FIRST MAN
Deux heures vingt et une minutes dans la tête de Neil Armstrong, le légendaire « premier homme à avoir marché sur la Lune », tel est le pari semble-t-il gagné par le réalisateur Damien Chazelle avec son FIRST MAN, incarné, voire carrément habité par Ryan Gosling. Mais, à l’instar de la langue d’Ésope, FIRST MAN se révèle à la fois la meilleure et la pire des choses…sa lenteur et sa longueur donnent du corps à ce personnage contrasté…mais sa lenteur et sa longueur diffusent la sensation d’un film tourné au ralenti, où le psyché l’emporte trop largement sur l’action et l’enthousiasme de folie généré par l’incroyable espoir de « ce petit pas pour l’homme… » qui a changé nos vies une nuit d’été 1969.
On sait bien que Neil Armstrong, le premier homme à avoir foulé le sol de la Lune, était à des années-lumière de l’entertainment, fuyant farouchement la notoriété autant que les médias qui la propagent. Derrière chaque héros à la dimension surhumaine, il y a bien entendu toujours un être fait de chair et de sang. Mais après avoir visionné ce FIRST MAN, on peut légitimement se demander si Damien Chazelle ne s’est pas trop longtemps attardé sur son homo sapiens de l’espace. Certes, on perce l’armure d’Armstrong en découvrant le destin tragique de Karen, sa petite fille atteinte d’une tumeur au cerveau. A son enterrement, on le voit s’isoler et même rabrouer un de ses confrères cosmonaute qui s’inquiète de savoir si tout va bien, lui balançant le glacial : « je veux être seul ». Puis, bien des années plus tard, juste avant sa mission Apollo, lorsqu’il explique à ses deux garçons qu’il pourrait ne jamais revenir de son exploration lunaire. Claire Foy, l’héroïne de THE CROWN, incarne à l’écran son épouse avec brio, à la fois dévouée et forte, s’opposant s’il le faut aux décideurs de la NASA. Les images de l’espace se révèlent vertigineuses, elles sont aussi bluffantes qu’Armstrong se révèle parfois mutique de la manière la plus frustrante. Certes, sur un biopic du Premier Homme sur la Lune, on connait tous déjà l’issue : le 20 juillet 1969, le LEM baptisé Eagle s’est posé sans encombre sur la surface de notre satellite puis Armstrong et Aldrin ont foulé la Lune pour la première fois. Mais, en s’attachant peut-être un peu trop au côté psychologique de son personnage, Damien Chazelle ne parvient pas à refléter correctement toute l’allégresse, toute l’émotion, toute la puissance ressentie par les millions et les millions de téléspectateurs demeurés sur notre bonne vieille Terre. Et tout l’espoir que cela pouvait susciter. Car, comme pour le jour de l’assassinat de JFK, on se souvient tous précisément où nous étions, lorsque nous avons assisté à cet évènement surhumain, ce fameux « grand pas pour l’humanité ». Mais comment en vouloir à Chazelle : né en 1985, il n’était même pas encore à l’état de spermatozoïde lorsque les deux astronautes américains ont fait l’Histoire. Cependant, malgré sa lenteur et tous ses silences, FIRST MAN va compter parmi les films importants du genre conquête spatiale…même si en sortant de la projection on se dit : vivement…le prochain STAR WARS 😉