DON GIOVANNI À L’OPÉRA DE PARIS

Don Giovanni

Dans une somptueuse mise en scène signée Claus Guth et bien enetnedu toujours inspiré du mythe légendaire de « don Juan », Don Giovanni donné  en deux actes et signeéde Wolfgang Amadeus Mozart sur un livret de Lorenzo da Ponte est, avec La Flûte enchantée, l’opéra qui eut le plus d’influence sur les compositeurs romantiques par son mélange d’éléments comiques et tragiques. Entre Les Noces de Figaro et La Flûte enchantée, Don Giovanni est considéré comme l’un des opéras majeurs de Mozart. Et cette nouvelle production lle met manifestement en valeur aupoint de récolter les lauriers tressés par JCM notre expert et sans doute lui-même petit rat refoulé…

Don Giovanni Par Jean-Christophe MARY

Cette nouvelle production succède à celles d’Ivo Van Hove crée au Palais Garnier en 2019 et Michael Haneke en 2006 . Le livret de Lorenzo da Ponte traite ici de l’arrogance de l’éternel séducteur sur la musique de Mozart qui enchaîne les airs comme autant de joyaux musicaux.  L’opéra débute et s’achève par la mort du héros. Dès l’ouverture, des accords sublimes et glaçants plantent le décor des ténèbres. Une découpe circulaire dans le rideau de scène focalise le spectateur sur le duel entre Don Giovanni et le Commandeur. Un peu comme dans les films muets avant guerre, cette scène clé se déroule au ralenti. Pistolet au poing, le Commandeur s’apprête à tirer sur celui qui a séduit sa fille. Armé d’un simple bâton, Don Giovanni tente de faire tomber le révolver des mains de son adversaire mais s’écroule, touché par une balle. Les deux heures qui suivent sont un flash-back en temps réel durant lequel Don Giovanni va consacrer ses dernières forces à profiter et jouir de ce qui lui reste de vie. Le rideau se lève sur imposant dispositif scénique laissant apparaître une forêt plus vraie que nature. Dans cette forêt à la fois féérique et réelle vibrante de sensualité tout en clair obscur, les rayons de lune se glissent à travers les feuillages et inondent le sol moussu d’une belle lumière. On salue le remarquable travail des lumières conçu par Olaf Winter.

Don Giovanni Décors, lumière et mise en scène offrent une lecture extrêmement claire et limpide du drame qui se déroule en direct sous nos yeux. Sur ce plateau tournant, le héros blessé oscille entre la vie et la mort. Tantôt il a de grands sursauts d’énergie à travers lesquels il manifeste un incroyable appétit de jouissance, tantôt des moments de grande souffrance qui le fragilisent. Dans la proposition de Claus Guth, ce Don Giovanni perd en cruauté. L’amitié qui le lie à son valet (et son double !), Leporello, se manifeste par des élans d’affection répétés tandis que ce dernier s’emploie à déployer toute son imagination pour tenter d’apaiser, soigner de Don Giovanni, sans lui montrer son inquiétude. Leporello est toujours prêt à exaucer les moindres désirs de son maître. Ce qui surprend, ce sont les marques de compassion données par le séducteur aux femmes qu’il a séduites puis abandonnées, en particulier à Donna Elvira, qui se montre peu revendicative, ou encore à Donna Anna, lorsqu’il la croise après la scène du cimetière. Elles trouvent leur apogée durant la scène finale où Don Giovanni face au Commandeur qui lui a creusé une tombe pendant le festin, refuse de se repentir. Leporello le retient en vain sur le bord de la fosse, mais la mort a déjà fait son œuvre. Dans cette mise en scène fluide, les nombreux silences sont parfois habités par des chants d’oiseaux et de grillons. Des enchaînements avec les aries ou les récits accompagnés mêlent parfois le continuo à l’orchestre, permettant des enchaînements harmonieux. Antonello Manacorda maîtrise totalement la partition avec un grand raffinement de nuances et de phrasés, un rythme très sûr, des contrastes saisissants et un sens dramaturgique aigu. L’orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris sont en totale symbiose avec le chef. Don Giovanni et son double Leporello, le valet et gardien des femmes séduites sont incarnés par deux magnifiques chanteurs dotés d’une profondeur psychologique indéniable. Tous deux excellents chanteurs et comédiens, interprètent avec un égal bonheur les airs, les ensembles comme les récitatifs. Premier à chanter, Bogdan Talos baryton-basse campe un Leporello remarquable. Une belle adéquation, tant vocale que théâtrale, au personnage. Kyle Ketelsen (Don Giovanni) possède une voix puissante, bien timbrée, d’une diction exemplaire. Une voix mais aussi un physique de beau mâle ténébreux, avec une certaine désinvolture qui sied bien au personnage. Autant à l’aise chez chez Rossini, Bizet, Mozart ou Offenbach, Cyrille Dubois campe un magnifique Don Ottavio. La clarté de l’émission et de l’articulation, la voix longue, virile, au timbre charnu sont un véritable enchantement.

Don Giovanni Dans le rôle de Masetto, Guilhem Worms est un robuste futur marié. Moins moqué que le fiancé de Donna Anna, il est un partenaire à la hauteur de ses persécuteurs, digne, aimant, servi par une voix de qualité. John Relyea campe lui un Commandeur autoritaire et puissant. Les figures féminines sont tout aussi remarquables. Epouse aussi complexe que sensuelle, Julia Kleiter est admirable dans le rôle Donna Anna. Bonne comédienne, son jeu sublime les aigus de sa voix. Tara Erraught (Donna Elvira) excelle dans son jeu comme dans son chant, passionné, sensuel, notamment dans ce remarquable « Ah fuggi il traditor ».  La délicieuse Marine Chagnon interprète de Zerline, paysanne séduite par Don Giovanni au soir de ses noces est un régal, de « Batti, batti, bel Masetto », à « Vedrai carino ». Cette mise en scène se termine par une scène d’une grande tension dramatique lorsque le Commandeur tend sa main à Don Giovanni qui la refuse catégoriquement. Punk un jour, punk toujours. Le plateau et les costumes nous plongent dans forêt lyrique entre réalisme champêtre et  fantastique avec ce décor qui fait de cette histoire, une comédie dramatique pleine de vitalité, criante de vérité sur les rapports amoureux. Comme le souligne Isabelle Moindrot : » La Fôret agrandit les proportions symboliques et l’impact émotionnel des évènements dramatiques ». Cette nouvelle version signée Claus Guth est un triomphe annoncé. Autant pour la scénographie colorée et vitaminéeque par la direction d’orchestre autoritaire, précise et raffinée d’Antonello Manacorda qui reçoit une véritable ovation. Pensez vite à réserver.

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