NIAGARA Quel enfer !
Voici 30 ans dans BEST, GBD encensait l’excellentissime second album de nos Eurythmics hexagonaux, les Niagara. Normal, intitulé « Quel enfer ! » et porté par rien de moins que SIX tubes sur ONZE compositions, il succédait deux ans plus tard et avec brio à leur « Encore un dernier baiser » qui avait révélé la joyeuse formation rennaise. Flashback en brillant retour vers le futur de nos regrettés Niagara.
Pour GBD, tout était limpide : après Marquis de Sade ( et leurs formations satellites Octobre, Senso et Marc Seberg) et Daho, Daniel Chenevez, avec tout d’abord l’Ombre Jaune puis Niagara, incarnait à sa manière pop et funky le futur du rock rennais. Satellisé par leur irrésistible « Tchiki boum », puis par leur fun et décalé « L’amour à la plage », le duo Muriel Moreno et Daniel Chenevez avait trouvé en Niagara le vecteur idéal. Jouant à fond sur le charme Lolita de Muriel- ce qu’elle lui reprochera d’ailleurs injustement chez Mireille Dumas- et sur sa voix gorgée de soul, usant de son imagination fertile, Daniel brillant freak-controler ciselait avec art chaque facette du groupe : chansons, arrangements, instruments, prod, mastering, pochette, graphisme jusqu’aux vidéoclips réalisés de sa main. Dès l’attaque des guitares et des cuivres qui ouvrent « J’ai tout essayé » les Niag’ se déchainent entre Ike et Tina Turner et Eurythmics. Mais c’est avec « Assez »- auquel j’avais assisté au tournage du vidéo-clip réalisé par Daniel à Vittel et que je vous raconterai un jour dans Gonzo…promis- que les choses se corsent vraiment. Énergie et funk pulsé y dessinent le meilleur du style Chenevez/Moreno. Next track…next tube avec la balade impétueuse qui offre son titre à l’album « Flammes de l’enfer ». Autre morceau de bravoure qui file à train…d’enfer avec « Baby Louis » suivi par l’imparable et carrément shaftien, au sens Isaac Hayes du terme, avec « TV addict » sans doute ma favorite. Enfin il faut aussi compter avec « Western » en cool country version duel au soleil. Enregistré au fameux ICP de Bruxelles où Daniel et Muriel ont pris leurs quartiers, « Quel enfer » n’a décidément pas usurpé son titre nous offrant son infernale brochette de hits. 30 ans plus tard, en réécoutant ces titres qui n’ont pas pris une ride, on se dit que décidément on a toujours la nostalgie Niagara. Flashback…
Publié dans le numéro 238 de BEST
Damned, ils étaient un sacré paquet, embusqués derrière le canyon. Normal, « Encore un dernier baiser» avait engendré bien des convoitises. Cette fois, ils ne sauraient éviter le piège. Au loin, dans le paysage de cactus, la poussière masquait l’arrivée des deux cavaliers. Et soudain, le Colt d’argent de Daniel brille sous le soleil. Muriel dégaine son Derringer et le feu conjugué de leurs armes fait dix trous dans les têtes. « Quel enfer ! » est dédié à tous ces pieds tendres incrédules morts les bottes aux pieds. Les Niagara chevauchent à nouveau et les foudres de la soul se déchaînent en dix chansons qui vont droit à la cible. Révolte en noir et blanc pour le rebelle «- J’ai tout essayé ».Taillé tout en body-building par les cuivres, le titre mêle une rythmique soul à des guitares échappées du « Physical Graffiti » de Led Zep. Le plus saisissant, c’est la voix de Muriel. Comme une soufflerie, elle vous colle au plafond. Tour à tour renversante, comme celle de Tina Turner ou blottie comme un petit animal à la Janet Jackson, ce timbre est un vrai fantasme de philatéliste. Poupée Barbie qui se drape dans les atmosphères composées par Daniel, Muriel endosse sans peine le psychédélisme, le boogie rock ou la soul lance flammes des nuits rouges de Harlem rêvées par Isaac Hayes. Pied-de-nez et ras-le-bol, à quelques heures des présidentielles, Muriel fait sauter les soupapes pour précipiter le changement. « Assez », pour qu’on cesse enfin de prendre les kids pour des gogols, le single le plus militant des Niags donne sa couleur à l’album. PAF for ever, Muriel et Daniel avouent leur dépendance de TV Junkies des 80’s. Merci Berlusconi, sans lui jamais il n’y aurait eu ce « TV Addict » si funk, aux guitares saturées comme un LP de Rick James. Les Niagara cinéphiles s’offrent même le clin d’œil à Marilyn modèle « River Of No Return » pour un Western ballade country où Muriel est une troublante « Prisonnière du désert ». « Quel Enfer ! » et dans ses flammes brûle aussi l’acide a buvards. « Soleil d’hiver» ne troublerait pas « Lucy ln The Sky With Diamonds » avec ses mélodies hallucinées Fab Four et des instruments à cordes inspirés par « I’m The Walrus ». L’enfer est au fond du sillon, vertigineux à 33 tours 1/3. Enregistré avec des instruments naturels l’album est réalisé par les Niagara comme le graphisme, le lettrage et la maquette de la pochette ainsi que tous les clips à venir. « Quel Enfer! » et l’on s’abandonne à cette magie noire de la soul, une sensation décidément bien neuve en français.
Publié dans le numéro 238 de BEST daté de mai 1988
Leur meilleur album, une tuerie ! Toute la discographie de Niagara est d’enfer ! Mais celui-là reste mon favori