DISCO – I’M COMING OUT À LA PHILHARMONIE
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Pub Studio One
Née au milieu des 70’s aux USA, la Disco Music, propulsés par ses « poums poums » à danser, va révolutionner par son esprit festif non seulement la vie des ados d’alors, mais aussi les mœurs, laissant enfin émerger la libération sexuelle en général et en particulier pour la communauté gay, qui passe soudain de l’ombre de quelques bars ghettos aux spotlights glam des premiers clubs comme le The Sanctuary à NY ou le mythique Studio One à West Hollywood. Après avoir exploré le reggae en 2017 (« Jamaica Jamaica ! De Marley aux deejays »), l’électro en 2019 (« Electro. De Kraftwerk à Daft Punk »), le hip-hop en 2021 (« Hip-Hop 360 ») et le metal en 2024 (« Metal. Diabolus in Musica »), la Philharmonie poursuit sa série avec l’exposition « DISCO. I’m coming out » qui a su tourner la tête de Cynthia Pages et l’éblouir comme une boule de bal à facettes.
Cet été 74 à Los Angeles, les radios FM commencent à diffuser de drôles de hits au milieu de leur programmation soul rock, des hits par des artistes inconnus qui balaient tout sur leur passage. C’est ainsi que nait la disco avec « Rock the Boat » par the Hues Corporation, « Rock Your Baby » par George McRae, mais aussi « Kung Fu Fighting »- inspiré de la série TV avec David Carradine- par Carl Douglas et le premier hit d’une future diva produite à Munich par un producer Italien de génie, Giorgio Moroder, propulse Donna Summer aux sommets des charts avec son tube-thriller à danser « The Hostage ». Un an plus tard, le Bee Gees font leur mue de trio pop sucré British à pionniers de la disco avec leurs premiers hits à danser « Jive Talkin’» en 75, puis « You Should Be Dancing » en 76 premier Maxi ( En fait à l’époque les 45 tours … tournaient tous en 33 tours dont ils avaient adopté le format king size par rapport à cette du single. ce n’est que quelques années plus tard au tournant des 80’s que les Maxis commenceront enfin à tourner en 45 tours : NDREC ) spécialement édité pour les clubs émergeants- qui se caractérisait par une face unique et une face « lisse » en B-side- puis enfin un an plus tard de raz de marée « Saturday Night Fever ».
Raillée dès le début par les puristes de la soul, comme par ceux du rock, la disco n’en est pas moins révolutionnaire pour la communauté homo émergente, qui ose enfin assumer sa différence dans la lumière des spotlights, balayant des décennies de puritanisme US et de persécutions… au moins dans les grandes métropoles. À Los Angeles, on voit apparaitre les premiers mégas clubs gays comme l’immense Studio One, situé dans un ancien studio de cinéma sur Robertson Blvd, the Odyssey ou encore le Circus Maximus où la direction avait pris l’habitude d’offrir des cacahuètes salées… très très très salées, ce qui avait pour effet de dynamiser le chiffre d’affaires du bar, mais il faut avouer qu’il règnait un esprit de fête et de tolérance inédit. En France, une poignée de clubs comme le 7 rue Sainte Anne, puis le Palace du même Fabrice Emaert apporteront leur propre version de cet esprit de fête homo propulsé par la disco US.
Dans le même temps, les premiers labels consacrés à cette musique comme RSO, la maison de disques des Bee Gees ou Casablanca Records, celle de Donna Summer et des Village People imposent leurs logos dans les hit-parades. Basé sur Sunset Boulevard le cas Casablanca est le plus éloquent : le label occupe d’abord un petit bureau et en moins de deux ans, il s’étend sur tout un bloc du fameux Boulevard du Crépuscule. Dans le quartier de West Hollywood des immeubles entiers regroupent des résidents gays qui se rapprochent de leurs lieux de fêtes. On ne dira jamais assez quelle influence majeure cette communauté a eu dans l’émergence de cette musique.
En 78 mon pote Brad Blair était le Président de l’association des DJ de Southern California et s’il avait renoncé à faire du pousse disque, c’était pour se reconvertir dans la promo indépendante. Dans son bureau dans le typique Crossroads Of the World sur Sunset, il recevait des cartons de 12 inch promos des différents labels et chaque soir il allait d’un club à l’autre pour apporter des nouveautés à ses collègues DJ. A l’époque je l’avais souvent accompagné dans ses virées nocturnes. Et en tant qu’hétéro, je n’ai jamais vécu de dragues lourdes, jamais je ne me suis senti agressé au milieu de tous ces garçons, tout cela était empreint de tolérance et de bienveillance. Bien sûr, je ne dis pas que mon pote Brad a lui tout seul a assuré le grand boom de la disco music, mais il y aura largement contribué. En évoquant cette expo « Disco. I’m coming out » – qui faut-il le rappeler tire son nom du hit de Diana Ross « I’m Coming Out » de 1980 produit par Chic- je pense évidemment à lui. Hélas, moins de dix ans après son explosion la révolution Disco se fracasse sur l’arrivée d’un terrible virus le SIDA qui va décimer cette communauté sabrant ainsi toute la vibrante insouciance qu’elle prodiguait.
GBD
« DISCO. I’m coming out »
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Exposition « DISCO, I’m coming out »
by Joachim Bertrand
Par Cynthia PAGES
Né dans l’effervescence new-yorkaise du début des années 1970, le disco dépasse vite le simple cadre musical pour devenir un véritable phénomène culturel. À rebours des clichés, la Philharmonie relate l’essence et l’évolution d’un mouvement festif et libérateur. Une expo à découvrir du 15 février au 17 août.
Initialement porté par les communautés afro-américaine, latino-américaine et italo-américaine des grandes villes comme New York et Philadelphie, il s’impose dans les clubs underground comme la bande-son d’un espace de liberté où les minorités raciales et homosexuelles se retrouvent. Ainsi forgé, le disco devient un symbole puissant d’une époque où musique, danse et identité se fondent dans une même quête d’émancipation. Fusion subtile entre funk, soul et pop, il s’enrichit d’une orchestration vibrante où se mêlent cordes, cuivres et, dès la fin des seventies, les nappes hypnotiques du synthétiseur. Sa signature rythmique ? Un tempo soutenu avoisinant les 120 battements par minute, porté par une cadence binaire, où la grosse caisse frappe chaque temps avec une régularité implacable. Ce savant mélange donne naissance à des mélodies raffinées, soutenues par des rythmiques percussives d’inspiration latine et africaine, façonnées pour enflammer les pistes de danse.
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© Bill Bernstein PARADISE GARAGE
En 1973, Earl Young révolutionne le groove avec « The Love I Lost » de Harold Melvin & The Blue Notes, introduisant le légendaire four-on-the-floor : une grosse caisse martelant chaque temps, soutenue par des charlestons effervescents et une caisse claire percutante. Ce battement hypnotique devient la pierre angulaire du disco, influençant durablement la dance music des décennies suivantes. Bien plus qu’un simple divertissement, le disco s’inscrit dans le prolongement des luttes des années 1960, embrassant la mixité, les droits civiques, l’émancipation des femmes et la liberté sexuelle. Porté par la mode, le cinéma et la culture populaire, il incarne l’éveil d’une société des loisirs où le corps et l’apparence deviennent des territoires d’expression et d’affirmation. Le disco est majoritairement dominé par les disco divas, ces chanteuses afro-américaines qui détournent les codes de la soul romantique et du gospel spirituel pour célébrer le plaisir, l’émancipation et l’affirmation de soi : Donna Summer revendique la liberté du désir féminin « (Love To Love You Baby »), Candi Staton chante la sororité « (Young Hearts Run Free »), Diana Ross clame l’indépendance (« The Boss »), tandis que Gloria Gaynor érige « I Will Survive » en hymne à la résilience. Ces messages d’émancipation trouvent un écho profond au sein de la communauté LGBTQ+, qui adopte ces divas comme icônes et fait du disco un espace de libération et de révolte, un symbole d’empowerment où la danse devient une déclaration de liberté.
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© Hasse Persson_High fashion model_Potassa de la Fayette_1978
La discothèque devient un temple sensoriel, mêlant sons et lumières pour intensifier les émotions des danseurs. Inspiré par l’esprit libertaire du Flower Power, David Mancuso organise ses légendaires soirées au Loft, tandis que Nicky Siano attire un public homosexuel, noir et latino dans des clubs de NY comme The Sanctuary, Better Days ou The Ice Palace. À l’époque, les lois interdisent aux hommes de danser entre eux, faisant de ces lieux un refuge discret mais essentiel. Les discothèques constituent ainsi pour les femmes, les minorités ethniques et LGBTQ+ un espace de liberté, à l’abri des discriminations.
« J’étais à la fois dans la rue et sur la piste de danse. La fête et la politique constituaient alors les deux faces d’un même phénomène.» résume le DJ Davis Mancuso
Les années 1970 voient naître des avancées techniques majeures : le mix, le remix, le maxi 45 tours, mais aussi des systèmes sonores et d’éclairage toujours plus sophistiqués. Sous l’impulsion des DJs et des avancées technologiques, le disco devient un terrain d’expérimentation sonore et visuelle. Obsédé par la qualité acoustique, David Mancuso équipe The Loft de haut-parleurs Klipschorn, conçus par P.W. Klipsch pour restituer la puissance d’un concert dans un espace clos. Innovants et fidèles au son d’origine, ces modèles, comme les Heresy, restent parmi les plus prisés au monde, incarnant un tournant technique dans l’immersion musicale. À la fin des 70’s et au début des années 1980, la musique disco est récupérée par les stars de la pop, du rock et de la variété avec des artistes comme Abba, Kiss ou Rod Stewart. Ce phénomène s’étend alors au cinéma, à la télévision, aux comics, aux dessins animés et envahit la publicité, marquant la culture populaire de son empreinte. En 1977, « La Fièvre du samedi soir » devient le film emblématique de l’ère disco, établissant la discothèque comme l’ultime lieu de loisir et de sorti le samedi soir, un phénomène qui transcende toutes les couches sociales. Les discothèques se transforment en véritables usines à rêves et machines à cash, rivalisant d’inventions en matière de design et de technologies de diffusion sonore.
La piste de danse, alimentée par la musique, les drogues et la sexualité, devient un espace d’émancipation où la danse individuelle prend le dessus sur les danses de couple, ce qui constitue toujours la norme actuelle. Cette époque, pleine de démesure et de fantaisie, est immortalisée en France par des artistes comme Patrick Juvet, « I Love America », Cerrone, Sheila « Spacer » ou Patrick Hernandez avec son tube « Born To Be Alive ». Les années disco sont également marquées par des créateurs comme Halston, Stephen Burrows et Fiorucci, qui réinventent la mode de nuit avec des vêtements légers et synthétiques, alliant confort et esthétique festive, loin du naturalisme hippie.
Dès 1979, la surexploitation du phénomène disco aux États-Unis, alimentée par les labels, les médias et le merchandising, finit par provoquer une saturation. Perçu comme superficiel et associé aux minorités noires et gays, il suscite un rejet, tant parmi le public que dans l’industrie musicale. Parallèlement, l’apparition du sida frappe durement les artistes et leur public. Malgré tout, le genre survit à travers la Hi-NRG, un courant électronique et underground qui trouve un écho particulier dans la communauté gay, où il devient un symbole de résilience face à l’épidémie.
Les œuvres de Rotganzen , présentées en 2022 au Galeriste et dans le cadre de Vintage Hoores, se déclinent en installations et objets de design fabriqués en petite série tout au long de l’expo. Derrière une dimension ironique, ces pièces reflètent une certaine nostalgie, témoignant de la vision des artistes du collectif sur l’âge d’or de la musique et de la fête, aujourd’hui révolu.
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Exposition « DISCO, I’m coming out » By Joachim Bertrand
Par ailleurs, un article de La Dépêche*, datant de juillet 2024, souligne que la génération Z semble se détourner des boîtes de nuit traditionnelles. Le CEO de l’entreprise concernée indique que la baisse de fréquentation est particulièrement notable parmi les jeunes et les étudiants, un phénomène qui ne se limite pas au Royaume-Uni. Et ce n’est pas uniquement dû aux effets de la pandémie de COVID, même si cela a achevé de faire plonger le monde de la nuit Ces tendances suggèrent un changement dans les habitudes de sortie nocturnes, avec une préférence croissante pour des activités moins axées sur la vie nocturne traditionnelle. Des facteurs tels que la pandémie, les préoccupations économiques et une évolution des préférences sociales contribuent à cette évolution des mœurs. En ce qui concerne le disco, le genre musical a constamment fait son retour au fil des décennies, inspirant de nouveaux artistes, des stars mondiales de la pop comme Madonna et Dua Lipa, à la scène électro avec Daft Punk et Breakbot, sans oublier la chanson française avec Juliette Armanet et Clara Luciani. Elle parvient à rassembler à nouveau toutes les classes sociales, dans un élan de communion et de nostalgie, que ce soit dans les stades, les festivals, à la radio, lors des mariages ou sur les pistes des clubs les plus en vogue.
« Disco. I’m Coming Out » : l’expo qui fait vibrer Paris à la Philharmonie
La Philharmonie de Paris invite à une immersion totale dans cet univers flamboyant avec « Disco. I’m Coming Out », une exposition inédite qui retrace son histoire, de ses origines underground à son héritage toujours vibrant aujourd’hui.
Entre sons envoûtants, lumières psychédéliques, instruments iconiques, costumes et objets-culte, « Disco. I’m Coming Out » nous absorbe dans l’âge d’or du genre, tout en explorant son influence actuelle, des clubs branchés aux grandes stars discos.
Jusqu’au 17 août 2024 à la Philharmonie de Paris
Réservez vos billets dès maintenant et venez vibrer au rythme du disco !
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Exposition « DISCO, I’m coming out »
COMMISSARIAT
Jean-Yves Leloup, commissaire
Marion Challier, commissaire-associée
Patrick Thévenin, conseiller
DIRECTION ARTISTIQUE
GGSV (Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard)
SCÉNOGRAPHIE
Studio Bloomer (Laure Dezeuze)
CRÉDIT PHOTO : Meryl MESLER
* La Dépêche du 31 juillet 2024, « La Gen Z tourne le dos aux boîtes de nuit »