MORT DE MARC MORGAN UN ENFANT DE LA POP
Je l’avais connu au siècle dernier en chanteur des rigolos Révérends du Prince Albert, les ABDD Belges, puis des Tricheurs avant qu’il ne lance sa carrière solo au tournant des 90’s, hélas le talentueux Marc Morgan nous a quittés à seulement 57 ans. On ignore encore les causes de son décès. Son camarade de label FNAC Music, Stan Cuesta, lui rend un troublant et bel hommage. Adieu l’ami…
Par Stan Cuesta
Merde. Un pote est parti. Gros choc, surprise totale, tristesse. On ne s’était pas vu depuis très longtemps. De loin en loin, on se donnait des nouvelles. Il me parlait de ses enfants, dont il était très fier – comme moi des miens, ça nous faisait un point commun de plus. Je ne les connais pas mais je pense à eux.
Ce n’était pas vraiment un ami. Plutôt une sorte de copain de régiment. Comme un gars avec qui on aurait fait l’armée. Sauf qu’en l’occurrence, l’armée, c’était le show-business. On avait sorti nos albums à peu près en même temps, il y a vingt-cinq ans, chez Fnac Music, tous deux grâce à Yves Bigot. Merci Yves. La différence entre nous, c’est que lui avait eu du succès, surtout avec « Notre mystère, nos retrouvailles », une super chanson pop, légère et sympa. Mais ça ne changeait rien à nos rapports, il ne frimait pas avec ça, et je n’étais pas jaloux. Il le méritait, c’était un musicien hyper doué. Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, c’est très difficile d’écrire une chanson pop, légère et sympa, et d’en faire un hit. Je le sais : je n’y suis jamais arrivé. Il y a dans tout tube quelque chose de noble et d’admirable, même dans les plus pourris. Et le sien était loin d’être pourri.
Et puis il avait mis son talent au service de La Variété, le groupe qu’il avait formé avec son ami Rudy Léonet – il me disait toujours, « tu devrais rencontrer Rudy, je suis sûr que vous vous entendriez bien. » On ne s’est jamais rencontré. J’avais adoré l’album, je l’avais chroniqué, un peu seul au milieu de l’indifférence générale. A une exception notable près : Jean-Louis Murat, homme de goût, qui les avait pris en première partie et avait même enregistré une version de « Dans ma nature » (justement ma chanson préférée) qu’il n’a jamais sortie. Probablement parce qu’il était impossible d’égaler l’original. Cette chanson terrassante est une merveille. Quand je commence à l’écouter, je la remets en boucle à l’infini. Ce que je fais maintenant en pensant à Marc.
Adieu Marc Wathieu, alias Marc Morgan. Je ne t’oublierai pas.
« C’est dans ma nature / D’aimer les choses qui durent »
Stan CUESTA
PS : Sous le coup de l’émotion, j’ai oublié de dire que c’était probablement le mec le plus gentil que j’aie rencontré dans ce métier. Avec Nilda Fernandez… qui nous a quitté il y a peu lui aussi. Ce qui tendrait à confirmer l’adage un peu débile, « Ce sont toujours les meilleurs qui partent en premier ». Ce qui n’est pas une très bonne nouvelle non plus.
BONUS MARC MORGAN
En 1996, trois ans après son hit « Notre histoire, nos retrouvailles », pour la sortie de son 3éme album solo « Les grands espaces », Marc Morgan se livrait au magazine BUZZ. Aujourd’hui les mots du chanteur belge prennent un autre écho. Flashback…
MUSIQUE
« Je fais des rangements incessants de disques que j’avais mis au rebut et qui retrouvent grâce à mes yeux. Pour moi, les grosses bases, le côté « organique » quand tu apprends à jouer de la guitare, c’est Dylan, Neil Young, James Taylor, Crosby Stills Nash, Simon & Garfunkel, Little Feat. Souvent des trucs folk, donc une vision très minimaliste, très guitare. Et puis la pop anglaise avec les Kinks, les Beatles etc. Elton John aussi: je suis vraiment fan de ses 10 premiers albums, des arrangements de cordes de Buckmaster. Après, j’ai des tiroirs où je range la musique black, comme S. Wonder, tout ce qui groove, même Michael Jackson: j’ai racheté récemment un Jackson 5… excellent! Ensuite, une famille qui va de Kraftwerk aux Pet Shop Boys ou aux Beloved. La Brit Pop, ça m’a toujours plu. Je n’ai pas acheté le dernier album de Blur mais celui d’Oasis. Dernièrement, un album d’Eric Matthews, un américain, Radiohead et celui que je préfère, Garbage. Dans les nouveautés, j’ai tendance à écouter des trucs groovy, des chanteuses américaines, parfois à la limite de la variète. »
CINÉ
« Le Baron de Munchausen » de Terry Gillian! C’est pour moi le sommet absolu ! C’est un vieux conte allemand qui fut illustré par Gustave Doré, l’histoire d’un menteur, une métaphore extraordinaire d’une vie où tout est vain. J’aime bien aussi « les Tricheurs » de Carné. J’ai eu un groupe qui s’appelait les Tricheurs, nom qu’on avait lamentablement piqué à ce film. Cela fait partie d’un cinéma français excellent, qui parle de la vie, comme « Un monde sans pitié » par exemple a pu le faire. Ou alors, « Bullitt » et tous les Steve McQueen, même les plus pourris. Mais si je devais tirer une seule chose du lot, ce serait tous les Truffaut que j’ai quasiment tous en vidéo: « L’enfant sauvage », c’est le premier film que j’ai vu, je devais avoir neuf ans. »
LIVRES
« Quand j’étais aux Beaux-Arts, j’étais hyper excité par la BD. J’avais l’impression que c’était un univers très chaud, il avait « Métal Hurlant » et tout ça. J’ai décidé de faire ce job et puis, de fil en aiguille, j’ai un peu décroché. J’avais fait un album de BD qui n’est pas sorti, puis du dessin de pub et de presse, mais ce n’était pas intéressant. Au niveau littérature, j’ai foncé comme un dingue sur des romanciers américains comme Thomas McGuane, Russell Banks, Jim Harrison, Richard Brautigan, tout le côté Montana. Raymond Carver, aussi, excellent. Enfin, un polar qui m’a rendu fou, « Fausse Piste » chez IO/18, mais j’ai oublié qui l’a écrit…
VILLE
« J’habite à Huy, une petite ville inintéressante, entre Namur et Liège. Mais pour moi, c’est la meilleure ville, celle où j’ai toujours vécu. J’ai mes amis, ma famille, ça a pour moi beaucoup de sens d’habiter là. Quand je viens à Paris, l’essentiel des gens que je vois est lié au monde de la musique et, même si je ne vis que pour ça, je trouve ça agaçant. Il y a Bruxelles aussi, la rencontre des cultures flamande et wallone. Anvers, une ville géniale, très liée à la Renaissance, mais avec un musée d’art contemporain génial. Et puis Paris qui est pour moi la ville de la chanson, du cinéma français. Ce qui me botte aussi, c’est des petits villages inconnus dans le coin où je vis, le Condroz… La Belgique c’est déjà un marchepied vers l’Angleterre avec ce côté non-sense qui peut-être illustré par la BD ou même par Magritte… un petits pays avec une histoire bordélique où les gens regardent forcément vers l’extérieur. »
NUIT
« Je dors très peu et je suis très matinal car j’ai deux enfants. J’vais pas te raconter d’histoires mais c’est le trou du cul du monde chez moi, y’a pas de boite. Et puis je suis pas tellement sorteur. Quand tout le monde est au plumard, je me promène, je fais mes petites maquettes. J’descends parfois à Huis pour boire un coup. Non, je suis un « rural », ça ne s’improvise pas d’être un night-clubber averti… »
FAMILLE
« J’ai une façon plutôt minimaliste d’aborder les choses. J’avais déjà fait mon premier premier album avec Phil ( Delire). Il y a une complicité qui s’est installée. C’est un excellent producteur, il a une oreille terrible et un savoir-faire énorme avec les musiciens. Le hasard veut qu’on soit allés à l’internat ensemble, même si Phil était dans les grands et n’avait rien à foutre de parler à un minable. Mais on s’est croisé brièvement dans un « rallye », une sorte de concours qui avait pour thème la chanson française: il fallait dessiner un portrait de Georges Brassens et on a passé des heures à crayonner ensemble, côte à côte. «
MULTIMEDIA
« J’ai toujours fait de la musique sur des machines, ça me permet de faire exister mes chansons. Internet ? J’ai un modem et une adresse qui est d’ailleurs sur l’album. Ça s’est fait de façon naturelle parce que j’ai un frère qui vit à Hong Kong et que c’était un bon moyen de communiquer avec lui. Je ne suis pas un cybermaniaque, je n’ai aucune illusion par rapport à ça. « Les grands espaces », ça raconte l’histoire d’un garçon et d’une fille, qui habitent dans un appartement minuscule et qui se rendent compte qu’il existe des intervalles incompressibles entre les gens. Internet n’arrangera pas les choses: c’est très excitant de discuter avec des gens qui habitent très loin mais c’est très stéréotypé, très policé: pour moi, ça ne remplacera jamais le fait d’aller discuter avec mon voisin. »
Hello, juste pour corriger deux choses… la ville c’est HUY et pas Huis ! et le Condroz c’est avec un « c » pas un « k ». sinon c’est parfait ! @+ sergio (batteur des tricheurs)