ALL MY NEW YORK 1981 HEROES

NY 1981Voici 40 ans dans BEST, GBD jouait à « Tintin en Amérique » rencontrant Jim Steinman, mais aussi ses héros David Johansen ( NY Dolls), Elliott Murphy, Todd Rundgren, sans oublier David Silver ( co réalisateur producteur de « No Nukes »), les Bush Tetras, Gene « Kiss » Simmons , Pete Townshend, le Novo Combo de Mike Shrieve, the Bongos, Bill Schmock  et Garland Jeffreys… mais aussi hantait the Ritz, the Savoy, le One University bar, the  Palladium, le  Peppermint Lounge… bref, tout le rockin’ New York à l’aube de l’été 1981… sans oublier l’ombre d’Anne d’Ornano, maire de Deauville et censeur-fossoyeur du mythique film-concert anti-nucléaire « No Nukes »… Flashback !

NY 1981Comment oublier son épique « Bat Out of Hell” pour Meat Loaf ou encore son « Total Eclipse of the Sun » pour Bonnie Tyler ? Entre le crépuscule des 70’s et l’aube des 80’s, Jim Steinman était un producteur/ compositeur rock à succès. Mais surtout un homme de l’ombre. Or en ce printemps 81, je reçois un coup de fil de Christian Lebrun, m’annonçant qu’il m’envoyait à New York interviewer Meat Loaf qui bossait à son nouvel album, le successeur de son fameux « Bat Out of Hell » que j’adorais. Cool. Et me voilà confortablement  installé au Hilton, juste à coté du CBS building qui hébergeait aussi son label associé Epic sur lequel était justement signé Meat Loaf. Oui, mais voilà… j’ai passé plus d’une semaine à attendre Meat Loaf, qui n’est jamais venu !

Jim Steinman and Meatl LoafEn fait, Epic avait bluffé BEST pour nous « vendre » Meat Loaf alors que dès le début je devais rencontrer… Jim Steinman, qui coïncidence publiait son premier LP solo « Bad for Good », qui ressemblait étrangement à du Meat Loaf, y compris le meddley alter-ego de « Paradise By the Dashboard Light », devenu ici ne rétro-classique « Dance in My Pants ». Bon, durant cette semaine d’attente j’ai eu le temps de m’occuper. Je n’avais pas remis les pieds à Manhattan depuis 76 lorsque j’étais encore étudiant. Aussi pour ce tout premier reportage pour la presse rock hexagonale dans la Grosse Pomme, j’en ai profité pour rencontrer nombre de MES héros du rock. Oh pas forcément de gros vendeurs ni de squatteurs habituels des charts, juste quelques légendes comme Todd Rundgren, David Johanssen ou encore Elliott Murphy. Et, forcément lassé d’attendre en vain le gros Meat, j’ai aussi accepté de rencontrer Jim Steinman. Inutile de vous dire que je n’ai pas regretté avec un tel personnage aussi riche en couleurs que débordant d’un humour bien délirant. Car derrière tout l’univers rock musclé grandiloquent de Meat Loaf, c’est bien la patte de Steinman qui était en action. Quatre décennies après cet entretien, j’apprends qu’il a définitivement quitté le building. Son « Bad For Good » sous son angélique pochette bleue tourne sur ma platine… immense tristesse.

( la partie Jim Steinman de ce reportage avait déjà été publiée sur Gonzomusic en avril 2021 en hommage au créateur de « Bat Out of Hell » et de « Bad For Good » qui venait de décéder https://gonzomusic.fr/so-long-jim-steinman.html )

Publié dans le numéro 156 de BEST sous le titre :

NY 1981EN ATTENDANT MEAT LOAF…

“Waiting (in vain) for the Meat à New York, Gérard Bar-David rencontre quelques-unes de ses vraies stars favorites ainsi que des petits camarades de la rédaction qui, eux-mêmes… »

Christian LEBRUN

Cinq ans, c’est le titre d’une chanson de Bowie, c’est aussi le laps temporel écoulé depuis mon ultime séjour à New-York. New-York, la « Grosse Pomme » et ses pépins, la fumée qui s’échappe des bouches d’égout et les taxis jaunes qui dansent sur les chaussées défoncées : en plein Manhattan, la fenêtre de ma chambre d’hôtel joue les écrans géants de vidéo. Les lumières de la ville forment un space invader tridimensionnel où mon visage se détache en surimpression, sur fond de radio FM… WABC NY! Dimanche soir, dans la city, je traine sous la pluie. Après la visite express d’un fast food, je décide d’aller attendre la tombée du jour dans un ciné de Broadway. « The Final Conflict », c’est le troisième épisode de « La Malédiction ( The Omen) » . Je rêve d’une grande tornade noire et ésotérique qui m’emporte loin du quotidien et je ne trouve qu’un semblant de frisson on Broadway. Exit, le spectacle des néons des sex shops et des boutiques-gadgets à touristes est au moins 455 % plus flash.

Jim SteinmanSi j’en crois l’ordre de mission détaillé que m’a remis EPIC, demain matin, je dois interviewer Meat Loaf et Jim Steinman, son co-liftier. Dans I’avion, j’ai écouté la cassette de son premier Lp « Bad for Good », une production peaufinée pour un rock musclé. En attendant, je parcours le damier de Manhattan a la recherche de ma drogue fondamentale: music, man! Ici, pas la peine de se pousser pour la dénicher, elle est partout, dans les bagnoles, les boutiques ou à l’épaule d’un géant noir made in Bronx. La musique, c’est la fleur sauvage de la ville, une plante folle et vivace qui éclate en toute liberté et qui fait complètement partie du paysage.

The Ritz

The Ritz

Parmi les boites de la scène new-yorkaise, la plus branchée du moment, c’est incontestablement le Ritz. La salle ressemble un peu à celle du Palace. On peut y voir des vidéos colorées et sophistiquées ou, grâce au « squeeze zoom », l’image parvient à vivre au sein d’une autre image. Comme dans toutes les boites aux USA, le verre ne coute que deux ou trois dollars, ainsi les clients n’oublient jamais le chemin du bar. Au Circus Maximus à LA, les patrons ont carrément poussé le vice jusqu’à installer un gigantesque tonneau de cacahuètes gratuites et salées ! Sur scène, les Bush Tetras distillent une cold mélopée, histoire de nous rappeler les bienfaits de la crise. Les Bush Tetras, ainsi que les DB’s, Polyrock et quelques autres, appartiennent à cette nouvelle race de groupes US que le NME a qualifié de « The Empire Strikes Back » (Empire contre-attaque), histoire de souligner la remontée en flèche de la mUSic US. Deux groupes roots vont succéder aux Bush Tetras, tiens tiens, Brother Stevie a été entendu et l’effet « Master Blaster » a balayé les derniers préjugés contre le reggae. Dans ma chambre d’hôtel, une fois rentré, je m’abrutis de télé ; la créature finira peut-être par rattraper la jolie blonde qui court dans la nuit, moi, je m’en fiche, j’ai déjà décroché pour ma projection privée du « Grand Sommeil »…

JIM STEINMANJim Steinman

Au téléphone, Sam Lederman, I’agent de la CIA ( Cleveland International Agency, ne pas confondre, SVP !), le label de Meat-Steinman distribué par Epic, est parfait dans son rôle de composition de l’oracle de Delphes. Pour Jim, pas de problème, je dois passer chez lui en début de soirée, mais, en ce qui concerne Meat, c’est plutôt mal barré: «… heu… Meat, vous comprenez sans doute, est extrêmement occupé. Son album « Rock and Roll Dream Comes True » ( en fait il sera intitulé « Dead Ringer » : NDR) est pour ainsi dire achevé et il est en train d’enregistrer les voix. Il ne peut vraiment pas vous voir… et vous nous quittez bien ce soir, n’est-ce pas ? ».

Ah les joies de l’understatement ! En deux mots, j’explique à Sammy que mon régime Grosse Pomme s’étire sur une semaine et que, par conséquent, Meat pouvait peut-être tenter de me caser quelque part sur son précieux timing avant mon départ, dimanche prochain. J’avais fait 5 000 bornes pour le voir, par le Grand Décalage Horaire, il me devait bien ça ! Jim Steinman vit au dernier étage d’un building qui domine Central Park : son paysage est un light show, c’est « Starwars », mais sans Wars, en tout cas, c’est superbe. Steinman est charmant, presque trop timide. Il m’offre du vin et balance son « Bad for Good » sur sa platine à fond la caisse. Pour la première fois, j’écoute enfin ce disque dans des conditions appréciables de confort sonore. That’s America !

« Bad for Good » a été écrit pour un film qui s’intitulera « Neverland », l’histoire de Peter Pan projetée dans le futur. Le scénario, comme le disque, est basé sur le simple fait que si Peter existait vraiment, il conserverait ses 16 ans depuis plus de 80 ans. C’est parce qu’il reste un teen-ager qu’il cherche autant à s’éclater. Toute l’action se déroule en Californie dans des décors futuristes. Wendy, qui fuit avec lui, est la fille du Captain Hook qui gouverne le pays après les tremblements de terre et les diverses guerres bactériologico-nucléaires. LA est devenue une gigantesque métropole fortifiée, un château moderne. À l’extérieur, c’est le monde des mutants, le cauchemar ».Jim Steinman

Complètement branché sur le côté visuel du rock, Jim prépare sa vidéo de « Bad for Good », une scène qui fait complètement référence à l’intro de « 2001 » où I’on voit deux gorilles face a un gigantesque monolithe (ici, un ampli Marshall démultiplié). Les deux singes ramassent des vieux os qui trainent et commencent à se battre. Puis, l’un deux lâches son arme improvisée. Elle s’envole dans les airs et l’os se transforme en guitare Fender. Jim me I’a confié : quelque part, il est un guitariste solo frustré.

« Et Meat Loaf ?

C’est moi qui produis son LP avec Jimmy Iovine. J‘ai aussi écrit tous les titres. En fait, c’est Meat qui aurait dû enregistrer mon « Bad for Good », mais, après la tournée, il a eu des problèmes terribles avec sa voix. Il s’est donc arrêté pour suivre un traitement, mais le temps passait sans aucune amélioration. Pour cette raison, nous avons fini par aller voir un charlatan californien. Il a soigné Meat en lui injectant ses propres urines à forte dose.

Quoi!!!

Le problème de Meat était en fait une allergie. Dans la suite du traitement, Meat s’est lui-même battu trois heures par jour durant deux mois. Chaque séance était une véritable torture. À force de hurler sous la douleur, Meat a fini par retrouver sa voix.

Et il est devenu sado-maso ?

Non, mais désormais il est tout bleu… à cause de l’urine… ».

Meat et Jim se sont rencontrés au NY Shakespeare Festival. Le géant a la voix puissante et le jeune auteur-compositeur qui ne pouvait pas chanter (Jim s’était fait casser le nez dans une bagarre) étaient fait l’un pour l’autre ; de leur union est né « Bat Out of Hell », mais vous connaissez déjà l’histoire. Moi, j’ai passé ma soirée dans l’appart de Jim à jouer avec lui sur un flipper électrique Kiss abandonné par l’ex-propriétaire des lieux, le terrifiant bassiste du groupe du même nom. Minuit dans mon gratte-ciel hotel, je frissonne en regardant « Pulsions », le dernier Brian de Palma. Le titre original, c’est « Travesti pour tuer ». Le lendemain, plutôt que de rester pendu au téléphone à attendre l’appel de l’agent de Meat, je me suis baladé à Greenwich Village….

 DAVID SILVER

The Savoy

The Savoy

Le Village se partage en deux sphères d’influences : à l’est, le Village punk-new wave et à l’ouest, le Village homo et ses boutiques machos. Coïncidence, c’est dans la partie gay que j’ai croisé le bassiste de Kiss, Gene Simmons qui rentrait au Village Sound. N’allez pourtant pas en tirer une quelconque conclusion. C’est au « 1, 2, 3», un restaurant français sur la 33ème rue, que j’ai rencontré ce drôle de British, David Silver. David est cinéaste et, au cours du repas, il me raconte son dernier film pour la télé américaine: un reportage sur Bob Marley. « C’est certainement la toute dernière chose que l’on tournera sur lui », m’a dit David. Dur ! Après cet excellent diner, David m’a entrainé à deux pas de là, au Savoy, un club qui venait juste d’ouvrir et où se pressait tout le swinging NY. Près du bar, entouré d’adorables nymphettes, Pete Townshend assume à merveille sa position mâle dominante. Quelle tristesse, les Who sont Number One du Billboard et on entend partout « You Better You Bet », cette chose creuse et sans feeling. Cela dit, son harem de petites filles est assez harmonieux… dire qu’il pourrait être leur papa. Sur la scène du Savoy, on annonce Novo Combo le nouveau groupe de l’ex-batteur prodige de Santana, Mike Shrieve. Un peu décevante leur pop ramollie. De toute façon, j’étais vraiment trop occupé à discuter avec David sur un sujet qui me tient pas mal a cœur : le film « No Nukes ». David Silver a participé à la réalisation (en dirigeant les groupes sur la scène du Madison Square Garden) mais aussi à la production (en assistant les artistes dans le choix des chansons à conserver pour le montage final). Pour parfaire ce circuit nocturne, nous avons déserté le Savoy et ses odeurs de peinture fraiche pour échouer au One University, le bar de prédilection des deux David (Bowie et Byrne), de Brian Eno et de quelques autres. Dans cet endroit à la mode où I’on sait s’amuser, moi, j’ai gagné ma dose de flip nucléaire pour la soirée.No Nukes

« La situation aujourd’hui, en ce qui concerne le nucléaire, est dix fois plus critique qu’à l’époque où Jackson Browne, Graham Nash, John Hall, James Taylor et Carly (Simon) ont décidé de monter l’association Musician United for Safe Energy (MUSE). Parce que nous dépendons de l’administration Reagan. Or, comme tu le sais, elle est à 100 % pro-nucléaire.

Quel impact a eu « No Nukes » sur le terrain politique ?

En fait, nous avons surtout bénéficié de l’effet Three Mile Island, le « Syndrome chinois ». Des millions de gens ont vu « No Nukes » et on sait que les rock stars ont un effet déterminant sur leur public. Si tu es fan de Jackson Browne, comment pourrais-tu ignorer qu’il passe le plus clair de son temps à se battre contre le nucléaire. Cependant Browne ou Springsteen sont peut-être des stars, mais ils ne sont pas, malheureusement, Bob Hope ou Sinatra. Les partisans du nucléaire ont dix fois, cent fois plus d’argent que nous et, pour les besoins de leur propagande, ils n’hésitent pas à arroser les médias. Heureusement, les gens sont de plus en plus conscients des dangers qui les guettent. Mais, tant qu’il n’y aura pas eu une grande catastrophe, ils n’agiront pas. II leur faut 10 000 morts pour qu’enfin on arrête tout. Reagan est un fou criminel lorsqu’il déclare: « Tous les déchets nucléaires du monde tiennent autant de place que la tribune d’où je vous parle ». Ces déchets-là trainent aux quatre coins du pays, prêts a répandre leur dose de cancers et de lésions graves ».No Nukes

Pour tourner « No Nukes », David utilisait sur scène plus de huit caméras qui filmaient en simultané, tandis que le son était dispatché sur les 24 pistes d’une console de studio mobile. Ce film est la première grande prise de position politique du rock américain depuis bien longtemps. II est sorti un peu partout dans le monde sauf en France; voulez-vous savoir pourquoi ? « No Nukes » devait être présenté l’an passé au festival du film américain de Deauville. Au dernier moment, on l’aurait giclé de I’affiche pour de sombres raisons politiques. Madame d’Ornano, maire au féminin de Deauville-on-chic, n’aurait que faire de Springsteen, des Doobies ou de James Taylor ; que ces sales-timbanques se cantonnent donc dans leurs rôles d’amuseurs ! S’ils prennent position sur notre avenir, vous les faites taire. Madame le maire de Deauville, sachez, si c’est le cas, que je vous méprise du fond du cœur, comme tous les censeurs de votre espèce. « No Nukes » ne sortira jamais en France, à moins qu’un Ministre de la Culture branché ne se décide à l’extraire des oubliettes où la Warner Columbia Film, qui possède les droits, semble I’avoir jeté.

Toujours sans nouvelle de Meat Loaf, rien ne m’empêchait d’utiliser efficacement mon séjour à NY pour y rencontrer mes monstres sacrés du Rock. C’est ainsi que je me suis lancé sur les traces de David Johansen, d’Elliott Murphy et de Todd « A Wizard A True Star » Rundgren.

Elliot Murphy

Elliot Murphy

ELLIOTT MURPHY

Le plus facile à dénicher, c’était Elliott. Parallèlement à la musique, il écrit pour des magazines comme Rolling Stone ou Heavy Metal. Je l’ai rencontré chez lui par l’intermédiaire de Brad Balfour, un ami commun, journaliste à Heavy Metal. Marrant de voir le lit où Elliott pose pour « Affairs » son « Albumette » sortie sur Courtisane, le label qu’il a lui- même créé. Lorsque je lui ai parlé de BEST, Elliott a souri en agitant ses cheveux : « Ha… tu bosses pour le même canard que Francis… ». Dordor et Murphy sont très potes, le monde est petit. Et, lorsque deux copains se rencontrent, ils se racontent des choses, parait-il  !

( Suit un long entretien entre Francis et Elliot… que je ne peux hélas reproduire ici …. )

Dans un coin du studio d’Elliott Murphy, il y a une drôle de sculpture : un modèle réduit en bois d’une façade d’immeuble. La nuit avance lentement, les bouteilles de Bordeaux sont vides. Elliott me parle de Marty, le guitariste héros de ses nouvelles :Elliot Murphy

« Je sais que Marty dit des choses pas vraiment agréables à l’égard de la New Wave, mais elles sont assez défendables, tu peux me croire. Regarde New-York. Cette ville est un creuset pour les formations. Mais, aujourd’hui, quand un groupe décide de se former, sa préoccupation N° 1, c’est « à quoi allons-nous ressembler ? », ensuite ils s‘inquiètent du choix de leur coupe de cheveux, pour ensuite se préoccuper du choix déterminant et crucial de leur patronyme.

Et la musique dans tout ça ?

Bien trop souvent ils s’en foutent parce que les gens qui les manipulent ne sont  que des marchands de soupe ».

Désabusé Elliott ! C’est de là, justement, qu’il tire son talent, c’est le vieux cliché de l’huitre et de la perle. Les huitres flippent à cause d’un petit grain de sable et c’est ainsi qu’elles le transforment en quelque chose de beau et de précieux. « Si tu es trop heureux, tu ne ressens pas le besoin de créer ». Elliott Murphy n’est pas seulement un poète, c’est aussi un sage. Cela dit, ça ne l’empêche pas de délirer avec Kathy, sa petite amie (c’est elle sur la pochette d’« Affairs »), qui lui offre un « striptogram » pour son anniversaire. Un quoi ? Ben, c’est une nana qui vient vous voir avec un mini K 7 autour du cou et qui se déshabille en chantant « Happy Birthday to you » ; ne riez pas, c’est vrai, ça existe et il ne vous en coûtera que cent dollars, avis aux amateurs.

David Johansen

David Johansen

DAVID JOHANSEN

Lorsque j’ai confié à monsieur Murphy que je voulais rencontrer David Johansen, ça l’a beaucoup amusé: « David… c’est un vieux pote. J’ai justement écrit avec lui une des chansons de son nouvel album, intitulée « Having So Much Fun ». Il vit à deux blocs d’ici. Veux-tu son numéro de téléphone ? ». Et voilà le travail ! Deux jours plus tard après quelques coups de fil, je sonne chez David « Funky But Chic » Johansen. Tout comme Elliott, David occupe un petit appart downtown, sur la 17éme rue. Son univers est un peu bordélique : des piles de cassettes, un vieil Hammond qui sommeille dans un coin, une guitare-miroir chromée et, surtout, un nombre incalculable de vestes et blousons divers. David est peut-être the only living dandy in NY ! En tous cas, il est le premier américain que je rencontre qui sache servir un café correct – où pourrait flotter un fer à cheval – et s’habiller avec goût. L’ex-chanteur des Dolls vient juste de rentrer de Floride où il a enregistré son troisième album solo (titre provisoire : « Bohemian Love Pad »). Hier soir, au Peppermint Lounge, il a rejoint Sylvain Sylvain sur scène, juste pour le fun ; normal, à NY city, la musique et les musiciens respectent la sacro sainte loi des vases communicants et dans tous les sens du terme, SVP. David est manifestement jeté. On discute de I’art instantané dans le métro, avec ces gangs qui vous décorent à la bombe une rame entière en moins de 30 secondes. Son hit préféré du moment, c’est « Take A Walk On the Kosher Side », un cover incroyable de la chanson de Lou Reed par Joe Kefelt and the Fish, c’est du délire. Si on allait prendre un verre ? David Johansen, live en direct de Pitt’s Tavern, le plus vieux bar du Village, qu’avez-vous à déclarer ?

David Johansen et Sylvain Sylvain

David Johansen et Sylvain Sylvain

« Mon nouvel LP ( en fait il s’agit de « Here Comes the Night » son 3ème LP qui n’avait pas encore de titre au moment de l’interview:NDR) a été enregistré avec Blondie Chapman (ex Beach Boys) et Elliott et je peux te dire qu’après quinze jours à glander à Key-West, je suis complètement prêt pour ma tournée qui commence dans un mois. Tous les matins, je touche un morceau de bois en espérant jouer bientôt et  à nouveau à Paris ».

David vient aussi de signer la réalisation de son premier court métrage, « Thau in Love », une mégalomaniaquerie sur les managers de maisons de disques, mettant en vedette Marty Thau, l’ancien agent des Dolls. Destiné aux télés par câbles, « Thau in Love » compte aussi une partie chantée par un groupe de nanas, les Bracelettes. Au revers de sa veste, David porte un badge Sandie Shaw, vous vous souvenez, la chanteuse « aux pieds nus ».

« Tu veux dire aux pieds noirs ? Parce qu’à la fin, ils finissent par être sales… comme Syl !

(pas tout à fait exact car si Syl Sylvain était  juif sépharade, il était né en Égypte et donc n’était pas un « pied noir » au sens strict puisqu’il n’était pas originaire d’Afrique du nord)

Très drôle ! »David Johansen

Une fois par semaine, David va s’entrainer au billard de la 14ème rue, il doit ressembler au kid de Cincinnati. « Tu peux m’accompagner », m’a demandé le chanteur. Je ne sais pas jouer au billard, mais j’ai suivi Johansen jusqu’à son tapis vert favori, je voulais voir un véritable héros américain dans son sport préféré. D’ailleurs, plus je le regarde frapper les boules les unes contre les autres avec une technique hyper au point, plus je me dis que je suis tout à fait incapable de l’imiter. C’est ainsi que David Johansen a tenté, avec un succès limité, de me donner ma première leçon de billard.

GARLAND JEFFREYS

En rentrant à mon hôtel, j’ai trouvé un message de Bill Schmock  ( mon confrère de BEST: NDR)  : « Téléphone-moi à Essex House». Ainsi, Bill « Jet Set » Schmock était en ville. Lorsque je I’ai retrouvé à l’Odéon pour diner, Bill n’était pas seul. L’homme qui était assis au bar a ses cotés… Garland Jeffreys. Surprise ! Garland devait jouer la semaine suivante au Ritz et NY était littéralement couverte d’affiches où sa bonne tronche souriait en gros plan. En tous cas, si le mot chaleureux n’est pas encore vide de tout sens, il colle tout à fait au personnage : positive énergie et tutti quanti… Le lendemain matin, Bill quittait New-York pour suivre U2 et Kid Créole and the Coconuts. À son air déterminé, je savais que Bill accomplirait colite que coute sa mission. Mort ou vif !Garland Jeffreys

(Suit dans BEST une ITW de Kid Creole que je ne peux hélas reproduire….)

Après un dernier essai par le biais d’amis communs, j’ai totalement renoncé a contacter Meat. Okay. Et s’il avait été refroidi par CIA records? À moins qu’il ne soit devenu complètement cinglé et qu’on l’ait enfermé pour éviter qu’il ne parle. Toutes les hypothèses, y compris les plus délirantes, camouflent peut-être la solution de l’énigme. Tant pis. Pour me changer les idées, je suis allé trainer au fond d’un garage, au 171 de l’avenue Helm. Là, dans la semi-pénombre, d’une pièce toute en longueur, joue un groupe qui n’a même pas de nom. C’est cold et torturé à souhaits comme l’archet qui frotterait la guitare. Je vais voir le type de la sono, il m’explique que les groupes qui viennent ici donnent tous dans le genre électronique nouveau, ils sont sinistres et un peu tapés. Il y a les 3 Teens, les Knock-Knix et d’autres dont j’ose à peine prononcer le nom. Le premier groupe n’a pas fini de remballer son matos, que le suivant débarque. Un groupe de nanas qui, lui non plus, n’a pas de nom, Elles rêvent du CBGB en caressant PIL ou Joy Division. Mes cinq minettes ont toutes le crâne rasé et elles sont parfaitement débandantes. Leur musique me vaudra même une overdose d’aspirine.

Todd Rundgren

Todd Rundgren

TODD RUNDGREN

En ce qui concerne Todd Rundgren, je peux vous dire que la chance ne m’a pas oublié : Utopia donnait un concert au Palladium de NY, la veille de mon départ. Le walkman enregistreur au poing, j’ai foncé dans les loges, dès le concert fini. En bousculant un peu de tous côtés, j’ai même marché sur les pieds du pauvre Roger Powell pour me retrouver face à Todd. J’ai d’abord essayé de lui vendre la Tour Eiffel, ça n’a pas marché, mais ça I’a fait rigoler.

« À quand un concert à Paris, Todd ?

La dernière fois, c’était il y a plus de 3 ans. Pour le prochain, j’attends que vous vous décidiez à démolir enfin cet horrible centre Pompidou… Non, en fait,  pour de vrai j’ai un problème de maison de disques. Mon contrat avec Bearsville touche à sa fin et, avec la prochaine boite, j’espére que ce genre de problème, comme ceux de la distribution des disques, sera enfin résolu. Pour l’instant, j’engloutis des fortunes dans mon studio vidéo. Je suis donc condamné a produire des disques pour éponger mes dettes.

C’est pour cela que tu as produit Steinman ?

J’aime bien Jim, mais j’ai fait son disque essentiellement pour gagner de l’argent. Ma prochaine production, c’est les Moondogs, un petit groupe irlandais sur le label Sire. J’ai aussi un projet de satellite pirate de télévision parce qu’aujourd’hui il n’est plus possible de vivre et de créer sans le support de l’image ».

Peppermint Lounge

The Peppermint Lounge

Et Todd est vite englouti par la masse de ses invités, amis et musiciens. Moi, je décampe doucement sur la pointe de mes tennis… Un dernier concert au Peppermint Lounge avant de regagner Paris : les Bongos et leur pop crème chantilly qui me rappelle un peu les Shoes mais en beaucoup moins digeste. Je suis aussi allé trainer au Statler Hilton, à une convention de cinglés du collector’s record. Tout s’y échange, tout s’y vend, du vieux Stones commun au badge promo rarissime de votre groupe préféré. C’est la foire au rock and roll, c’est aussi, hélas, désespérément cheap. Dans le 747 qui plane doucement vers Paris, je songe à tous ces musicos dont j’ai croisé la vie. Leur avenir dans la musique ne se conçoit plus sans l’image. Ils sont tous branchés sur la vidéo ou le cinéma, c’est le pas en avant vers un spectacle de plus en plus complet et sophistiqué. Après le rock and roll, allons-nous voir l’apogée du rock and see ?

Publié dans le numéro 156 de BEST daté de Juillet 1981BEST 156

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1 réponse

  1. Savy dit :

    plongée dans le passé. Du journalisme et pas de la repique de Wikipedia, ça fait du bien.Instructif et documenté, c’est très agréable à lire,

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