RAPHAEL MELKI LE PURPLE FRIEND: Part One
Certes il n’était pas exactement le meilleur pote de Prince, cependant Raphael Melki est un des très rares Frenchies qui appartienne à un club extrêmement fermé, un club carrément exclusif des Français ayant rencontré Prince… un club où je me suis retrouvé vingt ans tout seul entre mon interview du Privilége, après le show du Palace en avril 1981, et le tournant des années 2000 lorsque le Kid a recommencé à parler aux médias. Rencontre avec un véritable Prince music lover qui a publié le passionnant « Purple Fam histoire d’une addiction à Prince ». Part One : de l’électrochoc de la Pluie Pourpre à Lovesymbol en passant par le Zénith fondateur, les exceptionnels shows Bercy et l’exploration des gisements aurifères de la « vault » du Paisley Park.
Comment rester indifférent face à une telle passion ? J’ai tellement rencontré de types blasés et imbus d’eux-mêmes, que lorsque je rencontre un garçon qui vibre de tout son être pour la musique d’un Artiste, je ne puis rester indifférent. Car Raphy ne se contente pas de documenter notre nain pourpre sur son blog Schkopi avec une précision quais chirurgicale, il transmet également sa science de Prince à travers ses podcasts et son livre « Purple Fam histoire d’une addiction à Prince » publié chez Renaissance du Livre. Bref il est à notre nain pourpre tout ce que Jacques Volcouve est aux Beatles, LA sommité hexagonale et au-delà. Pour avoir intensivement documenté le Kid de Minneapolis et sa galaxie tout au long de mes années BEST et bien après ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Prince ), j’avais forcément une montagne de questions à poser à Raphaël Melki. Part One : de l’électrochoc de la Pluie Pourpre à Lovesymbol en passant par le Zénith fondateur, les exceptionnels shows Bercy et l’exploration des gisements aurifères de la « vault » du Paisley Park.
« Quand as-tu entendu pour la toute première fois ce nom prononcé : Prince ?
Si je me souviens bien cela devait probablement être aux « Enfants du rock » qui a été une émission qui a beaucoup mis en avant Prince. C’était au moment où ils ont commencé à diffuser les clips de « Automatic », de « When Doves Cry » et tout ça. Ça a été la première fois.
Là on était sur « Purple Rain », avant… rien du tout ?
Avant je suis très petit car moi lorsque sort « Purple Rain » j’ai … dix ans !
Ah oui !
Donc je suis ce qu’on appelle un enfant, bercé par « Thriller » …
Et Dorothée !
(rire) Voilà j’étais à cheval entre Dorothée et « Thriller ». Et donc quand je comprends qui est Prince, j’en entends parler comme l’ennemi juré de Michael Jackson puisque les médias en avaient fait des frères ennemis.
Oui pour rejouer la corde usée des Beatles contre les Rolling Stones ! Les Beatles propres et bien élevés, les Stones sulfureux et il ne fallait pas laisser votre fille sortir avec un Stones bla bla bla etc… Et là c’était le même truc : Michael il était gentil et il aimait les animaux lorsque Prince se produisait en slibard de cuir clouté à moitié à poils sous un manteau de cuir ( rires).
Je rappelle qu’il n’y avait alors que trois chaines de télé. Michael laisse aussi une place vacante puis qu’entre « Bad » et « Thriller » il se passe cinq ans. Et encore « Enfants du rock » qui diffusent le concert à Syracuse de 1984.
Et donc tu craques sur « Around the world… »
Je ne craque pas tout de suite. Je mets un peu de temps à adhérer car je reste fidèle à Michael bec et ongle. Cependant, il y a un truc, ce côté sexuel et mature, ce côté entouré de gonzesse irrésistibles, il y a un truc qui transpire. Moi je ne sais pas encore ce qu’est le funk, mais ça me parle cette musique-là.
C’est le côté fruit défendu du paradis de Prince ?
C’est ça. Et puis mélodiquement c’est âpre, il me malmène parfois. Certains titres sur « Purple Rain » ne ressemblent en rien à ce qu’on entendait à l’époque. Et en plus, ils sont très différents les uns des autres. Si tu rentres par « When Doves Cry » quand tu découvres « Let’s Go Crazy » tu te dis : mais attends, qu’est-ce que c’est cette espèce de rockabilly ? Puis il fait des balades où il se met à pousser des hurlements.
Michael n’avait pas encore engagé Van Halen et c’est bien parce que Prince l’a fait qu’il a récupéré un guitariste de hard rock sur un de ses morceaux !
Le temps avance ; je découvre « Around the World In A Day », je trouve ça bien sympathique, puis « Parade » arrive, 1986 Prince est au Zénith et par diverses pérégrinations, j’ai 13 ans et je me retrouve assis au deuxième rang à prendre LA claque de ma vie. Je découvre tout en même temps : cet artiste, cet artiste sur scène, ce qu’est un mec qui ne s’arrête jamais entre les morceaux, un mec qui gère un groupe au doigt et à l’œil, une bête de scène !
C’était le tout premier concert de ta vie, c’est un peu comme si ta toute première voiture c’était une Ferrari !
C’est vraiment une déflagration dans ma tête, quand je sors de là, je suis sonné ! Et pourtant mon père m’avait acheté « Parade » et je ne connaissais que les deux singles « Kiss » et « Girls And Boys ». Mais arrive « Sign O the Times » et là album dense, compliqué. Et là je commence à rencontrer des gens qui m’expliquent que je ne suis pas au bout de mes peines, en fait avec mes petits albums. Là j’apprends qu’il y a tous les maxis, la galaxie étendue etc… Puis arrive Bercy. Bien entendu je passe à côté du concert de Madhouse au New Morning. Mais pareil, claque monumentale. Entre l’album de Jill Jones, diffusé dans la salle avant que le concert commence, Madhouse qui fait la première partie, et lui qui débarque dans cette espèce de show incroyable et lumineux …
Ah oui les néons et les lumières de la ville recréée sur scène !
Cat qui danse sensuelle à coté de lui, Prince qui lui arrache la jupe.
Là, tu a quatorze ans.
Oui et moi je suis un gentil, mais au lycée si quelqu’un critiquait Prince il ne fallait pas venir me chercher, je le défendais bec et ongle. Et ça devient une obsession. Je ne pense qu’à ça. Toute la journée sur mes cahiers, j’écris des textes de chansons de Prince…
…. et tu deviens le Jacques Volcouve de Prince !
Oui c’est assez obsessionnel ! je suis un activiste pro-Prince dans mon microcosme. Je suis au collège de la Grange aux Belles, place du Colonel fabien. Avant d’arriver au lycée Colbert qui est dans le 10éme.
Tu étais le seul parmi tes potes à t’intéresser à Prince ?
En fait je suis parvenu à convertir mes plus proches et cela m’a aussi permis de rencontrer d’autres gens qui avaient quelques années de plus que moi et eux avaient le recul car ils avaient eu des grands frères. Et moi je cherchais naïvement quelques faces B inédites et là c’est le choc : je découvre que les deux ou trois petits titres que je recherche ne sont en fait pas grand-chose car commencent à arriver sur Paris les toutes premières cassettes bourrées de titres inédit. Et là une nouvelle dimension s’ouvre sous tes pieds : tu te dis : waou j’ai affaire à un mec qui a déjà une discographie qui semble importante à l’époque avec huit ou neuf albums, il y a plein d’artistes associés et arrivent d’une part le « Black Album » et de l’autre les 3 premiers titres de « Crystal Ball » qui commencent à fuiter. Tu de dis que le mec au moment de faire « Sign O The times » il a dans ses tiroirs des trucs aussi dingue que « Crystal Ball » « Last Heart », « Old Friend For Sale » sauf que là pour les écouter les tarifs qu’on me demande sont énormes. Alors je vais pleurer chez ma mère. Je lui dis : tu te rends compte c’est 100 F le titre ( soit 16€ tout de même !) . Et puis je rencontre deux personnes incroyables, par le biais d’une petite annonce dans BEST qui disait : j’ai des inédits de Prince. Donc j’appelle au téléphone et je lui demande « Gotta Stop » et « Horny Toad » qui étaient des faces B. Là le mec rigole et me dit : ce ne sont pas des inédits mais des faces B. Je dis… ahhh…. Mais il ajoute… par contre, des inédits on en a. C’est comme ça que j’accède à des trucs de dingue comme le live au « New Morning 1987 » tout « Crystal Ball » « Charade » qui était un bootlegg associé à « Parade ». Et là je deviens fou…
Car plus tu en trouves…. plus il y en a !
Et c’est par trois ou quatre pépites. Et surtout tu as l’impression d’avoir accès à l’intimité d’un mec pourtant réputé inaccessible. C’est-à-dire que moi je n’ai pas le recul que tu as, on n’a pas le même âge. C’est mes premières icones. Je n’ai pas le recul des Stones, des Beatles ou de Bowie. Moi je vois des gens réputés inaccessibles et on me dit : on a volé chez Prince, la plus grande star avec Jackson. J’ai vraiment l’impression d’accéder à un saint des saints.
A ta décharge, il est encore plus inaccessible que ceux que tu viens de citer, qui au moins se confiaient aux journalistes. Prince après m’avoir parlé au Privilège, grosso modo il a totalement cessé de parler aux médias durant vingt ans. J’ai failli me faire imprimer un T Shirt avec « je suis le dernier mec à avoir parlé à Prince! » ( rires) Et encore… il m’a parlé pas longtemps et pas beaucoup ( rires). Jackson donnait des interviews rares mais il en donnait. Springsteen il en accorde. Il n’y a guère que Dylan pour ne parler à personne. Tout le monde parlait à la presse… à part Prince. Et Prince dès qu’il est tombé entre les pattes ( les pates ?) des frères Macaronis, ca a été : non non on ne parle à personne. Et personne autour de nous ne doit également se confier aux médias. Donc inaccessible… oui. Vous les fans vous connaissiez the Vault ?
En fait, on en prend conscience à ce moment-là (printemps 1987). Mais le fait de recevoir des titres finis complètement produits qui ne sont pas du tout des demos avec le mec seul avec sa guitare. L’album « Crystal Ball » c’est un vrai disque qui a été pensé. L’album « Dream Factory » idem, le « Black album » aussi évidemment. Mais on est allé plus loin avec celui-ci puisqu’il avait été carrément pressé avant d’être retiré immédiatement du marché. Passé au pilon dès sa sortie, c’est pour ça qu’il vaut 12.000 dollars aujourd’hui. On se rend compte qu’au moment où il publie des disques fleuves comme « Sign O the Times » ce n’est que le sommet émergé de l’iceberg. Ça devient une drogue avec ton dealeur qui a sans arrêt des nouveaux trucs à te filer. Je n’aime pas l’antagonisme Michael/ Prince mais il faut noter que durant tout ce que je viens de te raconter, Jackson n’a toujours pas sorti son nouvel album alors que Prince continue à faire feu de tout bois. Rien depuis « Thriller » alors qu’il s’est produit toute l’épopée princière avec « Purple Rain ». On les avait mis concurrent mais le match est plié faute de participant.
Et il tournait sans répit, tout en publiant des monuments comme « Around the World… »
Oui et tous les concerts à Bercy, 4 dates en 87 puis 4 en 88 toujours à Bercy avec « Lovesexy » et c’est à ce moment-là que je rencontre des gens qui vont avoir une place importante dans ma vie Stéphane et JMS, deux personnes qui sont plus âgées que moi et qui vont monter Black Camille qui va être le premier fan-club solide. Ils pousseront même la folie jusqu’à ouvrir une boutique de disques à Paris rue Saint-Maur exclusivement consacrée à Prince. Et là sous leur aile je commence à réaliser ce que peut être l’activisme créatif soit faire des soirées, faire un magazine ou encore organiser la projection des quatre films au Grand Rex. On est dans les années 90. Là je réalise qu’on peut mener à la fois une vie professionnelle « adulte » et être passionné, être habité par cet artiste. Ce qui permet de faire vivre la passion en parallèle. C’est un autre niveau de plaisir et non pas un palliatif. Entre les concerts, les sorties de disques et les inédits qu’on récupère et qu’on s’échange entre nous car il y en a de plus en plus et de concerts enregistrés qui nous font réaliser à quel point il tourne sans cesse, on commence aussi a découvrir les after shows… c’est sans fin. Les conventions de disques à Paris commencent à être remplies de cassettes, de vinyles. Et puis on arrive dans les années 90 avec l’arrivée des CD pirates. Là on devient dingue car on monte en gamme sur la qualité du son, sur les pochettes… certains deviennent même mythiques comme le fameux « Small Club » un after-show de 88 en Hollande qui est vraiment un marqueur tant Prince est aux antipodes de ce qu’il fait d’habitude comme sa scène centrale de « Lovesexy ».
On voit à quel point il est prolifique mais tu dois y retourner encore et encore pour l’assimiler. On n’est pas du tout sur de la musique jetable, bien au contraire. Puis 90 le fameux concert du parc des Princes que beaucoup préfèrent oublier : trop grand, show trop court, son pas génial. Heureusement c’est la première fois que je voyage pour aller voir Prince et je pars à Lille assister au concert du lendemain. Je vais ailleurs que dans ma ville et ça m’ouvre encore une porte à cette passion/ addiction. 92 c’est la tournée « Diamonds And Pearls » avec le lit qui vole au-dessus des gens en traversant la salle. Prince continue d’avoir le vent en poupe, il a toujours des titres au top 50. Moi j’approche des vingt ans et avec mes potes je fais vraiment partie de l’histoire, je ne suis plus le petit frère. Là je fais tous les concerts de Bercy pour « Diamonds And Pearls » mais je rate encore l’after des Bains-Douches. Je rappelle aux plus jeunes qu’on est à l’époque où téléphones portables et internet n’existent pas encore. Je ne fais pas partie des jolies filles du premier rang à qui on donne l’info. Et arrive 1993, la sortie de la première compile de Prince « The Hits & the B Sides », la première fois que sont compilées toutes ses faces B puis concerts à Bercy. L’album « LoveSymbol » est sorti entre temps et le symbole commence à apparaitre. Le show s’achève sur un lovesymbol flamboyant et il annonce que le dernier concert de Londres serait la mort de Prince. Donc je pars à Londres, c’est la première fois que je quitte la France pour aller voir Prince. Et c’est juste magique.
Je pense que Prince en était conscient et qu’il a joué avec car Bowie a fait pareil vingt ans avant en « tuant » Ziggy Stardust lors du fameux « Last Live Show » des Spiders from Mars à l’Hammersmith Odeon… avant de revenir sous les traits du Thin White Duke. Donc voilà… Prince connait la musique !
Alors oui mais le début de cette histoire…
… oui je sais c’est la brouille avec Warner après leur refus de sortir le « Black Album » et de suivre le rythme des sorties voulues par Prince.
… et il veut aussi récupérer son nom car Warner lui dit : ton nom nous appartient alors il leur réplique qu’à partir de maintenant il faudra l’appeler d’un nom imprononçable et pousse le vice jusqu’à faire parvenir à tous les médias une disquette contenant une police de caractères spéciale, désormais objet de collection hors de prix. Sur Canal +, pour le présenter De Caunes et Gildas tiennent une feuille avec le symbole et toute la presse joue le jeu. Prince1: Warner 0 … c’est la victoire du « Lovesymbol » !
À SUIVRE….
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