BOB DYLAN L’INTEGRALE DES RS INTERVIEWS 1969-2012
À tous ceux qui me demandent parmi tous ces personnages mythiques rencontrés as-tu jamais interviewé Dylan, j’ai l’habitude de répondre invariablement que : « Dylan ne parle qu’à Dieu et non pas aux hommes », tant ses apparitions dans les médias sont rares, cependant notre Zim aura pourtant au fil de sa longue carrière accordé quelques rares entretiens, notamment pour Rolling Stone, le mag auquel je collaborais dans sa version française. Voici donc « Les Rolling Stone Interviews 1969-2012 », soit un recueil d’entretiens menés par les plumes de RS, offrant une immersion dans l’univers complexe de Dylan, dévoilant les multiples facettes de sa personnalité et les évolutions de sa carrière sur plus de quatre décennies, un livre de 310 pages doctement examiné par JCM.
Par Jean-Christophe MARY
L’ouvrage retrace l’évolution de Dylan, depuis ses débuts en tant que jeune chanteur de rue à New York jusqu’à son statut de légende de la musique, récompensé par le prix Nobel de littérature en 2016. Chaque entretien révèle des aspects méconnus de sa personnalité, ses réflexions sur la musique, la célébrité et son processus créatif. Ce recueil constitue une ressource précieuse pour comprendre l’impact et l’influence de Bob Dylan sur la culture contemporaine. L’interview inaugurale de 1969, menée par Jann S. Wenner, cofondateur de Rolling Stone, est particulièrement révélatrice. À cette époque, le songwritter s’était retiré de la scène publique après un accident de moto en 1966, suscitant de nombreuses spéculations. Dans cet entretien, il confie : « Après mon retour d’Australie, Blond on Blonde était dans les palmarès. J’ai eu un épouvantable accident de moto qui m’a mis KO. Je n’ai vraiment compris l’importance de cet accident au bout d’une année ». Cette déclaration éclaire les raisons de son retrait temporaire et sa volonté de changer de mode de vie. Dylan évoque également l’évolution de sa voix, notable sur l’album «Nashville Skyline». Il attribue ce changement à l’arrêt du tabac, affirmant avec humour : « Je te jure si tu arrêtes de fumer ces cigarettes, tu chanteras comme Caruso ». L’entretien de 1978 avec Jonathan Cott, réalisé en décembre 1977 à Los Angeles, se distingue par sa profondeur et sa richesse thématique. Dylan y aborde notamment son film « Renaldo et Clara», offrant des clés de lecture sur cette œuvre énigmatique. Il décrit le film comme étant centré sur « l’identité », affirmant « c’est surtout à propos de l’identité de Renaldo, c’est sa vision, et son rêve ». Cette exploration de l’identité reflète les préoccupations constantes de Dylan à propos de la nature changeante de nos personnalités humaines et de la célébrité en particulier. Au fil de la conversation, Dylan partage également sa vision de l’art et de la créativité. Il exprime l’idée que « le but le plus élevé de l’art est d’inspirer », soulignant ainsi sa quête d’authenticité et d’impact émotionnel à travers son œuvre.
L’interview de 1984 avec Kurt Loder, évoque-lui la transition artistique et personnelle que Dylan connait à cette période. Après sa phase de renouveau chrétien, le chanteur cherchait à redéfinir sa place dans le paysage musical contemporain. Lors de cet entretien, il adopte un ton parfois combatif, répondant avec acuité aux questions sur sa conversion religieuse en déclarant : « Je n’ai jamais dit que j’étais né de nouveau, c’est juste un terme médiatique ». Cette précision souligne sa volonté de se distancier des étiquettes simplistes et de reprendre le contrôle de son récit personnel. Le chanteur exprime également son scepticisme à l’égard des avancées technologiques, notamment l’exploration spatiale : » Quel est le but d’aller sur la lune??? ». Au fil de la conversation, Dylan partage sa perspective sur l’industrie musicale et les défis auxquels il est confronté en tant qu’artiste cherchant à rester pertinent dans une ère dominée par MTV et les nouvelles tendances. Cet entretien offre ainsi un aperçu intime de ses réflexions et de sa quête constante d’authenticité dans un monde en perpétuelle mutation. L’entretien de 2001 avec Mikal Gilmore offre un aperçu de la vision artistique et des réflexions de Bob Dylan au début du nouveau millénaire. Dans cette interview, il évoque l’album « Time Out of Mind » produit par Daniel Lanois, parle de l’infection au niveau du cœur qui l’a tenu hospitalisé.
Il revient aussi sur « Love and Theft », un album « …autobiographique à tous les points de vue ». Cet entretien révèle également la perspective de Dylan sur l’évolution de sa carrière et sa quête constante de pertinence artistique. Il exprime la nécessité de se renouveler et d’adapter son répertoire pour rester en phase avec son public, soulignant ainsi son engagement envers son art et son désir de continuer à évoluer en tant qu’artiste. En bonus, on trouve l’entretien « surréaliste » de ce direct à la radio sur Europe 1 avec le traducteur des ITW, Yves Bigot, qui tourne au désastre, les connexions téléphoniques n’étant pas encore optimales en 1981. Les réponses de Dylan semblent décousues, succinctes, évasives. Toutefois on y apprend que désormais pour le chanteur, le live à plus d’importance que de sortir un album : « Depuis Slow Train Coming, j’ai pris le parti de jouer de manière continuelle pour que ma musique puisse évoluer de façon organique soir après soir. C’est la tournée perpétuelle, comme le mouvement du même nom. La vie, en somme ». Cet ouvrage qui se lit d’une traite présente l’artiste sous un angle différent et permets au lecteur de mieux saisir la complexité et la profondeur d’un homme derrière sa légende.
Bob Dylan – L’Intégrale des Rolling Stone Interviews 1969-2012».
Éditions Rolling Stone.