LAURENT GERRA AUX FOLIES BERGÈRE

Laurent GerraC’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs plats, et question bouffe on peut dire que Lolo maitrise, un fameux coup de fourchette qui lui a inspiré le show qui a triomphé l’an dernier au Casino de Paris. Cette fois « Laurent Gerra se met à table » se dresse aux Folies Bergère. Un écrin à la hauteur de l’humoriste préféré des Français, qui fêtait son anniversaire ce lundi 29 décembre, et qui confirme, soir après soir, un sens intact de la satire et du music-hall. Et tant pis si ses « imités » sont un peu trop souvent cuisinés version « I see dead people », Gerra gère car il a su largement dérider les zygomatiques d’un JCM hilare.

Laurent GerraPar Jean-Christophe MARY

Laurent Gerra, on l’aime un peu, beaucoup… à la Folies… Bergère. La tradition du lieu, son atmosphère surannée de music-hall d’un autre âge, son décor rouge et or composent un cadre idéal pour l’imitateur. Ici, tout semble naturellement fait pour lui. Pendant près de deux heures trente, Laurent Gerra « se met à table » et cuisine à feu vif politiques, artistes et figures médiatiques dans un spectacle à la croisée du stand-up et du music-hall. Ses shows se suivent et se réinventent sans cesse. On connaît les voix, les gestes, les personnages-culte, anciens ou plus récents. On sait ce que l’on vient voir et tant pis ou tant mieux si la plupart de ses « clients » sont sacrément refroidis. Et pourtant, dès son entrée en scène, l’effet de surprise opère, comme si l’on le découvrait pour la première fois. Accompagné de cinq musiciens, l’imitateur le plus écouté de France passe l’année écoulée au crible, alternant chansons et sketchs inédits, numéros réactualisés et commentaires acérés sur l’actualité. Sa plume reste affûtée, son sens du rythme redoutable. Il dézingue toujours autant ses cibles à la sulfateuse avec un naturel et un sourire désarmants. Répliques grinçantes, images noires, rien ne l’arrête lorsqu’il passe les malheurs du monde à la moulinette. Entre cynisme et dérision, il se moque de tout et de tout le monde, prenant un malin plaisir à observer les réactions d’un public tantôt hilare, tantôt stupéfait. Assister à une performance de Laurent Gerra, c’est un peu visiter un musée des horreurs où le rire se propage par un regard, un geste, un simple mouvement du corps.

Laurent GerraLa mise en scène, sobre et efficace, installe une cuisine de restaurant : nappe vichy, table dressée, batterie d’ustensiles plus vraie que nature. Le chef est à l’œuvre. Les vannes s’enchaînent à la vitesse de la lumière, laissant à peine le temps de reprendre son souffle. Les véganes et leur « pot tofu », Patrick Bruel, l’abbé Pierre, Nicolas Sarkozy, Anne Hidalgo, François Hollande — imitation saisissante — Emmanuel Macron, « meilleur orgueilleux de France » : tous passent à la casserole. Quand Laurent Gerra se met à table, le plat est forcément relevé. Certains personnages, de Léon Zitrone à Grand Corps Malade, de Jack Lang à Julien Clerc revisité à l’écriture inclusive, sont copieusement assaisonnés. D’autres, comme Pierre Bellemare, Jean d’Ormesson ou Benjamin Castaldi, sont servis aux petits oignons. Politique, chanson, télévision, cinéma : toutes les cibles y passent.Véritable jongleur de mots, Gerra met en parallèle Jean d’Ormesson et les adolescents des réseaux sociaux, renvoie dos à dos Booba et Patrick Bruel, aborde des thèmes contemporains avec un ton volontairement décalé, parfois provocateur. La cuvée 2025 est généreuse, maîtrisée, percutante.

Laurent GerraMais le spectacle réserve aussi une parenthèse inattendue, empreinte de tendresse et d’émotion, avec un medley hommage à Johnny Hallyday, Trenet, Aznavour, Lama, Bécaud, Nougaro, Montand, Reggiani, Ferrat ou Salvador. Un moment suspendu, révélant un Laurent Gerra plus sensible qu’on ne l’attend.
Et quand tout cela est joué avec une telle précision, un tel sens de l’autodérision et du tempo, le rire devient irrépressible. Aux Folies Bergère, Laurent Gerra ne cherche ni à plaire à tous ni à rassurer. Il observe, découpe, assaisonne, parfois sans ménagement, mais toujours avec une précision d’orfèvre. Dans un paysage humoristique souvent frileux ou formaté, il continue d’assumer un rire libre, irrévérencieux, profondément français. Un rire qui dérange autant qu’il rassemble, et qui, ce soir-là, a surtout rappelé une évidence : à l’heure où l’époque se surveille elle-même, Laurent Gerra reste l’un des rares à oser encore rire de tout et à en faire un art. 

All pix by JCM

Du 29 décembre 2025 au 4 janvier 2026. 

Les Folies Bergère. 32 rue Richer, 9 e. A 20h. www.foliesbergere.com

 

 

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