PHILIP LYNOTT « The Philip Lynott Album »
Voici 42 ans dans BEST GBD tressait la couronne de lauriers des vainqueurs à son poto Phil Lynott qui publiait « The Philip Lynott Album », son second 33 tours solo parallèlement à sa carrière de bass-leader de Thin Lizzy. Hélas, malgré la belle performance dans les charts du single « Old Town », l’ami Irlandais n’obtiendra pas tout le succès mérité par cet LP particulièrement courageux. Trois ans plus tard, tragédie Phil meurt d’une septicémie à seulement 36 ans et c’est encore une bien triste histoire du rock and roll.
Six mois auparavant, je pouvais compter parmi les rares journalistes auxquels Phil Lynott acceptait de répondre aux questions ( Voir sur Gonzomusic YOU MADE ME DIZZY THIN LIZZY !) dans la foulée de la tournée « Renegade » de Thin Lizzy. Mais cette fois, celui qu’on surnommait « La rose noire de Dublin » creusait à nouveau son sillon perso en parallèle, publiant son second LP solo après son « Solo In Soho », le bien nommé « The Phil Lynott » album. Et forcément, je ne pouvais rester indifférent, la preuve par cette kronik dans BEST
Publié dans le numéro 171 de BEST sous le titre :
ODE À LA LIBERTÉ
Qu’est-ce qui différencie Thin Lizzy de la majorité de ses hard confrères ? Les compositions, peut-être. Les kilowatts déchaînés, pas vraiment. Ce qui classe Lizzy dans la catégorie « hors concours », c’est la personnalité et la voix de son chanteur, Phil Lynott. Cet Irlandais noir a une tonalité nasillarde identifiable entre toutes. Lorsqu’il ôte son uniforme de star heavy metal pour revêtir le tuxedo de Phil Lynott, la métamorphose est complète. Dans « Solo in Soho », son premier Lp en solitaire, Phil avait su exprimer une palette de sensibilités éclectiques ; il récidive avec cet album, en exhibant un peu plus ses racines noires. Débarrassé de sa cuirasse de rocker dur, Phil s’essaie à la ballade, au funk, au R and B, au calypso, au techno pop et au Knopflerisme. Il trouve dans cette différence un équilibre plein d’harmonie. Cet « Album » coloré devait, à l’origine, s’intituler « Fatalistic Attitude » à cause de la chanson qui ouvre la première face. Elle débute sur une conversation nocturne entre une candidate au suicide et un bon Samaritain de SOS Amitié. La Linn drum- machine bat doucement comme un cœur défaillant, tandis que Phil chuchote à la Curtis Mayfied : fataliste mais intime. Fataliste aussi, mais diablement funky aussi ce « The Man’s A Fool » aux cuivres réglés sur ceux d’Earth, Wind and Fire. L’effet est saisissant, on croirait presque entendre « Let’s Groove » ou le dernier hit des Isley Brothers.
Mais Brother Lynott n’a pas fini de nous surprendre : après les accords mélancoliques de « Old Town », il dédie deux chansons enchaînées à sa fille : « Cathleen » et « Growing up ». Le parallèle avec Wonder se trace à tous les niveaux : « Isn’t she lovely » pour le thème : j’écris-une-chanson-pour-ma-fille et « Superwoman/Where Were You When I Needed You » pour le feeling, l’harmonica et la mélodie. « Together », c’est LE single, une sorte de « Looking for Clues » à la Palmer, un funk électronique qui vibre comme une ligne haute tension, plongée dans un bain d’ébène. Habilement matraqué, ce titre à Grande Vitesse pourrait bien pulvériser quelques records. Lynott adore les masques, la preuve, il n’hésite pas à réquisitionner Mark Knopfler pour jouer à Dylan sur « Ode to Liberty », une satire des protest-songs en vogue il y a bien longtemps sur une planète d’utopie. « Gino’s », c’est une autre histoire : alcool et cheap motels pour un titre étrange et syncopé où se mêlent de bien surprenants prédicateurs. « The Philip Lynott Album » s’achève sur un modèle expérimental et robotique d’une chanson des Jackson Five destinée à la prochaine décennie. Lynott à lui seul est plus qu’un concept « two tone ». Qu’attend-il pour voler de ses propres ailes vers des paysages où les rocs ne sont pas forcément durs…
Publié dans le numéro 171 de BEST daté d’octobre 1982
