LE ROCK SLAVE VITAMINÉ DE B-2
Ils étaient dimanche soir sur la scène du Zénith et je découvrais le rock slave de B-2 et il faut avouer que l’expérience s’est révélée assez bluffante : public conquis d’avance qui connait toutes les paroles, un son rock éclectique entre métal élégant, balades mélancoliques et new wave nostalgique, un light show particulièrement efficace, un décor d’images projetées au graphisme soigné digne d’un grand jeu vidéo et, au-dessus de tout, un groupe ultra pro, dominé par la présence théâtrale de son chanteur et de celle son complice guitariste. Du coup on comprend que ces B-2 sont bien les héros du rock Slaves…. et manifestement slave va bien 🤣 … la preuve par cette rencontre avec Shura B-2 et Leva B-2…. signée Salim Zein !
On vous en avait déjà parlé en aout dernier après leur concert au Thêatre de Verdure de Nice ( Voir sur Gonzomusic Bi-2 LIVE AU THEATRE DE VERDURE DE NICE ), cette fois la formation Belarusse, sans doute LE groupe le plus populaire de toute la diaspora slave était live au Zénith. Dans le cadre de son « Hallelujah Tour » Et je dois avouer que je n’ai pas été déçu. Déjà diffuser du Joy Division juste avant de monter sur les planches m’apparaissait d’excellent augure. Et si l’on pouvait en douter, après ce « Love Will Tear Us Apart », le chanteur-guitariste Shura B-2 arborait les lettres Joy Division peintes sur le bas de son blouson de cuir. Et dès le premier titre et sa projection de colombe- quel symbole dans ces temps slaves si troublés depuis février 2022 B-2 ne se produit plus en Russie, bien entendu- on est bluffé par le jeu de scène, les lights et la présence des musicos portés par leur excellent cocktail entre synthés et guitares viriles. Le public – pas mal féminin d’ailleurs !- conquis d’avance ne s’y trompe pas et semble connaitre les paroles par cœur et même sans parler le russe , on est conquis par le musicalité des mots et la théâtralité du jeu de Leva B-2 particulièrement expressif. Il faut dire qu’après quatre décennies d’exercice rock les B-2 sont désormais des vétérans expérimentés… qui n’ont jamais perdu la flamme. Salim Zein les avait rencontré voici deux mois à Nice….
Par Salim ZEIN
On a coutume de dire « Les russes sont partout »… c’est autant un poncif qu’un cliché, et pourtant, quand bien même l’actualité internationale viendrait nous dicter nos pensées, nos opinions, force est de constater que c’est d’abord des rencontres, à un moment où l’on est seul chez soi, qui forgent une destinée. Et c’est ainsi que le 16 août dernier, quasiment 3 ans jour pour jour après les avoir découverts dans leur pays natal, la Biélorussie, que j’entrais dans les coulisses du théâtre de Verdure de Nice pour interviewer B-2, le groupe rock russe par excellence… D’une simplicité totale, Shura B-2, le cofondateur du groupe, guitariste et chanteur, me reçoit dans un anglais courant, tandis que Leva B-2, son comparse et chanteur principal du groupe, est dans sa propre loge, ne parlant que russe, ô surprise…
« En fait, je vous ai découvert il y a 3 ans, quasiment jour pour jour, alors que j’étais en Biélorussie, dans ce pays complètement nouveau pour moi … Et quand on ne parle pas la langue du pays, en l’occurrence le russe, on essaie de capter les émotions du pays à travers les médias et dans mon cas, tout particulièrement la musique… Dans l’appart où j’étais, à la télé il y avait une chaîne locale style MTV où, bien sûr, tous les artistes chantaient en russe et parmi le flot ininterrompu de musique, un groupe singulier m’a interpellé particulièrement, et c’était le vôtre… B-2… je me rappelle que c’était la chanson « Compromise », avec son esthétique particulière, et tout de suite, j’ai senti beaucoup d’ironie et une grande originalité) … Comment se passe cette tournée ? `
Shura B-2: On a débuté en Mars, à Chisinau, en Moldavie, puis on a joué en Israël, au Kazakhstan, en Italie, aux Etats-Unis aussi, on y fait dix concerts, jusqu’à la fin de l’année on a va ussi beaucoup jouer en Europe et ensuite on retourne au Canada. En moyenne ont fait entre 50 et 60 dates par an.
Vous tournez partout, et chaque fois c’est sold-out, comment pourriez-vous décrire votre public, au-delà du fait qu’ils soient, pour la plupart, de langue russe ?
Avec les changements survenus en Russie depuis Février 2022 et notre opposition évidente à la guerre, on a naturellement décidé de ne plus tourner là-bas et de plus nous produire que pour la diaspora russe et tourner à l’international, pour nos fans du monde entier. Cela dépend des endroits, mais nous remplissons couramment des salles de 10 à 15000 places, ou, comme ce soir (au Théâtre de Verdure de Nice) dans des lieux plus intimes, de 1000 à 2000 places, le public répond toujours présent, qu’ils soient russes, ukrainiens, kazakhs, ou, comme nous, biélorusses.
Par-delà le public typiquement russophone, au sens large, parvenez-vous à attirer des gens, comme moi, qui ne comprennent que peu ou pas la langue russe, mais qui sont séduits par votre musique, au-delà des barrières ?
Oui, aux Etats-Unis notamment, beaucoup de nos fans invitent leurs amis à nos concerts, et notre musique les accrochent aussi (NDLR, un mélange savant de pop alternative, avec des accents lyriques et folk, entre Depeche Mode et U2). Je suis moi-même étonné de voir que l’on peut en quelque sorte gagner ce nouveau public.
Bien que chantant aussi dans sa langue natale, le groupe allemand Rammstein a un succès mondial phénoménal, non ?
(dubitatif😊) « Mouais… bien que je pense que leur succès tienne davantage à leurs shows, très visuels. Nous, clairement, on peut dire que notre public est majoritairement composé de gens qui comprennent le russe et qui peuvent ressentir nos paroles (sic).
Vous ayant découvert à la télévision, sur une chaine musicale, par vos vidéos, en tant que non-russophone, je les ai naturellement beaucoup regardées, observées, entendues, ressenties plus que (littéralement) comprises…lors de ma première visite en Biélorussie, la vidéo de votre titre d’alors, « Compromise » m’avait tout de suite interpellée par ses accents symboliques, très visuels, fourmillant de détails énigmatiques, plein de dérision, caustique et infiniment singulier… Il semblerait que ce soit une caractéristique de toutes vos vidéos et peut-être de vos chansons, non ?
(Sourire) « c’est possible, oui, en fait nous ne cherchons pas vraiment à donner trop de clés à notre public, les gens peuvent composer par eux-mêmes leur propre script, leur lecture à eux, nous procédons par petites touches
Tout au long de vos vidéos et sur scène, on vous voit avec un nombre incalculable de guitares différentes, plein de formes à la fois classiques et exotiques (Explorer, Firebird, Flying V…), vous semblez être un véritable « guitar geek », et il semblerait qu’à présent vous ayez opté pour des guitares d’inspiration française, celles de mon compatriote James Trussart, non ? (Génial luthier nancéien installé à Los Angeles, spécialisé dans les guitares au corps de métal, chromé ou rouillé: NDR).
(à la fois étonné et ravi): « Wow !? Vous connaissez James ? »
Oui, je le connais et je suis un grand fan de son boulot depuis le tout début. »
(et je dégaine mon album photo sur mon iPhone, où l’on me voit, l’été précédent rue de Douai, quartier Pigalle, dans la rue des guitares, chez Guitare Garage, haut lieu de la customisation des six cordes, assis sur le sofa léopard avec, sur les genoux, la mythique Trussart Mona Soyoc, chanteuse et cult idol des nancéiens de Kas Product, toute chromée, mélange de mini Les Paul et de Dobro, avec des éclairs en lieu et place des ouïes… Bien sûr, Shura B-2 n’en perd pas une miette, et tout ébahi, surpris, ravi, il dégaine à son tour son iPhone et s’empresse de nous prendre en photo lui et moi : « Je vais envoyer la photo à James (Trussart) ! J’habite à San Diego (les russes sont partout !), lui il est à Los Angeles, c’est mon voisin de Californie, j’achète mes guitares chez lui… » L’atmosphère est devenue totalement détendue, on se marre et même Leva B-2, visage du groupe sort de sa loge, adorable et abordable, loin du personnage charismatique qu’il incarne habituellement dans les clips et sous les lumières de la scène, le temps d’une photo ensemble, on sourit et on se dit que ces rockers ont bien du charme, authentiques et profondément humains. Le show qui suivra tiendra toutes ses promesses, devant un public tout acquis à sa cause, celle de la liberté des Russes libres du monde, éternels… Le rouge de la scène leur va si bien, « Alleluia », c’est d’ailleurs le titre de leur dernier album…