TALK TALK “The Very Best of Talk Talk”  

Talk Talk

En fait, ils avaient bien failli s’appeler Talcum Talcum, soit Talc Talc en Français dans le texte, mais le groupe de Londres y avait renoncé au dernier moment pour opter pour un plus British Talk Talk. Fondé par Mark Hollis, Lee Harris, Paul Webb et Simon Brenner, « The Very Best of Talk Talk » compile leurs morceaux emblématiques comme un long voyage pop synthétique qui résonne aujourd’hui auprès de la jeune génération…. A découvrir ou (re)découvrir avec ou sans talc !

Par Jean-Christophe MARY

 

Talk TalkLongtemps réduits au rang de faiseurs de tubes synth-pop dans les 80’s, Talk Talk, menés par l’inclassable auteur compositeur Mark Hollis, ont en réalité dessiné un sillon musical bien plus profond, le groupe a d’abord surfé sur des rythmes électroniques avant de s’engager dans des territoires sonores plus expérimentaux et introspectifs. Le combo britannique s’est peu à peu défait des carcans commerciaux pour ouvrir la voie à ce que l’on appellera plus tard le post-rock. Avec des mélodies à la fois délicates et puissantes, les compositions de Talk Talk traitaient de la fragilité humaine, de la beauté impermanente et du passage du temps. Premier morceau, premier leurre. Avec ses synthés saillants, sa boîte à rythmes métronomique, production calibrée “Today” (1982) joue à fond la carte de la new wave.  Mais sous le vernis pop perce déjà l’ambiguïté. Portée par une dynamique à la fois entrainante et contenu, presque contrarié, le chant de Mark Hollis ressemble à une plainte en forme d’interrogation.  On sent que quelque chose veut s’échapper. Titre éponyme en forme de profession de foi, “Talk Talk” est une déclaration ambiguë, martelée sur un beat dansant, où Hollis répète “All you do to me is talk talk” comme une plainte résignée. C’est encore de la pop, mais avec des épines. Derrière la façade radio friendly, le groupe cherche déjà la sortie de secours. Suit l’un de leurs plus gros hits. Celui que tout le monde connaît. “It’s My Life” résume à lui seul l’ambivalence de Talk Talk : refrain clair, structure limpide, mais tension constante. Le chant est une déclaration d’indépendance murmurée, presque passive-agressive. Mark Hollis refuse de jouer la star, mais signe là paradoxalement un classique.  Inspirée du roman culte The Dice Man, “Such a Shame” (1984) pousse la forme au bord du vertige boosté par ce rythme hypnotique en spirale et ce refrain noyé dans les nappes. Derrière l’efficacité mélodique de “Dum Dum Girl”, on ressent une forme de vide. Voilà un titre presque ironique dans sa construction, comme si le groupe jouait à faire de la pop en simulant l’enthousiasme. Avec “Give It Up” on change de cap. Les synthès disparaissent, remplacés par un piano sobre, des cuivres discrets, une batterie au ralenti.

Talk TalkSi la voix s’envole haut dès les aigues, l’atmosphère est plus contemplative. Avec sa guitare acoustique, sa basse bondissante, son orgue qui dessine des lignes de fuite, et son harmonica “Living in Another World” dessine des paysages sonores fantasmagoriques.  Le tubesque “Life’s What You Make It” martèle une boucle au piano, presque enfantine, sur une rythmique mécanique.  Ce morceau tourne en boucle comme un mantra avec ces guitares qui percent l’air. Extrait de l’album  » Spirit of Eden », “I Believe in You” (1988) a est un souffle sacré, hanté par la dépendance, Hollis y évoque ouvertement les ravages de l’héroïne. Avec cette voix quasi chuchotée, ce morceau ressemble plus à une prière qu’à une chanson. La berceuse mystique “Wealth” simple et dépouillée, juste jouée à l’orgue raisonne comme un adieu. Mark Hollis répète “Take my freedom for giving me a sacred love” comme une dernière offrande. Il ne reste plus rien. Juste la résonance d’une musique qui n’a plus besoin de s’expliquer. New Grass », extrait de l’album « Spirit of Eden » (1988) clôt cette rétrospective par sa poésie évanescente. Dès les premières notes, on est plongé là encore dans une atmosphère quasi mystique. Les arrangements instrumentaux, minutieusement élaborés par Mark Hollis, se dévoilent comme autant de tableaux impressionnistes, évoquant des paysages sonores à la fois apaisants et troublants. The Very Best of Talk Talk n’est pas qu’une compilation : c’est une cartographie du retrait. De la lumière artificielle des débuts à l’obscurité fertile des dernières œuvres, Talk Talk n’a cessé de fuir ce qu’on attendait d’eux. À mesure que leur musique se dépouillait, elle devenait essentielle. Comme si, pour toucher le sacré, il fallait d’abord tout désapprendre. Ce « Very Best Of » n’est donc pas une simple compilation nostalgique, mais un témoignage de la trajectoire unique d’un groupe qui a refusé les compromis pour explorer les frontières de la musique populaire, laissant derrière lui une œuvre d’une beauté et d’une profondeur intemporelle. Disponible en double vinyle noir et CD ce best of est essentiel pour comprendre l’audace et la vision d’un groupe à part.

 

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