BERTRAND BELIN « Tambour Vision »
Électro pop esthétique à la Française, poésie sombre ciselée au millimètre, timbre grave qui rappelle quelque peu Bashung, dès la première écoute, on tombe vite subjugué sous le charme discret de « Tambour Vision », le nouvel album de Bertrand Belin qui prouve ainsi qu’il sait se montrer tout aussi craquant que ses biscuits … Belin homonymes 🤣
Par Jean-Christophe MARY
Il y a Bel… un et Bel.. autre, et surtout se méfier des contrefaçons; c’est sans doute pour cela que le créateur de « Parcs » (2013), « Cap Waller » (2015), « Persona » (2019) continue à produire dans sa cuisine intérieure, une pop electro-jazzy, poétique et langoureuse qui ne ressemble qu’à lui et dont il a seul le secret. En publiant aujourd’hui » Tambour Vision « Bertrand Belin persiste et signe dans une voie toujours aussi charnelle qu’organique. Si d’entrée, l’œil est attiré par la pochette, en forme de clin d’œil aérien au clocher du Vertigo d’Alfred Hitchcock, Bertrand Belin nous offre une plongée en eaux profondes, une descente en apnée dans la langueur d’une bande son séduisante, qui conjugue à la fois le raffinement des Talking Heads et l’esthétisme d’Alain Bashung. Les notes glissent, s’enfoncent vers les territoires d’une longue rêverie avec une certaine saveur rétro romantique avec ces envolées de saxophone, ces glissendo de synthétiseurs New Wave 80’s. D’entrée, « Carnaval » nous attire doucement vers une sorte de somnolence légère. Cette pulse chaloupée, provoquée par la boite à rythme et le clavier hypnotique, nous invite à nous étendre sur le sofa et ouvrir la porte de rêves aquatiques. « Que dalle » nous fait encore descendre un peu plus bas en apnée, avec ses nappes de claviers cristallines, rehaussées d’un sax lointain comme des bulles d’air qui voguent au gré de l’instant. « Tambour » vous renvoie en surface pour une bonne bouffée d’oxygène avant la redescente finale. Musique nonchalante, texte à géométrie variable, ce titre entêtant et dissonant s’écoute en boucle et rappelle l’univers de Bashung.
Ce qui frappe ici c’est l’économie de mots, une sélection exigeante de mots imagés, de mots forts qui frappent l’oreille, de mots répétés à l’infini. La suite de l’album est une véritable plongée dans l’univers des fonds aquatiques avec ses respirations portées par la voix baryton basse pleine de chaleur. Sur « T’as vu sa figure », on glisse, on coule à pic pour s’enfoncer vers les territoires de l’étrange, sans savoir si on touchera le fond. Le breton conjugue avec talent les influences jazz, rock, electro et fabrique une bande son à l’atmosphère unique où viennent se greffer guitares gracieuses, synthétiseurs analogiques, beat machines, voix soufflées et autres sons surprenants. Construite avec grâce et intelligence, la musique de Bertrand Belin agit comme un calmant anti dépresseur. Derrière l’apparente désinvolture et nonchalance, il y a de l’ordre et de la rigueur, derrière l’apparente tranquillité, une certaine présence sulfureuse. Ce nouvel album à contre-courant est un étonnant exercice de style qui risque en surprendre plus d’un. Et forcément, nous on adore. A noter que Bertrand Belin sera en concert à la Salle Pleyel le 09 décembre 2022.