DAVID GILMOUR : « Rattle That Lock »
Ce 4éme album solo du légendaire guitariste de Pink Floyd, « Rattle That Lock », on l’aura espéré depuis 9 années, mais cette attente n’aura pas été vaine. Bien plus abouti que le morne « Endless River », ce nouveau solo radieux de David Gilmour n’a pas fini de tourner en boucle sur nos platines physiques et virtuelles. Welcome back, David !
Every year is getting shorter/ Never seem to find the time », chantait Pink Floyd sur le titanesque « Dark Side of The Moon », après 9 années d’absence, David Gilmour a enfin trouvé le temps d’enregistrer un nouveau disque. Et c’est tant mieux. Pourtant, le challenge n’était guère aisé pour le guitariste de 69 ans, tant son prédécesseur « On an Island » était une incontestable réussite. Mais les aficionados, et ils sont nombreux, peuvent se rassurer, « Rattle That Lock » est un album aussi brillant qu’intemporel. Alors tant pis si l’atmosphère générale est à la mélancolie, l’approche de l’hiver et l’actualité ne s’y prêtent elles pas ? Anyway, chez Gilmour mélancolie rime fort heureusement toujours avec harmonie et ces dix titres en sont gorgés. C’est sans doute dû à toute l’émotion qu’il parvient à prodiguer dans son jeu de guitare, un toucher aussi troublant, même sur un autre mode, que celui de Neil Young. Car depuis ce jour de 1967 où il a su remplacer au pied levé le « lunatic » Syd Barrett, nous avons grandi avec cette guitare de Gilmour, un son qui nous a accompagné depuis toujours.
L’ombre du Floyd
Dés le tout premier titre, le fulgurant instrumental « 5.a.m., »- sans doute un méchant clin d’œil à son ex-partenaire Roger Waters qui démarrait son premier LP solo « The Pros and Cons of Hitchiking » par une compos intitulée « 4: 30 am »- ce satané Gilmour nous fiche la chair de poule. Il faut dire que ce son délicat et aérien est une pure poésie sans paroles où la sublime guitare de Gilmour vocalise dans sa propre langue, un esperanto intelligible par tout être doté d’un cœur palpitant. Puis la chanson-titre, « Rattle That Lock », déjà connue et sortie depuis plusieurs semaines, avait suscité la polémique parmi les divers rock-critiques par son usage du « jingle » de notre SNCF. Certains accusant Gilmour de « manquer d’imagination » et de « sombrer dans la facilité ». Pour ma part, je n’adhère pas à cette attaque frontale, même si je trouve qu’il s’agit là quelque peu d’un « Rattle That ..Brick in the Wall », tant il évoque le mega-hit de « The Wall ». Mais qui saurait reprocher à la guitare de Gilmour de sonner…comme la guitare de Gilmour ? Pour moi « Rattle That Lock » est néo- funky cool et surtout j’adore au contraire le coté exotique de cette signature SNCF, comme j’apprécie la présence du génial Phil Manzanera – qui coproduit tout l’album avec Gilmour- qui remplace, hélas, au Hammond le regretté Richard Wright- qu’on avait pu apprécier une dernière fois au Grand Rex durant la tournée qui avait suivi la sortie de « On an Island »-.
Faites sauter ces verrous !
Suit « Faces of Stone », résolument rétro, un peu à la manière de « L’opéra de quat’ sous » de Brecht, mais il faut aussi compter avec le super-pouvoir de la guitare de notre héros. Après son intro chavirante, « A Boat Lies Waiting » fait couler ses cascades d’harmonies portées jusqu’au plus haut par les chœurs de Graham Nash et de David Crosby, comme un film au ralenti. Et cela n’est pas prêt de s’accélérer avec la nostalgique « Dancing Right In Front of Me » portée par une triste, mais hélas imparable mélodie au piano. Remember « Confortably Numb » ? « In Any Tongue » possède cette même force intérieure, une force « tranquille » comme on disait jadis. Aussi légère qu’élégante, elle laisse forcément planer l’ombre du Floyd et qui s’en plaindra ? Par une faille spatio- temporelle, après l’instru « Beauty »- qui porte bien sûr son nom- , « The Girl in the Yellow Dress » nous téléporte au cœur d’un jazz triste, une sorte de fox-trot, mais au ralenti, boostée par le piano de l’ex-Squeeze, et désormais présentateur TV, Jools Holland. C’est drôle, mais cela me fait penser au climat de « La maison près de la fontaine » de mon vieux pote Nino (Ferrer). Passage obligé Floydien…la chorale ! Et avec la musclée « Today », sans doute l’un des hits de ce CD, nous la retrouvons forcément avec plaisir …mais pas que ! Enfin, ce Gilmour s’en va comme il est arrivé : emporté par un killer intru vaporeux à la killeuse guitare, un titre qui s’envole forcément dans un ciel sombre, à l’image des oiseaux enfin libérés de leur cage de la pochette. « Rattle That Lock »…faites sauter ces verrous…si seulement cela s’avérait être vrai, mon vieux David !