FAIRE DU NEUF AVEC DENEUVE : DONE !
Voici 40 ans dans BEST GBD sablait le champagne avec Catherine Deneuve. En peignoir, dans sa loge, sur le plateau de tournage de « L’hôtel des Amériques »… le tout jeune journaliste que j’étais était bien entendu tombé sous le charme. C’était son 63ème film depuis ses débuts en 1956 sous la direction d’André Hunebelle à tout juste 23 ans. Mais surtout la « Belle de jour » la plus célèbre du cinéma français venait de publier son tout premier LP, « Souviens-toi de m’oublier », taillé sur mesure pour elle par Serge Gainsbourg. Flashback…
Je crois bien que c’était mon premier « plateau de tournage » ever. C’était celui de « L’hôtel des Amériques » où Catherine Deneuve donnait la réplique à Patrick Dewaere. Un an auparavant l’icône du cinéma français tournait avec Serge Gainsbourg dans le film de Claude Berri « Je vous aime ». À cette occasion Serge avait composé et enregistré un duo « Dieu fumeur de havanes » interprété avec Deneuve. Forcément cela avait donné des idées à l’« Homme à la tête de chou ». Après Bardot, Birkin mais aussi France Gall, Isabelle Adjani, Juliette Greco ou encore Anna Karina, cette année 81 il joue à nouveau les Pygmalions pour Catherine Deneuve, lui taillant comme un designer de luxe, cet album, l’unique album d’ailleurs jamais enregistré par la star intitulé « Souviens-toi de m’oublier ». Aussi, lorsque que Christian Lebrun m’a annoncé que j’allais l’interviewer j’étais sur un petit nuage. « Les parapluies de Cherbourg », « Belle de jour », « Répulsion » ou « Le dernier métro » pour ne citer que les plus connus d’un GBD de 24 ans, Deneuve était déjà un monstre sacré. N’avait-elle pas vécu le « Swingin London » aux cotés des Stone set des Beatles ? Alors lorsque Jacky Jacubowitz, l’attaché de presse de Phonogram m’a introduit dans sa loge pour me présenter à la comédienne, inutile de vous dire combien j’étais subjugué par la présence solaire de Catherine Deneuve. Elle portait un peignoir. Très vite Jacky s’est esquivé. Je baissais un peu les yeux. Sans doute pour détendre l’atmosphère elle me dit désignant un seau posé sur une table : « Mon producteur m’a offert du champagne, en voulez-vous une coupe? ». Et moi qui tutoyais absolument tous les artistes que je rencontrais, cette fois je n’ai pas eu le courage de tutoyer Deneuve. Voici donc ce qui constitue sans doute l’unique entretien de ma carrière où je vouvoie ma fameuse interlocutrice. Souvenirs également de Jean Yves Legras, le fidèle photographe de BEST qui m’accompagnait ce jour-là et qui a signé les deux clichés qui accompagnaient ce reportage. Flashback…
Publié dans le numéro 157 de BEST sous le titre
INITIALS C. D
« Belle sous un jour nouveau, Catherine Deneuve est passée pour un temps du plateau de Truffaut au studio de Gainsbourg. Et la vraie n’est pas forcément celle qu’on voit, explique-t-elle à Gérard Bar-David » Christian LEBRUN
Je ne me suis jamais senti aussi proche de Catherine Deneuve qu’à cet instant-là. Tassé dans un fauteuil, je la voyais apparaître pour la première fois depuis le début du «Dernier Métro» de Truffaut. Installé in extrémis au premier rang de la salle, j’avais une vision quelque peu déformée des événements. Depardieu a mangé quinze fois trop de soupe. Andréa Férréol (Remember la Grande Bouffe I) n’en parlons pas. Je déteste assez les films de guerre et j’avoue avoir pris un métro de retard sur celui-là; j’ai donc sauté en marche. Depuis le superbe duo «Dieu fumeur de havanes », Catherine Deneuve téléguidée par la main experte de Serge « Pygmalion » Gainsbourg a décidé de sauter le pas entre le box office et les charts. Deneuve vient de récidiver avec « Souviens-toi de m’oublier », un LP écrit, produit et réalisé par Gainsbourg. Et voilà pourquoi je me suis retrouvé sur les traces d’une authentique star du cinéma. Pour une fois, j’étais certain d’échapper aux questions rock habituelles : tournées, groupe, gigs, riffs et crédits, je pouvais laisser tout ça au tiroir. Pas question de traiter une créature mythique avec un lance-pierre. Jean-Yves Legras et moi avons retrouvé la chocolaterie désaffectée, près de la porte de Clichy, grâce au bar qui lui fait face : « Le Dernier Métro », en souvenir du film que Truffaut a réalisé juste en face. Aujourd’hui, Catherine Deneuve y tourne les intérieurs de l’ « Hôtel des Amériques» de Téchiné. Elle finit sa prise et nous rejoint dans la cour pour les photos. Elle sourit et semble aussi à l’aise au milieu des gravats que dans un salon. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la Deneuve qui pose pour Legras ressemble plus à Miss Duncan, le personnage d’une de ses chansons qu’à l’actrice aux soixante films. Une autre Deneuve, manifestation parallèle d’une sorte de dualité qui me rappelle ce que disait Truffaut : « Il y a chez Catherine un élément très important de rêverie et de vie secrète. Quel que soit le rôle qu’on lui donne, on a l’impression qu’il y a le rôle sur l’écran et d’autres pensées qui ne sont pas exprimées ». Il y a le symbole et son au-delà, l’ombre et la lumière: derrière sa façade extrêmement sophistiquée, Deneuve paraît inlassablement tiraillée entre le Bon Chic -Bon Genre et la folie douce.
Je vois déjà les incrédules me bombarder de leurs railleries : quoi, cette bourgeoise coincée aurait quelque chose en commun avec Saint Morrison, Saint Springsteen ou Sainte Nina. Eh bien, pourquoi pas… Laissez faire votre cinemascope personnalisé et appuyez juste sur la cellule flashback. La scène se déroule à Londres, dans les backstage de l’Albert Hall. Après leur concert, les Stones collationnent bruyamment avec quelques amis. Gros plan. Image fixe. A la droite de Jagger, on identifie Catherine Deneuve, un verre à la main. C’est peut-être un délire, mais Deneuve a effectivement vécu de l’intérieur l’époque troublée du swinging London des Beatles et des Stones. Pendant cinq ans, elle fut l’épouse de David Bailey, le photographe attitré des Stones entre autres stars. C’est en fait son dernier contact direct avec la musique. C’est peut-être pour cela que son « Souviens-toi de m’oublier » est imprégné d’un parfum sixties tenace, Gainsbourg plagiant aussi le Gainsbourg de l’époque.
JE M’AMUSE AUSSI
En passant devant un escalier qui s’enfonce sous le bâtiment, style bouche d’égout, Catherine me dit nonchalamment : « C’est la cave où nous avons tourné les scènes du « Dernier Métro ». En rentrant, nous sommes passés à côté du guichet du gardien du théâtre de Catherine-Madame Steiner. Le cinéma fait de drôles d’accrocs à ma trame temporelle tandis que je gravis les marches de l’escalier qui menait à son bureau dans le film et à sa loge aujourd’hui. Le calme de la pièce contraste assez avec l’ambiance du plateau aussi agitée qu’un milkshake. C’est surtout un terrain plus propice à la discussion sur canapé. Hollywood is still alive et Catherine sert deux coupes de champagne, tandis que notre journaliste flotte sur un petit nuage. Si mon walkman enregistreur n’était pas là pour en témoigner, je ne serais pas certain de la réalité du rire chantant de Catherine Deneuve.
» J’ai lu une interview de vous par Gainsbourg et vice versa ou à la question « Pourquoi Deneuve», il répondait « parce que pas d’occase »… alors, pourquoi Gainsbourg ?
C’est le mauvais goût de Serge qui ne me déplaît pas, cela me choque moins que la vulgarité. Et pas celle des mots, celle des intentions et des actions. Ce ne sont pas les gens qu’on dit vulgaire qui me gênent, ce sont ceux qui l’expriment. Pour répondre à votre question, pourquoi Gainsbourg, parce que c’est un peu le hasard d’une rencontre. Serge et moi avons tourné ensemble durant plusieurs mois. On s’est bien entendu. Or, depuis longtemps, j’avais envie de chanter et Serge m’a proposé de faire un disque. J’en avais envie parce que cela me semblait être la prolongation naturelle de cette chanson, « Dieu fumeur de havanes ».
Il y a quand même une chose que je déplore vraiment dans le disque…
Ah… dites-moi ?
On ne peut pas dire que Gainsbourg se soit beaucoup foulé au niveau des compositions.
(éclat de rire) Vous ne croyez pas que Serge a une façon, un style, un son. Il écrit des choses adaptées aux personnes pour lesquelles il compose, mais, de toute façon, ça ressemble fort à ce qu’il fait pour lui-même.
Techniquement, est-ce plus difficile pour une actrice de chanter que pour le commun des mortels?
Je ne crois pas. S’il y a un blocage, il se situe à un autre niveau. C’est vrai que pour une actrice chanter, c’est beaucoup plus dur à accepter que pour une chanteuse, disons, de jouer la comédie. Il y a aussi le barrage, les « ah… oui, on touche à tout, alors maintenant, on se met à chanter ». Moi, j’ai voulu franchir ça parce que j’en avais vraiment envie. Il y a aussi l’incompatibilité entre la promotion d’un disque et le métier d’acteur qui, au contraire, porte à ne pas trop se montrer. E t puis aussi, c’est vrai qu’une actrice qui chante, ça fait amateur. Mais il faut vraiment que les gens se rendent compte que, parfois, on fait des choses pour SON plaisir.
Encore un parallèle avec vos sixties, vous avez enregistré à Londres.
Oui, j’ai passé dix jours en Angleterre, au studio Odyssey. Mais ça n’était pas la première fois : j’avais déjà enregistré pour un film d’Yves Robert et au temps des «Parapluies » (de Cherbourg), j’avais assisté aux séances, bien que ce n’était pas moi qui chantait.
Vous n’aimeriez pas le refaire ?
Oh si, j’aurai bien aimé refaire un film musical et chanter vraiment. Aujourd’hui, on ne peut plus accepter aussi facilement qu’il y a 17,18 ans, comme c’est le cas pour les « Parapluies », une actrice doublée. Et, de toute façon, ça ne m’intéresserait plus parce que je l’ai déjà fait. Il faut que je m’amuse aussi, c’est le côté intérêt, curiosité, découverte des choses qui me plaît.
Vous ne croyez pas que c’est là que se situe l’origine de votre côté préservée, intacte?
Je me sens intacte d’une certaine façon, parce que, même si j’ai connu des échecs, je préfère avoir fait les échecs que j’ai eus.
Le droit à l’erreur?
Absolument, s’il n’y a pas d’erreur, ça veut dire qu’on ne prend pas de risque, d’une certaine façon.
Vous avez vécu en Angleterre pendant cinq ans…
Non, ce n’est pas vrai!
Vous n’étiez pas en Angleterre?
Si, j’étais en Angleterre, parce que j’étais mariée avec un Anglais, mais je n’ai pas vécu cinq ans là-bas. Disons que j’y étais par intermittences.
Bon…mais ça ne colle pas du tout avec l’image que les gens ont de vous?
Mais il y a plein de choses qui ne collent pas. Pour des tas de gens, mon association professionnelle avec Serge paraît choquante : je vois bien le courrier véhément que je reçois depuis le disque. Il y a des gens qui s’arrêtent aux apparences. Ils trouvent que j’ai une image assez bon genre, assez classique et sophistiquée, point.
On dit même bon chic-bon genre.
Oui et on comprend mal que j’apparaisse avec quelqu’un d’aussi provocant que Serge. Mais les gens ne savent pas que, dans ma vie, j’ai souvent eu des amitiés avec les gens pour ce qu’ils étaient et non pas pour l’image…
Et ce passage assez houleux à la télé avec Serge où il s’est carrément cassé la figure dans ses avances…
Oh, il ne s’est pas cassé la figure, il s’est un peu… bon… parce que Serge, finalement, est beaucoup plus sensible qu’on ne le croit. C’était une longue journée et nous étions en direct. Et, à ce moment, Serge a un peu vacillé, il s’est laissé aller. Moi, j’étais là dans ma robe Saint-Laurent et lui avait sa barbe de trois jours soigneusement entretenue, ça a un peu choqué.
TRAVAILLER ET SORTIR
C’est pour cela que je vous parlais de l’Angleterre des sixties, ça ne colle pas non plus à votre image de marque.
Mon intérêt pour la musique a commencé vraiment à New-York, il y a vingt ans, où grâce à la sortie des « Parapluies », j’ai pu aller dans des clubs de jazz extraordinaires. Ensuite, j’ai passé deux mois seule à New-York. J’étais vraiment jeune. Je vais avoir 38 ans, ça fait donc presque dix neuf ans. Après, c’était plutôt les Rolling Stones et tout ça. Je me suis mariée en Angleterre avec Mick Jagger comme témoin.
Pourtant les Stones ont fort mauvaise réputation, on raconte tant d’histoires à leur sujet…
(amusée) Oui, je sais… eh bien oui, pourquoi pas. Je sais bien, on ne m’imagine pas là-dedans. Ça ne fait pas l’essentiel de ma vie, mais je ne renie pas ces expériences parce qu’elles font partie des choses que j’ai faites et qui m’ont intéressée. Je ne suis pas quelqu’un qui se formalise facilement, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Il y a plein de choses que j’ai faites et que les gens ignorent et qui les choqueraient beaucoup plus. Vous savez, j’ai la chance d’avoir une énorme santé. Je peux donc travailler et sortir. Je l’ai fait souvent. Ça n’est pas ma montre, ni les heures qui m’ont arrêtée pour faire les choses que j’avais envie, lorsque j’en avais envie… même tard!
Le swinging London vous a-t-il laissé quelques souvenirs?
Ce sont simplement des choses que j’ai vécues avec mon mari qui était très ami avec Jagger, mais hors de tout contexte professionnel.
Vous écoutiez leurs disques à la maison?
Oh oui. Je trouve que, avec Dylan, c’est ( les Rolling Stones) ce qui a le plus marqué ma génération.
Si je vous dis Hit Parade… ?
Je n’aime pas les hit parades. C’est comme les croix, les médailles, les petites étoiles: c’est se laisser aller à la facilité. Mâcher ainsi la tâche aux gens, les expédier à ce point, ce sont des pratiques qui me gênent beaucoup. Tout ce qui est musique et cinéma en France est traité comme une chose dont on pourrait très bien se passer dans la vie. Il ne faut pas mélanger art et distraction ! Alors que les sections littéraires débordent sans fin sur des pages et des pages, musique et cinéma dans les journaux se battent en duel sur quelques colonnes: c’est juste du snobisme intellectuel. C’est comme cette TVA de 33,33 % sur les disques. Moi, je n’arrête pas de signer des pétitions contre ça. C’est dégoûtant. Il ne faut pas se plaindre des cassettes pirates, à ce prix-là, ça n’est pas possible pour un garçon de dix-sept ans ou une fille de seize ans qui ne peuvent pas s’offrir de disques. Et c’est pareil pour les concerts. Il est scandaleux de vivre dans un pays où la musique est taxée comme un produit de luxe !
Vous attendez quelque chose dans le rose de l’horizon politique ?
J’espère bien que ça va changer. Il faut que ça change dans tous les domaines, je ne vois pas pourquoi ça ne changerait pas dans celui-là.
Songez-vous à faire des vidéodisques ?
Pour ça je suis partante. Aller sur une scène, je ne pourrais pas.
Vous n’aimeriez pas?
J’aimerais si je pouvais, mais je suis tout à fait incapable de chanter face à un public. En revanche l’idée du vidéo-disque me plait beaucoup, ainsi je pourrai « jouer » une chanson.
Y aura-t-il un prochain LP?
Oui, sûrement.
Je crois lire une sorte de lueur déterminée au fond de vos yeux?
C’est vrai, ça m’a vraiment beaucoup plu. La différence avec le cinéma c’est qu’il n’y a pas d’intermédiaire. Lorsqu’on enregistre, on peut écouter tout de suite, il y a un résultat direct et sans transition. Dans le cinéma, un acteur est obligé de se soumettre à des tas d’impératifs techniques. Il y a l’attente entre les prises, les délais, il y a la photo, les lumières, etc. On interprète des choses, mais au cinéma la voix est un organe beaucoup moins important. Un acteur se plie à toutes sortes de disciplines quand il tourne ; il est tributaire de tant de choses. Alors que quand on est devant un micro, on ne dépend, à part soi, que d’un preneur de son. On est complètement satisfait ou complètement mécontent mais dans tous les cas on ne peut s’en prendre qu’à soi. On maitrise complètement ce que l’on fait, c’est formidable. On est beaucoup plus frustré dans le cinéma. Chanter c’est une expression de liberté.
C’est le coté « Polaroid instantané » de la musique qui vous séduit ?
Exactement et j’adore les Polaroids.
Vous avez un chat? (Sous son imper vert, ses deux bras sont griffés).
Ce sont mes rosiers… je suis très maladroite. Mais j’ai aussi une chatte, elle s’appelle Mauve.
Le « Dernier Métro » a été tourné ici et aujourd’hui vous re-voilà pour l’« Hôtel des Amériques », n’est-ce pas un peu bizarre ?
Le premier jour du tournage, dans l’escalier, c’était assez troublant, parce qu’en plus j’étais avec la même artiste, Sabine Haudepin.
Ça ne vous fait pas l’effet de vivre une vie parallèle?
Non, c’est plutôt quelque chose de nostalgique. C’est déroutant comme la nouveauté, mais tout ce qui est nouveau n’est-il pas intéressant ?
Vous refusez beaucoup de scénarios ?
Oui, mais n’exagérons rien, on refuse souvent des films qui de toutes façons ne se montent pas.
Mener sa carrière, n’est-ce pas savoir choisir ses sujets?
Bien sûr c’est ça, mais ça n’est pas seulement cela. Combien de fois on a vu des gens écrire sur des films 10 ans après et crier au chef-d’œuvre alors qu’à l’époque ils n’étaient pas reconnus ou qu’on parlait même d’échec. Si on prend un film comme «Belle de jour », sa renommée à l’étranger n’a aucune commune mesure avec le succès commercial discret qu’il a remporté en France. C’est comme « Répulsion » de Polanski qui n’a pas été au départ un triomphe et qui a pris une toute autre dimension avec le temps ».
Le réalisateur vient chercher sa vedette. Catherine pose doucement sa coupe de champagne et redevient actrice. L’équipe technique, une quinzaine de personnes, est disposée derrière la caméra dans une marée de câbles. Deneuve joue sa réplique avec Sabine Haudepin. Puis on recommence deux fois, trois fois la même scène. Le temps fume comme une cigarette dont les volutes s’évanouissent dans les projecteurs et l’on recommence à tourner. Dans la lumière. Deneuve prend une dimension assez distanciée et devient soudain un tout autre personnage. Elle ressemble décidément à sa chanson « Monna Vanna et Miss Duncan » D’un côté, il y a la femme élégante qui prend le bus (par pub Chanel interposée) avec tous les new-yorkais, french way oblige, de l’autre il plane une sorte de mystère plein de magnétisme. Si je pouvais me faire assez petit pour me glisser dans une des poches de Miss Deneuve, je crois bien que je ne serais pas déçu par les instantanés qui se projettent sur sa vie. Il faut savoir lire entre les lignes. Deux heures du matin Deneuve tourne sur ma platine et ma cassette d’interview s’est arrêtée, il ne reste qu’un parfum dans ma tête et le rire de Deneuve qui cogne gaiement en dub à l’infini.
Publié dans le numéro 157 de BEST daté d’aout 1981