur de Doug Sahm ?

 

« Que s’est-il passé depuis le Stiff Tour d’il y a deux ans ?Joe King Carrasco

 

On a joué aux States jusqu’à Noël el je suis parti à Palenque au Mexique, pour écrire et réfléchir au milieu des pyramides. La jungle est truffée de champignons magiques J’ai découvert là-bas le sens véritable de l’inspiration, l’aventure telle qu’on peut la rêver lorsqu’on est môme. J’adore taire du stop pour descendre au Mexique et me vriller la tête dans les bars, Je transporte toujours un Aiwa recorder comme le tien, au fond d’une poche. Là-bas j’écoute beaucoup de groupes locaux, de la musique ou des sons nouveaux que j’enregistre systématiquement. Parfois, tu es allongé sur une plage et soudain l’inspiration te file une gifle : la chanson s’inscrit en toi et l’Aiwa te permet de la conserver. Sans cet engin, jamais je n’aurai pu faire mes albums car trimbaler une guitare dans la jungle, c’est du domaine du rêve. Dans les ruines de Tulum j’ai aussi beaucoup écrit, j’étais « blanqui» grâce aux champignons magiques. J’ai toujours puisé mon inspiration au Mexique pour y injecter la pèche du rock parce que le climat et la jungle ont une influence sensible sur la musique. En Jamaïque, le reggae a démarré à cause des radios FM de New Orleans les Jamaïquains ont conservé la musique en y apportant leur touche jungle tropicale. Palanque c’était l’aventure, j’ai même été mordu par un singe. Johnny m’accompagnait lui et moi, on s’en est mis plein la tête, ce qui explique le titre de l’album « Synapse Gap », c’est la réaction du nerf cérébral à la défonce. Mais tu n’as pas besoin de drogues pour cela parfois, II suffit de danser. Voilà pourquoi notre musique est autant complètement dansante. En jouant avec les groupes mexicains, j’ai compris que le but de ce boulot était de parvenir à entraîner les gens. Tu sais, le monde traverse sans cesse des crises successives, faut parfois savoir les oublier On pourrait faire comme Clash, glisser nos théories politiques dans la musique, mais je crois que les gens sont déjà conscients de la pourriture du monde. Dans ce pays, j’ai toujours honte d’être américain : les USA ressemblent aujourd’hui au Darth Vader, le méchant » de Star Wars. A mon avis, la seule solution pour lAmérique centrale, c’est le socialisme. Ce qui se passe au Nicaragua est absolument super. Dans tous les autres pays, les riches refusent de partager avec les plus défavorisés. La population du monde devient si énorme, le socialisme devra s’imposer un peu partout, même aux Etats-Unis. J’ai déclaré à Rolling Stone quel si la situation n’évoluait pas dans le showbiz, il faudrait songer à le nationaliser. Ils ont pris cela pour une blague de Carrasco, Pourtant jamais je n’avais été aussi sérieeux.

joe-king-carrasco-with-michael-jackson

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 Es-tu sensible à la situation des « wetbacks », les Mexicains illégaux qui traversent le Rio Grande pour aller bosser aux U.S.A. ?

 

Bien sûr.  Là-bas, on les appelle « mojados » ou encore « alambristas ». Ma chanson, « Señor Lover », c’est l’histoire d’un alambrista dont la petite amie vit de l’autre côté du fleuve-frontière. Lorsque je traverse le Rio Grande, je ne peux jamais m’empêcher de penser à toutes ces histoires.

 

 Tu écoutes encore beaucoup les groupes psychédéliques des 60’s ?

 

J’ai grandi là-dedans, mais il faut avancer : envie d’être à l’écoute du futur, pas du passé, même s’il est nécessaire de conserver certaines énergies pour les réinjecter dans les 80’s. Pour moi, la création musicale est basée sur l’emprunt tout le monde emprunte à tout le monde. Si tu écoutes attentivement « imitation Class », tu trouveras certaines ressemblances avec le « Great Balls of Fire » de Jerry Lee Lewis. « Person Person » a emprunté son thème à « Peter Gunn ». « Don’t Let a Woman » est complètement inspiré par l’Africain Prince Nico. Michaei Jackson enregistrait dans le studio à côté. Il n’avait pas d’Aiwa recorder, alors je lui ai montré le mien et nous avons commencé à discuter : au bout d’une semaine, il m’a proposé de chanter sur mon album. Voilà pourquoi il chante en duo avec moi sur cette chanson. Quant à « That’s the love » est tirée d’une vieille polka mexicaine : c’est normal, tu sais bien que j’emprunte à tout le monde »joe-king-carrasco-

Joe King Carrasco est le docteur Frankenstein du Tex-Mex rock, un allumé psychédélique qui ressemble à un petit fils de Carlos Castenada, Inspiré par le dieu du peyolt, Joe King reflète les cartes postales en bleu vert des jungles tropicales. D’ailleurs, son bouquin français préféré est… « Le guide du routard ». D’ailleurs, pour son prochain LP, il a déjà composé une chanson, « The French got the World on their Bag » (les Français trimbalent le monde dans leur sac à dos). Arriba… Arriba… y hasta luego señor Carrasco, el ultimo gringo que tienes cojones.

 

Publié dans le numéro 173 de BEST daté de décembre 1982

 

 

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