ENCORE UNE JOURNÉE DIVINE
Après vingt-cinq ans d’ une trop longue absence, on peut dire que François Cluzet est magistralement de retour sur les planches dans « Encore une journée divine », adapté du roman de Denis Michelis, mis en scène par Emmanuel Noblet. Un pari réussi au Théâtre des Bouffes Parisiens pour celui qui a fait ses classes au Cours Simon avant de devenir l’un des acteurs fétiches du public hexagonal.
Par Jean-Christophe MARY
Thérapeute et essayiste, Robert ne supportait plus de voir ses patients stagner, il a décidé de changer de méthode. Assez de réflexion et d’introspection, place à l’action ! Interné dans un hôpital psychiatrique, il raconte son ambition de changer le monde. Est-il devenu fou ? Ou sincèrement radical ? Et qu’est-il arrivé à son frère, récemment disparu en mer ? Après 25 ans d’absence, François Cluzet, comédien césarisé pour son rôle dans « Ne le dis à personne » (2006), fait son grand retour sur les planches. Cette pièce est adaptée du roman de Denis Michelis et mis en scène par Emmanuel Noblet, grand habitué des adaptations littéraires au théâtre (Molière du meilleur seul en scène pour Réparer les vivants). Entre farce tragique et thriller psychologique, tension et humour, l’artiste nous offre un seul en scène où la folie guette derrière la simplicité apparente. Si le rôle a été pensé et taillé sur mesure par Emmanuel Noblet, par évident pour le comédien de faire un retour après une si longue absence loin des planches. Et pourtant François Cluzet réussit là un vrai tour de force dans cette pièce à la fois tragique et drôle qui laisse transparaître les frustrations et le déni de Robert, thérapeute et essayiste reconnu. Dans cette farce tragique aux allures de roman policier, on y découvre un François Cluzet au travail d’acteur étonnant, à la gestuelle précise. De la première scène à la dernière, tout vire à la catastrophe dans une succession révélations et de situations plus tragicomiques les unes que les autres.
Il faut dire que le texte est mis en scène de façon intelligente. Robert, ce psy qui n’a plus supporté de voir ses patients stagner s’est mis en tête de changer radicalement de méthode en publiant un manifeste intitulé « Changer le monde ». Mais comme le souligne fort justement Emmanuel Noblet, n’est-ce pas là le premier signe d’une folie ? Construite comme un vrai thriller, la descente aux enfers de cet homme qui sombre et part à la dérive maintient la tension de bout en bout. L’attention portée au décor, cette chambre d’hôpital psychiatriques aux murs blancs et vitrés d’où entre et sort le comédien pour changer de costumes, est une belle trouvaille. La mise en scène sobre et le montage serré vont aussi dans ce sens. C’est joué avec une telle précision on ne peut être émus et parfois en rire aux éclats. Le monologue est savoureux et les mots fusent à la vitesse de la lumière. Les diatribes sur les élucubrations de ce psy désaxé, manipulateur et profondément dans le déni, sont des passages absolument jouissifs. Les tirades poétiques sur la nature, le parc, les arbres, la lumière, le soleil de vraies bouffées d’oxygène dans ce monologue qui vire à la folie. Dans son costume gris et sobre, le jeu de François Cluzet est une mécanique de précision. Courez découvrir cette pièce au Théâtre Bouffes Parisiens qui se joue jusqu’au 18 avril 2025. Durant une heure quarante vous passerez du rire à l’émotion.
« Encore une journée divine »
Adaptation par • Emmanuel Noblet du roman de Denis Michelis
Mise en scène • Emmanuel Noblet
Avec • François Cluzet
Théâtre des Bouffes Parisiens, Paris. jusqu’au 18 avril 2025