ALAIN BASHUNG “Pizza”
Voici 40 ans dans BEST, GBD croquait à pleines dents la « Pizza » d’Alain Bashung, qui suivait alors son 45 tours monumental « Gaby ». Ce 3ème LP devient instantanément un album-culte et achève de propulser Alain au firmament des héros du rock hexagonal. Riffs classiques et textes- calembours hallucinés, musiciens hors pair, hits solides comme le roc et incontestable chutzpah, que de souvenirs dorés hantent cette pizza de vinyle ! Flashback…
En ce temps-là le Bashung fréquentait les bars et brillait dans l’art de décrocher des parties gratuites au flipper électrique sans jamais tilter. En ce temps-là, le Bashung enchainait bières et pétard. Bien sûr , cela n’était pas sérieux, mais c’était franchement rock and roll. Alain était un mec aussi drôle qu’il était allumé. Rien de surprenant qu’avec un autre givré, Boris Bergman ils partagent ce même culte de la vanne. Les mots de Boris plaqués sur le clacissisme rock d’Alain, comme la rencontre entre la nitro et la glycérine. Pour avoir vécu cette époque, et partagé ces moments, ce flashback se révèle forcément émotionnel. En découvrant ce « Pizza » et en l’analysant pour ce numéro de mars 81 de BEST, avec le Clash en couverture tout de même, je suis déjà heureux pour Alain. Je me dis qu’avec un tel album, juste dans la foulée de son « Gaby » à succès, sa carrière était satellisée. Et je suis heureux pour mon pote, au moins il en est en fini de la galère. Son brillant 33 tours a été capturé entre deux grands studios anglais, avec Ken Burgess, un musicien-producteur qui avait fait East of Eden ou Arthur Conley. Il est aussi interprété par de super musiciens, un groupe franco-british d’exception : l’incroyable Philippe Drai à la batterie, François Delage à la basse, les guitaristes Olivier Guindon et l’anglais Richard Brunton, le claviers Tommy Eyre qui accompagnait Joe Cocker et Tracy Chapman et le saxophoniste star Mel Collins qui joue avec les Stones, King Crimson ou Dire Straits … bref, que du beau linge pour un disque d’une totale intégrité rock qui va devenir instantanément mythique. Quatre décennies plus tard, même si ma version vinyle craque un peu sous le diamant, il n’a pas pris une ride. Bashung a beau nous avoir quittés, il est pourtant immortel.
Publié dans le numéro 152 de BEST
Ça y est, Bashung vient de franchir le point de non-retour. Les guitares en avant et les cheveux dans les yeux, la tête accrochée sur un nuage, la « Pizza» qu’il nous propose de croquer parait appétissante. Normal, elle contient quelques ingrédients de choc aux vertus hallucinogènes. La musique, d’abord : c’est hello surprise et pied de nez aux fifties. Pour l’occasion, le père Bashung a ressuscité les Shadows et autres consorts rock and rolleurs. « Peggy Sue » ou « Shakin’ All Over » ne sont jamais très loin. Ça coule, ça roule, ça déboule : Bashung tu perds la boule. Normal. Tous les textes sont signés Boris Bergman et du côté délirium il n’a de leçons à recevoir de personne. « Ma femme s’est fait mettre un but par l’arrière droit du Racing, j’aurai préféré le PUC ». « Afficionado », le gaucho des salles de bar tire sur son pétard… et il n’y a pas de fumée sans feu. BB et Bashung forment un couple idéal. L’un écrit, l’autre compose et nous, heureusement qu’on sait s’accrocher. Ça me rappelle l’époque pas toc, quand Gainsbourg n’était pas patraque et qu’il chantait au lieu se contenter de « toaster ». 1981, on ne poinçonne plus les tickets de rétro, mais « les conducteurs d’autocars risquent de finir dans les décors qui sont de Roger Hart ». Enregistré aux studios Rockfield de Dave Edmunds, « Pizza » ne contient pas une pointe d’aileron de requin de studio.
À part Mel Collins, le sax ex-King Crimson, le reste de la bande (3 Français et 3 British) est tout neuf, tout fou. Produit par Bashung et Ken Burgess, le LP fait la part du lion a la basse, aux guitares et à la batterie. C’est un parti pris, mais souvent la voix du Bashung parait juste un peu trop en retrait, Si I’on ajoute a cette « Pizza » quelques ingrédients du style synthés et Farfisa, on comprend vite que Bashung va décrocher la queue du Mickey, pulvériser le « jackpot » de notre musique machine et squatter notre platine hi-fi pour quelques lunes. Bien joué « Vertige de l’amour », c’est l’après « Gaby », c’est déjà aujourd’hui. Comme il le chante sur « Rebel » « Faut se préserver si on veut durer, rester toujours numéro un ». Depuis le temps qu’il joue au rocker solitaire, Bashung parait avoir enfin trouvé son « happy end»… avant le tout prochain épisode. Mon seul regret avec cette « Pizza »-la c’est que dans le genre qualité, elle est un peu isolée. « Rebel », « J’sors avec ma frangine », « Reviens va-t-en » et les autres sont vraiment super, mais à la 849 écoute via matraquage radio/télé, les mets les plus succulents font des trous dans la tête et l’estomac.
Publié dans le numéro 152 de BEST daté de mars 1981