FRED SIGNAC « Signac »
Comme disait Coluche…c’est l’histoire d’un mec. C’est sûr, Fred Signac est à des années-lumière d’un joyeux luron, d’un Prosper youp la boum de l’entertainment. Mais sa force est justement dans ce côté sombre qui l’anime, cette mélancolie inspirée qui fait littéralement décoller ce 7éme et éponyme album. Et l’on peut dire que Lou Reed, Manset et même Syd Barrett sont les bonnes fées penchées sur son berceau, irradiant de leur pouvoir une vibrante inspiration.
C’est sûr, il est ici fort peu question de bagnoles et de filles, le rock de Signac se signale par sa maturité et sa puissance poétique, par cette manière de chanter sans en avoir l’air. Un parler chanté tel que Gainsbourg savait si bien le pratiquer. Et dès le premier titre, on songe aussi très fort à l’ami Daniel Darc trop tôt, bien trop tôt disparu. « L’enfer est une drogue dure » marie les guitares de Ry Cooder façon « Paris-Texas » et la tchatche comme Daniel justement savait si bien la pratiquer, sur un pur mood mélancolique, mais avec la « signature » Signac ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/fred-signac-la-preuve-du-contraire.html ). Bipolarité contre unipolarité, avec « Unipolaire » au texte introverti et funeste, voire carrément décalé, un retrouve une musique aux troublantes réminiscences du « Set the Control for the Heart of the Sun » de Pink Floyd, un sentiment à la fois troublant où plane l’ombre d’un certain Alain Bashung. Puis on passe du lyrique, sombre et évanescent, planant et puissant « Je me retrouverai » à cette complainte allumée et troublante que constitue « Ce qui ne tue pas assassine » en poésie à fleur de peau. Signac a la tristesse introspective lorsqu’il entonne : « je ne te décevrai plus, ma foi, puisque la mort m’octroie ce droit ». « En solitude » est une composition particulièrement Lou Reed sombre et profonde comme le velours souterrain, sur une guitare qui rappelle un peu le Cure des débuts, celui de « A Forest ». Émotionnelle et pure. Elle est sans doute la plus troublante de cet album abyssal. Et le mot « solitude » résonne ici comme une profession de foi. Une voie alternative, qui ne ressemble à aucune autre.
Maritime érection
Paradoxalement presque pieuse et pourtant si profane. Il faut avoir des couilles pour oser un titre tel que « Maritime érection » avec ses violons pulsés crépusculaires et une guitare qui nous laisse un sentiment aussi fantasque que l’univers d’Higelin. Une chanson élégante et tendre pour un bel ouvrage d’allitérations sur la musique des mots. Décidément « Signac »ne manque pas de références avec « Un cœur à l’œuvre » simple dépouillée sur une voix guitare des plus classique pour une tristesse qui nous ramène au bon souvenir de Moustaki et de son « Le métèque ». Enfin tout s’achève avec la brillante « La langue dans laquelle je pense » portée par ses séquences de synthés en ouverture qui se métamorphose avec une lenteur assumée, aérienne, la preuve que souvent slow is beautiful. Musicalement, on balance entre feeling entre « La folie » des Stranglers et Gérard Manset….décidément mister Signac ne manque ni de lettres ni d’érudition rock, preuve que le vilain petit canard peut parfois muer en magnifique Signac…forcément noir.