RICK JAMES « Street Songs »

Rick JamesVoici 40 ans dans BEST GBD portait aux nues le funkissime « Street Songs » 5ème LP de Rick James et sans doute à ce jour le meilleur album jamais publié par le natif de Buffalo New York inventeur du fameux « punk-funk ». Aussi surdoué que faible par rapport à la dope, Rick James a hélas gâché tout son talent et sabordé sa carrière par son abus de la cocaïne en free-base, ce crack des riches qui ouvre la boite de Pandore de la folie humaine de l’autodestruction. Quel gâchis !

Rick JamesAh Rick James et moi… même si on ne s’est jamais officiellement rencontrés, c’est pourtant une longue histoire. Découvert avec ce « Street Songs » aux si nombreux hits, j’avais craqué sur le concept de « punk-funk » qui résumait toute sa philosophie musicale : un pont virtuel entre les prolétaires des ghettos européens, le coté punk et ceux des ghettos américains, le coté funk. Bien entendu, j’avais immédiatement proposé aux représentants locaux de la Motown- qui devait alors avoir quitté Vogue pour une distribution RCA- de rencontrer ce personnage singulier. Hélas trois fois hélas, mister James a planté l’interview pour une excuse à deux balles. « Pas grave », m’avait alors rétorqué Antoine Chouchani, le label manager Motown, ajoutant « Rick James joue en live pour l’émission Rock Palast » tournée dans un stade de la bonne ville d’Essen. Et nous voilà Antoine et moi en partance pour l’Allemagne. Arrivée à Essen, on apprend que l’interview prévue ce jour n’aura finalement pas lieu car « Mister James n’a pas aimé la suite qui lui avait été réservée par sa maison de disques en RFA ». Le concert devait avoir lieu le soir même. Le toujours optimiste Antoine me promet une interview pour le lendemain matin. Seul élément positif à ce désastre annoncé, Rick James ne sèche pas le show et assure une jolie performance épaulé par son funky Stone City Band. Presque un groupe de rock mis pas tout à fait, presque un groupe de funk mais beaucoup plus, sur scène l’alchimie Rick James tient toutes ses promesses. Mais le lendemain matin, la Motown star revient à ses fondamentaux : le plantage systématique de ses rendez-vous avec les journalistes. J’attends en vain un bon paquet d’heures un Rick James qui ne viendra jamais et qui – on l’apprendra ensuite- était déjà à l’aéroport lorsqu’Antoine et moi faisions encore le pied de grue à l’hotel.

Rick JamesBien entendu, à l’époque, j’ignorais à peu près tout des relations troubles que notre punk-funkeur entretenait avec la coke et sa copine le free-base. Cette fois-là je n’ai donc jamais interviewé mister Rick James et aucune autre opportunité ne s’est jamais présentée. Pourtant le leader du Stone City Band publiera encore un couple d’albums plus que décents et produira avec talent un LP pour les Temptations porté par le hit « standing At the Top » avant de voir sa carrière finir par exploser en vol. Entre temps un petit gars de Minneapolis avait déjà commencé à occuper le devant de la scène avec sa propre fusion de rock et de blackitude agitée et coté travail, Prince Rogers Nelson pas du genre à sécher le studio pour aller se faire une ligne ou deux dans les WC n’avait de leçon à recevoir de personne éclipsant définitivement celui qui aurait pu être son concurrent le plus acharné. Quel putain de gâchis…

 

Publié dans le numéro 159 de BEST :

 

Rick JamesEt  du  coté  du  funk,  quoi  de  neuf ? À force de le voir se mordre la queue, on  croit  toujours  que  le  style  va s’épuiser. Le funk a surnagé dans le marasme du disco et après la tempête, sur le rivage noir et désert, l’océan a rejeté le grand corps de Rick James. Rick  est  devenu  l’apôtre  du  «  punk funk  »,  un  pont jeté de part et d’autre de l’Atlantique entre  les frères des ghettos blancs et ceux des ghettos noirs. Pourtant, le funk métallique de Rick ne renie pas quelques racines  bien  rock.  Lorsqu’il  s’installe voila quinze ans au Canada, Rick crée  Mynah  Bird  avec  trois  obscurs musiciens blancs : Neil Young, Bruce Palmer et Goldie McJohn (Steppenwolf).  Par  la  suite,  Rick  traine chez  Motown  et  décroche  son  contrat. Nous sommes en 1978 et, depuis en solo ou avec son groupe, le Stone  City  Band,  Rick  a  mis  sur  le marche plus de six LP. « Street Life », le petit dernier, a propulse Rick très  haut  dans  les  charts  et  vers  le succès.  Au  pas  de  course,  le  punk funk fou est en train de rejoindre les black  stars  de  l’Amérique  comme Wonder  ou  Diana  Ross.  D’ailleurs Stevie  et  son  harmonica  font même une courte apparition sur le LP, ainsi que Teena  Marie  et  l’éternel  Narada Michael  Walden. 

Rick JamesImaginez  ma  surprise,  pendant mes  six  semaines  d’Amerique ( Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/un-autographe-de-la.html) j’ai croisé « Street Songs » à tous  les  coins  de  rue.  La  première fois,  il  avait  l’allure  et  la  puissance d’un super lecteur de cassette d’une Corvette  jaune  conduite  par un jeune mec : il écoutait « Give It To Me » à pleins  tubes.  Ensuite, ce Rick-là  je  l’ai  croisé des dizaines de fois sur la plage par chaine  hifi  portable  et  à  fond  la caisse  interposée.  Dans  les  boites, dans la rue même, dans un magasin de  Tijuana,  ville  frontière  du  Mexique. Jusqu’au chauffeur de taxi pour LA  airport  qui  écoutait lui aussi  Rick  James sur une cassette. Un vrai phénomène social ce  Rick  James;  en  tout  cas. «  Street  Songs  »  porte  admirablement  bien  son  titre.  Sur Venice Beach, tous  les  roller skaters sont fous de « Super Freak », les vendeuses et les danseuses s’éclatent sur « Give It To Me »» et le DJ de ma  radio  sur  «  Ghetto  Life  ».  Normal. avec Rick, tout le monde il est funk,  funk,  funk !  Sûr que  je  ne relirais pas « Le Capital » en écoutant Rick James, mais pour jouer au Monopoly, en revanche…

Publié dans le numéro 159 de BEST  daté d‘octobre 1981BEST 159

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