ALAIN CHAMFORT : « Alain Chamfort »
Dés les premières mesures de l’envoutant « Deux poignards bleus » qui ouvre ce nouveau disque, on sait qu’Il est incontestablement de retour. Alain Chamfort est à nouveau dans la place, avec sa voix chaude et son charme inépuisable qui électrisent cet « Alain Chamfort »…midable, car il signe sans doute là des compositions qui vont forcément compter parmi ses plus belles chansons. Bien joué- c’est le cas de le dire- cher et estimé voisin !
Son dernier véritable album était millésimé 2003, l’excellent « Le plaisir », mais le chanteur n’est certes pas resté inactif pour autant, bien au contraire. Pas moins de cinq projets Chamfort ont vu le jour depuis dix ans : le live « Impromptu dans les jardins du Luxembourg » (2005), une compile l’année suivante, une intégrale colossale de ses œuvres ( Ce qui reste, c’est l’air 1966/2007), l’album biographique « Une vie Saint-Laurent » (2010) et le CDs de reprises de ses chansons en duos exclusivement féminins « Elle et lui » (2012)…loin des oreilles, loin du cœur : Alain Chamfort est aussi discret qu’il sait se rendre indispensable. Et il sait aussi se montrer incroyablement fidèle…en paroles, puisque le belge Jacques Duvall, qui avait déjà remplacé Serge Gainsbourg au pied levé dés 1981 pour un titre du LP « Amour Année Zéro » ne l’a jamais quitté- à l’exception du « Saint Laurent »-. C’est Lio qui avait alors joué la go-between, lui présentant celui qui avait signé pour elle le tubesque « Banana Split ». Trop fort, ce Duvall qui a depuis écrit pour les Sparks et beaucoup d’autres. Mais notre ami Belge est toujours resté aux cotés d’Alain, glissant ses mots sucrés-salés entre les lèvres d’AC. « Sophie et Sapho », « Souris parce que c’est grave », « Les majorettes », « Les beaux yeux de Laure », entre autres. Chamfort et Duvall c’est un peu comme ce dessert, le Fontainebleau, subtil mélange de crème fraiche et de fromage blanc battus jusqu’à en devenir aérien. Les mots de l’un chargés d’humour et de poésie se mêlent harmonieusement à la pop insouciante de l’autre. Comme on ne change pas une équipe qui gagne…mais qu’on la renforce, pour la première fois, Frédéric Lo s’est joint à cette paire de complice, assurant les arrangements et la production. Lo avait signé la prod (mais aussi les compos) de deux des albums les plus cruciaux de Daniel Darc. Alors, sans mauvais jeu de mot, ces trois là font sacrément bien l’amour (et l’humour) ensemble. Car les chansons de ce CD éponyme ont essentiellement l’amour pour thème. Ou l’anti-amour parfois, ce qui revient au même.
Chamfort tout court
Dés « Les poignards bleus » qui ouvre l’album, le ton est donné : Chamfort séducteur néanmoins subjugué scande ce portrait brossé d’une dévoreuse d’hommes sur un funk éthéré à la Bryan Ferry. Piano en avant, « Ensemble » nous offre son texte futé aux jeux de mots à tiroirs sur une mélodie qui évoque légèrement le « Ford Mustang » de Gainsbourg. Avec « L’amour n’est pas un sport individuel » (et aussi la délicieusement sarcastique « On meurt »), on retrouve le Chamfort qui ne craint jamais de railler le séducteur en lui, un peu à la manière de « Ce n’est que moi », sur une mélodie aussi légère que nostalgique. Pet Shop Boys à la Française, Alain renoue avec l’électro-pop à la « Manureva » avec cette « Joy » qui rejoint la galerie de portraits des femmes-chansons-titres de notre charmeur (Clara, Sapho, Sophie, Lucette, Lucie, Lucile). Cela n’a sans doute rien à voir…et pourtant, la sublime et mélancolique « Argentine » avec son inventaire à la Prévert me fait penser à Nino Ferrer qui en avait fait une véritable forme d’art. Mais si Nino la jouait humour, là c’est sur l’émotion que parie Alain Chamfort. Et c’est gagné, avec cette petite merveille de composition entêtante qui nous va droit au plexus solaire. Retour à l’insouciance, avec « Concours de circonstances » qui rappelle « Les clefs du paradis » qu’il avait jadis offert à Jane Birkin. Plus surprenant, c’est ce funk blanc un peu Talking Heads intitulé « Puis je vous offrir ? ». Encore plus surprenant, Alain Chamfort en duo avec Charlotte Rampling nous propose un dialogue aussi touchant que surréaliste à l’image de celui qui se déroule dans le train de « La cantatrice chauve » de Ionesco. On pense aussi au « Dieu fumeur de Havanes » de Gainsbourg/Deneuve. Bref, en tout, 11 pop-songs dans ce Chamfort tout court, lequel comme son nom l’indique, passe bien trop vite…