ANNEES 80 DEPECHE MODE D’EMPLOI

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Voici 30 ans dans BEST, GBD tendait à nouveau son micro à ses camarades de Depeche Mode pour les besoins de la « une » du numéro 231 du mythique mensuel de la rue d’Antin. Je retrouvai donc Dave Gahan, Andy Fletcher, Martin Gore et Alan Wilder aux confins de la verte campagne danoise, dans un studio d’Arhus où ils achevaient le mixage de leur sixième album, l’explosif « Music For the Masses » découvert à leurs côtés et dont j’ignorais, bien entendu, à ce moment-là tout le futur doré. Flashback aveuglant pour cet album forcément en mode…majeur !

 

BEST 231 small« Je parie que nous passerons même le cap des 90’s » pronostiquait alors fièrement Dave Gahan, au micro de BEST…TRENTE ans plus tard ils sont toujours là, et c’est sans doute le super-pouvoir mutant de Depeche Mode qui les porte. En débarquant au studio danois PUK, où ils mixaient cet album « massif » dont je n’avais pas écouté une seule note. Comment aurais-je pu me douter que le successeur de « Black Celebration » porterait aussi justement son titre, qu’il serait suivi de la plus dantesque des tournées des Quatre de Basildon qui s’achèverait deux ans plus tard, au Pasadena Rose Bowl de Los Angeles, devant la plus grande foule qu’ils aient jamais réunie et après 100 dates qui donneront matière au cinéaste rock D.A Pennebaker pour réaliser son « 101 » ? Sans m’en rendre vraiment compte, dans ce reportage pour BEST, j’allais littéralement mettre le doigt sur un chapitre de l’histoire du rock.

 

Publié en UNE du numéro 231 de BEST  ALL PHOTOS BY Jean-Yves LEGRAS

 

« Le meilleur autoportrait de Depeche Mode ? Leurs réponses sur les années quatre-vingt. Ils en sont bien le groupe parfait. » Christian LEBRUN

 Music For the Masses

Saut de puce au-dessus de l’océan depuis Copenhague, le 727 de la SAS, après trente minutes d’un vol bien arrosé à l’aquavit, amorce sa descente sur Arhus Airport. Comme une jungle imaginaire de gazon anglais, en bas, tout en bas, la campagne danoise s’étend à perte de vue. En sortant du terminal, je me surprend à penser: «Comme les vaches devaient être sexy! ». Qu’est-ce qui pouvait attirer les flamboyants Depeche Mode dans un endroit pareil ? Enregistré au studio Guillaume Tell à Suresnes et au Konk de Londres, le Depeche neuf achevait son mixage au cœur de ce pays danois désurbanisé. Une heure de route en direction de Randers, puis quelques kilomètres jusqu’à Gjerlev, sur un chemin à travers champs, le studio PUK étincelle sous le pâle soleil nordique. Bois vernis et baies vitrées au milieu du néant, le studio des Mode ressemble à une base avancée plantée sur une planète en voie de colonisation. Paumé mais esthétique, Ie lieu studieux vibre des accords en rock-fiction d’une des formations les plus étonnantes de la décennie. Obsédés du sampling aventureux, énergie à fleur de peau vive comme la fibre optique, sans manager et dans la jouissance de l’indépendance, Dave Gahan, Andy Fletcher, Martin Gore et Alan Wilder incarnent en Depeche Mode tout le vertige des années 80. Parquet miroir, image en Panavision de la console Solid State Logic, acoustique spatiale et plantes vertes, David Bascombe le fameux ingénieur du son est aux commandes. Dans des fauteuils de cuir noir les quatre de Basildon ont les oreilles tendues. Les méga-HP du control room balancent les séquences inédites du nouvel album. A travers les baies vitrées, les champs à perte de vue donnent un côté irréel à la scène. Poignées de mains, sourires – je n’avais pas revu le groupe depuis leur concert à Annecy l’an passé sous des trombes d’eau- et Bascombe nous fait basculer dans la mélancolie des rafales de synthés du maxi « Never Let Me Down Again ». Speed, tendresse, profondeur, harmonie, pulsé comme un cœur géant, le titre à des accents dramatiques qui ne peuvent laisser indifférent. Choc pour tripes et tympans, « Never Let Me Down Again » a toute la détermination d’un hit comme « Stripped ». Toblerone, cigarettes et bières sur la table basse en bois brut, dans ce décor design suédois, les Depeche tracent la genèse de leur nouvel album intitulé « Music For The Masses».

« Music For The Masses»

never let me down again Les dix titres qui le composent ont été écrits par Martin dans sa baraque de Londres, entre l’été 86 et le nouvel an. Après écoute des demos, tout le monde s’est retrouvé dans le studio 16 pistes d’Alan pour programmer toutes les plages. Durant tout le mois de janvier, s’opère le gros œuvre, le croquis sonore, la trame sur laquelle seront bâties les chansons. Le groupe s’envole ensuite pour Paris où le premier single « Strangelove » et la plupart des morceaux sont enregistrés. Après six semaines de Guillaume Tell, les Mode s’offrent quelques vacances. Globe trotters et bronzés, nos quatre jeunes gens se retrouvent au studio Konk de Londres pour capturer de nouveaux titres. Enfin, dernière étape avec l’immensité des plaines danoises pour le mixage. Mais que diable sont-ils venus faire dans cette galère scandinave ? « C’est un des meilleurs studios du monde », réplique Fletch, « Et ça nous changeait de Hansa à Berlin, où l’on travaillait depuis quelques années. On a un tas de copains là-bas, mais on s’est dit qu’il était temps de changer d’air. Si tu vas au même endroit tous les jours, tu deviens fonctionnaire et c’est terrible. lci c’est tellement paumé qu’il n’y a pas d’autre choix que bosser. La preuve, il ne nous reste plus que deux titres à mixer. »

Clin d’œil à la dernière tournée-plus de 500.000 entrées tout de même- le titre « Music For The Masses », comme la faucille de «A Broken Frame», le marteau de «Construction Time Again » et les symboles industriels des deux albums précédents, reflète les tendances socialisantes du groupe. Années 80, années Depeche Mode, les petits gars du Sussex ont trouvé le beat à succès qui résume toute la tendance de la décennie. Archétype des 80’s, chacun des quatre Modes reflète aussi les influences du groupe. Un à un, ils ont accepté de se livrer au jeu de l’interview sur le thème des années Depeche Mode.

 

MODE 1 : DAVE GAHAN

Dave Gahan

Dave Gahan

« Je crois qu’on est effectivement un groupe des 80’s. Nous avons démarré en 80, et en 87 nous existons toujours. Je parie que nous passerons même le cap des 90’s. Si nous avons survécu c’est que notre musique a su progresser. Si tu écoutes successivement les albums de Depeche, l’évolution est très nette. Je ne sais pas si beaucoup de groupes évoluent de manière aussi radicale. En général, lorsqu’ils trouvent une formule qui marche, ils s’y accrochent. Nous, au contraire, nous cherchons sans cesse de nouveaux terrains à expérimenter; il n’y a pas d’autre moyen d’éviter l’ennui. Je crois aussi que Martin a le rare talent d’écrire des chansons qui résistent à l’érosion du temps. Des trucs comme « Everything Counts » et « People Are People » dureront à jamais. Je parie même que dans dix ans des groupes feront des reprises de ces chansons : c’est une musique qui te pousse en avant. Nos chansons ont toujours une atmosphère; triste ou optimiste, elle est bourrée de substance. Le nouveau simple, « Never Let Me Down Again » me donne vraiment la chair de poule. Toutes nos chansons ne me font pas cet effet-là, mais celle-ci est sauvage. J’aime cette sorte de tension.

Ça c’est vraiment un truc des 80’s ! Le goût de la tension, c’est l’apport du punk ?

Pour moi c’est essentiel. J’ai besoin de cette tension à la frontière de l’explosion. J’ai besoin de savoir que tout peut arriver.

Au cours des 80’s, la technologie dans les studios et dans votre vie de tous les jours a sacrément évolué. Qu’est-ce qui t’as le plus marqué ?

Avant tout, l’implication électronique qui touche à peu près tous les groupes. ll y a bien peu d’albums aujourd’hui sans Fairlight, Synclavier ou Emulator. Le problème c’est que la plupart de ces groupes ne savent pas les utiiser. lls usent et abusent des sons préprogrammés, offerts en prime avec la machine au lieu de créer et d’inventer leurs propres sons. Pour nous c’est vraiment un jeu de dénicher les sons les plus inattendus. La seule règle, c’est qu’ils ne soient jamais passés sur un autre disque auparavant. Dans le genre phénomènes essentiels des 80’s, il y a la VHSmania et la CDmania. Un groupe comme Depeche est aussi accro à la technologie, c’est aussi ce qui nous distingue des groupes des 60’s où tu grattais ta guitare et basta. Aujourd’hui le choix des sons est vertigineux. Parfois nous passons des jours entiers pour créer LE son qu’on cherche. On utilise tant d’instruments différents. Les gens disent que Depeche Mode est un groupe électronique, c’est faux. On utilise n’importe quoi, de la guitare acoustique aux percus en passant par les robots les plus sophistiqués. Tout ce que nous refusons ce sont les limites et je ne crois pas qu’il existe au monde un seul groupe qui fonctionne comme nous.

Et les fringues des 80’s ?

Les premiers groupes que j’ai écoutés étaient punk : les Damned, Siouxsie, etc… et je m’habillais comme eux. C’était une époque géniale, irradiée d’énergie. Je détestais l’école. Tout ce qui m’intéressait, c’était de sortir tous les soirs pour voir un concert. J’avais quinze ans et je refusais l’école parce qu’on cherchait à m’y dicter une conduite pour pouvoir mieux m’enterrer dans un job machinal stupide et mortel. J’ai tout plaqué pour m’échapper à Londres. Mais le punk a fini par m’ennuyer parce que tout le monde se ressemblait: mêmes fringues, mêmes coupes de cheveux, cela devenait la norme, c’était pénible.

Alors quel est le look idéal des 80’s ?

Hum… dur à déterminer. Moi j’ai toujours craqué sur les fringues; même lorsque j’étais fauché je claquais déjà tout dans les chiffons. Aujourd’hui, je vais à South Molton Street et je fais des razzias de Gaultier et de « Comme des Garcçons». Le look des 80’s c’est aussi le cuir et j’en porte souvent.

Sans manager ni contrat et à la majorité des voix. Se prendre complètement en charge, c’est aussi un truc des 80’s.

C’est vrai, nous avons appris seuls, en nous prenant en charge et sans jamais signer de contrat avec une maison de disques ,‘je crois que c’est assez unique pour un groupe de la taille de Depeche Mode. Mais nous avons bossé dur pour en arriver là et nous allons continuer. En fait, je crois que nous aimons bosser. Moi j’ai vingt-cinq ans et je n’ai plus de problème de blé, mais surtout j’aime avec passion ce que nous faisons, même si parfois c’est dur mentalement et physiquement.

Si tu avais été chanteur d’un groupe voilà dix ans, les choses auraient-elles été différentes pour toi ?

Si j’avais été un chanteur des sixties, j’aurais aimé que ce soit avec les Stones. Car je me sens teigneux comme Jagger ou Richard à l’époque.« 

MODE 2 : ANDY FLETCHER dit FLETCH

Andy Fletcher

Andy Fletcher

« Dans le nouvel album, le mot «masses» a une coloration socialiste. C’est un truc des 80’s ?

C’est plus un clin d’œil qu’une position politique surtout face aux Anglais qui nous reprochent toujours de ne pas faire une musique assez commerciale pour pouvoir passer à la radio. Musique pour tous en théorie, car l’album sera encore rejeté par une foule de gens. En fait, cela ne me déplait pas qu’on fasse une musique qui puisse choquer les gens. Pourtant nous ne sommes pas vraiment des allumés genre Sex Pistols. Nous n’avons rien contre le rock basse/guitare/batterie mais nous voulons tenter quelque chose de différent. Ces sept dernières années ont été géniales pour nous, mais beaucoup de gens en Angleterre et ailleurs se souviendront des 80’s pour le chômage et les files d’attente de l’ANPE.

Les années 80 sont aussi les années Thatcher.

Thatcher a eu beaucoup de chance: à cause de la baisse du pétrole brut et de la chute du dollar, les économies occidentales se sont remises à tourner. Objectivement, l’économie britannique est en bien meilleur état, mais si la gauche avait gagné, elles aurait obtenu les mêmes résultats et au moins les allocations chômage seraient plus élevées.

La gauche British des 80’s ne manque-t-elle pas sacrément de leader ?

Il y a Neil Kinnock et il assure, je crois. Mais notre système électoral à un tour est assez vicieux pour se jouer de la majorité. Chez moi, à Basildon, les Tories (la droite) ont eu 20 000 voix, le Labour (la gauche) 18 000 et l’Alliance Libérale a fait 72 000. La droite avec ses 20 000 voix a raflé le siège, même si 30 000 citoyens ont voté contre elle. C’est dégueulasse. Projeté à l’échelle de la nation, c’est encore plus révoltant. Avec 6 millions de votants, les libéraux ont remporté 20 sièges au Parlement. Avec 73 millions de voix, la droite majoritaire pèse 400 sièges. Mais la politique n’est pas si importante et cinq ans  après tout ça passe très vite.

À l’étranger, y-a-t’il un personnage qui incarne pour toi les 80’s ?

Pour moi c’est Reagan ; il est si drôle et dérisoire. Gorbatchev est aussi  un personnage essentiel avec sa glasnost (politique d’ouverture).

Et c’est une déclaration de quelqu’un qui n’hésite pas à utiliser l’imagerie socialiste, entre autre, sur ses pochettes !

N’oublie pas que ce groupe est constitué de quatre individualités. Politiquement, nous avons chacun notre idée. Voilà pourquoi, dans les chansons, nous nous contentons toujours de poser les problèmes, sans forcément apporter vraiment de réponse. Depeche Mode est une mini démocratie. Notre musique s’adresse aux teenagers, qui sont au stade le plus sensible de la vie, au moment où naissent la plupart des idées. S’ils écoutent des groupes comme nous, je crois que c’est positif, mais nous pouvons tout juste les aider à reconstituer le puzzle de la vie. S’ils en retiennent quelque chose, tant mieux.

Cela ressemble à votre sens aigü de l’indépendance. 

Nous avons eu beaucoup de bol. D’ailleurs, jamais je ne pourrais conseiller  à un groupe de suivre notre exemple. Tout le monde n’est pas Daniel (Miller), il y a tant d’escrocs au pays du rock and roll.

Un objet des 80’s : le maxi 45 tours.

Au cours des 70’s, le single est devenu un objet si ennuyeux qu’il fallait  bien trouver quelque chose pour le remplacer. Lorsqu’ils sont bien foutus, les 12 inches sont des objets magiques. Mais là  aussi, il y a beaucoup d’arnaque. Nous  sommes assez fiers de notre collection  de maxis. 45 tours Dans dix ou quinze ans, je parie qu’ils auront une certaine valeur, car même si tu n’aimes pas les chansons, chacun d’entre eux a quelque chose de fort. Chaque fois, ils nous ont permis de repousser les frontières de notre imagination.    

Vous enregistrez en RFA ( République Fédérale d’ Allemagne) en France, en Angleterre, au Danemark; les 80’sc’est aussi l’Europe ?

Une des raisons de notre succès en Allemagne est sans doute du à notre travail à Berlin et au fait que Martin s’y soit installé. Les kids aiment bien savoir que leur groupe favori se plait à partager leur ville. Pour Paris c’est la même histoire, on a eu envie d’y vivre un moment, d’y bosser et de s’y amuser.« 

MODE 3 : MARTIN GORE dit « ONCLE MARTIN »

Martin Gore « Oncle Martin »

« Quel est le film des 80’s qui t’a le plus marqué ?

De la manière la plus stupide et presque de façon négative c’est « Bladerunner » parce qu’il est si 80’s qu’il dépasse le cadre des 80’s. Chaque plan, chaque séquence a une propreté immaculée qui te donne une irrésistible envie d’être moderne. Chaque fois que je vois ce film, je me sens comme un plouc, je trouve que mes cheveux ne sont pas assez décolorés et j’ai envie de ressembler à ces répliquants qui ne vieillissent jamais.

Si on considère que Depeche Mode incarne les 80’s, auriez-vous été radicalement différents durant les 60’s ?

Dur de juger. On serait sans doute passé par les mêmes plans que les autres. Le plan cheveux mi-longs, puis le plan « ah ce qu’on s’aime » puis le plan « fleurs dans les cheveux », etc. Je crois surtout que les besoins étaient différents à l’époque. On n’écrivait donc pas les mêmes histoires. D’ailleurs, la plupart des chansons des 60’s étaient axées sur l’amour.

Pas celles des 80’s ?

Un certain nombre, mais pas toutes. Ce qui n’empêche pas de faire passer l’émotion dans la musique. La plupart de mes chansons reflètent un sentiment désabusé, voire désenchanté, mais elles sont aussi une quête incessante de l’innocence. Pour moi, c’est la seule manière de survivre. Je sais que beaucoup de gens trouvent mes chansons déprimantes. Pour moi, au contraire, elles sont gorgées d’espoir.

Tu as écrit les chansons de « Music For The Masses » chez toi, à Londres ; la ville a-t-elle changé au cours des 80’s ?

Pas facile à déterminer pour moi car je n’y vis pas depuis très longtemps. Basildon n’est pas très éloignée de la capitale, mais je n’allais à Londres que pour bosser. Je ne sortais jamais, car la route du retour était assez longue: 60 kilomètres, lorsque tu ne conduis pas et que les trains s’arrêtent à minuit, ça devient le bout du monde. A Londres, on vit un peu plus tard qu’à Basildon et les lois sur la prohibition sont même en train d’évoluer. Les pubs seront. bientôt autorisés à rester ouvert dans la journée, mais il fermeront toujours à onze heures. Ça parait carrément rétro et pourtant… En fait, l’Angleterre n’est pas très 80’s, c’est tout le problème. Je préfère vraiment vivre à Berlin. Si je me suis installé à Londres, c’est seulement parce que ma petite amie n’a jamais vécu ailleurs qu’à Berlin et qu’elle rêvait de  l‘Angleterre. Mais bientôt, je crois que j’aurai envie d’aller respirer ailleurs en Europe. Je déteste I’Angleterre, elle est trop réac et rétro. Ces lois, ces attitudes je les connais trop bien. J’aime autant les Français ou les Allemands, peut être parce que je les cerne moins bien. Mais je sens instinctivement qu’ils aiment la vie et la culture.

Dans l’art ou les bouquins, te souviendras-tu de quelque chose  en particulier pour les 80’s ?

Impossible, n’oublie pas que je suis Anglais. Tu sais, la plupart des Anglais lisent le Sun ou le Daily Mirror. Je sais que ces feuilles de choux ont leurs équivalents partout en Europe, mais chez nous elles me semblent encore plus nulles. Pour moi, ces canards sont si incroyables, qu’ils deviennent drôles. Et parfois, je rêve que tous ces gens ne les achètent que pour rire comme moi. Chaque jour, en page trois ils mettent une playmate plantureuse. Durant les élections, le Sun a fait très fort en publiant un quart de page blanc à la place de la fille et cette légende: « Si la gauche arrive au pouvoir, voilà ce que vous  risquez de trouver tous les jours en page trois ». Je parie que le Labour a perdu la partie à cause de ça !

Tous vos maxis sont sortis en versions CD ; voilà de beaux objets des 80’s.

J’ai acheté un lecteur il y a pas si longtemps. On m’en avait offert un il y a trois ans mais il n’était jamais sorti du carton. Je suis un vieux fan de rock and roll et tous mes vieux disques n’existent pas en compact. J’écoute aussi des trucs allemands underground et des vieux gospels. Et puis, toute ma vie j’ai eu des crin-crins ripoux, il me faut du temps pour m’habituer à une super chaîne hi-fi, alors le CD !

Et la technologie ?

Bien sûr, je m’en sens très proche par notre musique. Quand, nous avons commencé en 80, on pouvait tout juste raccorder une drum-machine à un sequencer. Aujourd’hui, c’est vertigineux. En musique il y a chaque semaine de nouvelles inventions qui sont inter-actives. Parfois, même pour nous, c’est assez dur à suivre, mais on devient vite accro aux nouvelles techniques. Les kids des 80’s ont beaucoup de chance, ils grandissent en même temps que ces machines et ils les comprennent de manière instinctive. S’ils craquent autant sur la musique de Depeche, c’est sans doute qu’ils sentent que nos machines et leurs machines tiennent le même langage. »

 

  MODE 4 : ALAN WILDER

Alan Wilder

Alan Wilder

« Je crois que nous sommes encore plus 80’s que la plupart des groupes des 80 ‘s. Je ne parle pas de musique, bien sûr ce serait prétentieux, mais dans notre manière de fonctionner. En toute indépendance, sans manager, nous prenons nous-mêmes en charge toutes les facettes du groupe au lieu de s’en décharger en prétendant hypocritement se consacrer à la musique. Nous contrôlons nos vidéos, le graphisme et les photos de nos pochettes et tout le business. Je crois que les groupes du futur devront avoir des membres qui n’auront plus rien à voir avec la musique. Un membre du groupe assurera l’image et un autre se chargera des affaires, mais en tant que partie intégrante du groupe, il veillera aux intérêts de la communauté. Le groupe des années 90 tendra vers cela. C’est pareil pour les vidéos, les groupes devraient s’emparer des caméras comme ils ont su jadis empoigner leurs guitares.

Est-ce qu’il y a une voiture qui à ton avis a marqué les 80’s ?

Moi je suis un nostalgique de l’automobile et je déteste en vrac toutes les voitures modernes. J’aime les vieilles bagnoles des 50’s/60’s. Je roule d’ailleurs en DS 23. Je l’ai refaite à neuf. C’est un vrai tank, stupide à conduire et un enfer pour les parkings, mais elle est superbe. Elle aurait pu être dessinée durant les 80’s. Elle était bien trop en avance sur son temps.

Que détestes-tu le plus dans les 80’s ?

L’overdose massive de la télé et ses effets ravageurs sur les gens.

Pourtant tu fais des vidéos et certaines comme « Strangelove », réalisée par Anton Corbijn, sont assez réussies.

Beaucoup de gens crachent sur nos clips car ils les trouvent trop intellos, trop zarbis, trop arty.

Et le sport ? De la planche à voile au raft, au cours des 80’s on a vu apparaître des tas de nouveaux sports.

J’adore le sport. Le foot surtout. Mais le sport des 80’s, c’est le snooker. Ça se joue sur une table de billard, mais il y a bien plus de boules et les règles sont différentes. La popularité du snooker est assez incroyable. Aujourd’hui il existe des tas de clubs partout en Angleterre. Quant au foot, il perd sa popularité à cause de la violence et du spectre des hooligans.

Et les clubs de rock ?

A Londres, la faune des boites me donne de l’urticaire. J’aime mieux passer mon temps à la maison avec ma petite amie. Je cuisine même de temps en temps.

Si l’on considère que Depeche mode incarne LE groupe des 80’s, quel est à ton avis celui des 70’s ?

Les premiers groupes qui me passent par la tête sont Slade, Sweet, Queen, Gary Glitter, Genesis, Yes…

Les 80’s, en fin de compte ?

Comme les fringues de la décennie, un patchwork d’after-punk, de nouveau romantique et de jeunes gens modernes, avec un net penchant pour l’électronique et les enivrantes perversités de la technologie.« 

 

Publié en UNE du numéro 231 de BEST daté d’octobre 1987

BEST 231 small 

Little 15 – Depeche Mode – Original Video from Ricco Ritscher on Vimeo.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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