ECHO and THE BUNNYMEN LA LEGENDE DES HOMMES-LAPINS
Voici 30 ans dans BEST, GBD célébrait la sortie du 5éme album d’Echo & the Bunnymen par un « disque à disque » revisitant un à un les 33 tours du plus excitant groupe de Liverpool apparu depuis le split des Beatles. Emportés par Ian McCullogh, sans doute LA paire de lèvres la plus sensuelle, depuis celle d’un certain Mick Jagger, les hommes-lapins ont écrit certaines des plus belles pages de l’histoire du rock made in England. Flash-back…
Journaliste de BEST attitré à Echo & the Bunnymen depuis mon arrivée à BEST fin1980 et alors que Mac et ses copains avaient pris l’habitude de snober les journalistes, je ne sais pourquoi ils s’étaient pris d’affection pour moi. Sans doute, le double effet kiss cool de mon humour à deux balles et de la précision de mes analyses musicales, je suis devenu assez proche de Ian McCullogh et aussi de Pete de Freitas, le batteur et fameux successeur d’Echo. Je me souviens d’une interview un peu délire où les deux musiciens m’avaient laissé jouer au douanier avec eux, fouillant sans vergogne, mais plié en deux de rire, les valises des deux intéressés. Hélas, cet album désormais éponyme, mais d’abord baptisé « The Game » à cette époque (voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/echo-and-the-bunnymen-the-game.html ), marque la fin de la décennie prodigieuse des Hommes-Lapins. Mac quitte son groupe un an plus tard. Et surtout, hélas, la tragédie attend au tournant Echo & the Bunnymen, lorsque ce funeste 14 juin 1989, Pete chevauchant sa puissante Ducati 900cc sur l’autoroute A 51 au nord de Birmingham percute violemment un véhicule automobile. Pete de Freitas décède sur le coup, il aurait eu 28 ans deux mois plus tard, quelle tristesse ! Au fil des ans, MacCullogh reformera son bouillant Echo & the Bunnymen, avec son complice de toujours, le guitariste Will Sergeant. Leur dernier album « Meteorite » est millésimé 2014, mais un petit nouveau baptisé « The Stars, The Oceans & the Moon » devrait être publié dans le courant de cette année…so just wait and see ! Mon seul regret, néanmoins, reste qu’un groupe magnifique tel qu’Echo & the Bunnymen, qui était en 80/81 l’égal des U2 de « Boy » et « October » n’ait pas finalement remporté le match. La faute sans doute à la personnalité de Mac, que j’adore, mais qui sait aussi se montrer ombrageux et soupe au lait, même s’il peut être également le plus cool des garçons. Heureusement il nous reste la légende, et celle-ci continue heureusement toujours à fasciner, la preuve par le groupe californien Echosmith ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/echosmith-la-nouvelle-pop-rafraichissante-de-la.html ) qui a choisi son patronyme en hommage à Echo & the Bunnymen et aux Smith
Paru dans le numéro 233 de BEST daté de décembre 1987 sous le titre :
ECHOGRAPHIE
« ECHO & THE BUNNYMEN, après trois années d’absence, resurgissent du chapeau d’un mystérieux magicien. Un bon tour en perspective. Son chromatique au fusain, spleen vaporisé en nappe de brouillard, textes au rasoir mythologique, Echo est incontestablement la plus forte sensation issue de Liverpool depuis les Fab Four. « lips Iike sugar, sugar kisses », chante lan McCulloch avec un charisme qui lorgne volontiers du côté d’un Jim Morrison. Ses lèvres, à l’instar de la langue des Stones, embrasseront-elles la légende du rock ? Grâce à elles, au moins, les années 80 ont eu maintes lois l’occasion de dresser l’oreille. »
Christian LEBRUN
ECHOMUSÉE
(Liverpool)
Liverpool, face aux eaux de la Mersey, à 12 ans petit lan McCulloch flashe sur Bowie: « Un jour, j’ai entendu « Starman » a la radio et ma vie a été chamboulée. » Comme la plupart des kids à l’aube des 70’s, lan cultive le côté 3° sexe ambigu du « rock décadent» naissant avec Bowie/Roxy/ New York Dolls. Papa est magasinier dans I’industrie auto, maman assure à la maison. Mini Mac doit déjà s’évader, graine de working-class hero, vers les oasis glitter du rock. Myope comme une taupe de là-bas, lan à l’école se surnomme « Duke » -comme le Thin White David Bowie- pour se distinguer à tout prix. Rock and roll, Mac forme son premier groupe, The Crucial Three. Avec Pete Wylie – plus tard leader du Mighty Wah – et un allumé notoire, Julian Cope – eh oui, the Teardrop Explodes – ils destroyent par de joyeuses reprises les Doors et le Velvet Underground. Dans le même temps, Will Sergeant et Les Pattinson s’offrent une guitare, un magnéto et une boite à rythmes. Les s’était même inventé un personnage: Jeft Lovestone, genre gourou acide yankee, les cheveux décolorés et une mega-chaine pendue au cou. Tout ce petit monde se retrouvait dans le seul club after-punk vivable de Liverpool, chez Eric. La légende veut d’ail|eurs que Mac.Will et Les se soient rencontrés dans les chiottes des filles de chez Eric. Mac chantonnait sur un titre de l’album « The World of David Bowie ». Will lui dit: « T’as une super voix, vieux ». Mac aurait alors répondu: « J’attends le don de la vision! », plus groovy c’était l’OD ! Chaque dimanche, lan retrouve Will dans sa cave pour de très ardents duos de guitares saturées scandées par Echo, la drum machine. En descente de trip, Les finit un jour par les rejoindre. Avec la basse à 400 F qu’il vient de s’offrir, il invente la mélodie de « Monkeys ». Julian Cope, qui a signé pour Teardrop Expiodes, leur offre la première partie de son gig chez Eric. il leur faut un nom, ce sera Echo pour leur batteur électronique et les Bunnymen, sans doute par référence à Lewis Carroll. Ce soir-là, le 15 novembre 78, Echo and the Bunnymen déchirent l’air saturé de fumée chez Eric. Sur le magnéto de Will, le trio enregistre bientôt ses premières demos. Bill Drummond signe Echo sur son label local, Zoo Records et balance en Mars 79 le tout premier simple des Bunnymen « Pictures On My Wall » élu disque de chevet du moment par les critiques du NME et de Sounds. « Echo est un chic type métallique, mais ses possibilités sont trop limitées », Mac prononce un beau jour l’oraison d’Echo, et les Bunnymen se cherchent un batteur humain. Ce sera Pete De Freitas, un fils de bourges élevé en public school et qui n’a, en guise d’expérience, qu’un instinct ravageur du rythme. En novembre, le groupe signe sur le micro-label Korova, distribué par WEA
ECHOTYPES
« First l want a kiss/And then l want it all… ( je veux d’abord un baiser/ Et ensuite je veux tout »):
premier 45 tours, « Rescue » en avril 80. Avec ses guitares acides et son rock climatique exacerbé, le titre explose comme la ferveur et la sensualité des « hommes lapins». Trois mois plus tard, le premier album, «Crocodiles» bouleverse l’ordre établi des charts par ses réminiscences psyché/Velvet Underground. Tension, power pop prosaïque, frisson de terreur froide, mythologique, seront les qualificatifs les plus usités par la presse pour définir Echo. Quant à Mac, il parait déjà conscient de son pouvoir extrême de séduction: «Je ne crois pas être spécialement sexy ou sensuel, j’ai juste la chance d‘avoir de splendides lèvres rouges.» Produit par Bill Drummond – un ex décorateur de studio qui devient manager du groupe …avant de fonder bien plus tard le légendaire KLF avec son complice Jimmy Cauty ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/the-klf-se-livre-enfin.html et également https://gonzomusic.fr/2017-annee-du-retour-de-klf.html – avec Hugh Jones pour ingénieur, ce premier chapitre du bestiaire d’Echo entraîne les Bunnymen sur leur première tournée British de facs et de clubs. Le look surplus militaire/camouflage du groupe se répand parmi les fans. En France, grâce aux premières radios pirates comme Radio Ivre, les Bunnymen investissent la virginité des ondes FM. Second single en octobre, « The Puppet » et en janvier 81 Echo s’offre un « magical mystery tour» au jardin botanique de Buxton; un court métrage et un super 45 tours immortaliseront l’événement.
ECHORCHÉ
(Heaven Up Here)
« Les gens nous demandent souvent quelle sorte de groupe sommes-nous ?Je réponds toujours: nous sommes un groupe de rock… et j’en suis fier. »
Mac peut s’offrir le luxe de l’arrogance; libres comme les mouettes de la pochette, les Bunnymen montent vers un septième ciel d’ivresse et de défonces avec Hugh Jones aux commandes doubles de la production. Après une fournée européenne, le single «A Promise» sort en juillet 81 se révélant le titre le plus macabre des Bunnymen. Déchiré, déchirant, « Heaven Up Here » me rappelle le « Berlin »de Lou Reed mordu à la rage des 80’s. Sans oublier la puissance de conviction et l’écriture fantasque de Mac qui forcent la comparaison avec Jim Morrison.
ECHOLOGIOUE
« We can’t tell our left from right/But we know we love extremes » — On ne sait pas où est la gauche de la droite/,mais on sait qu’on aime les extrêmes. (« Back of Love »)
Balancé en mai 82, « Back of Love» sera le premier N° 1 anglais du groupe. « J’aime les choses simples qui durent. Des chansons comme « Twist and Shout » et le « Light My Fire» des Doors n’ont pas pris un pli. « The Back of Love » est de la même trempe. », déclarera Mac. En juillet, on retrouve les Bunnymen à l’affiche du désastreux WOMAD organisé par Peter Gabriel. Souvenir du gig, une version de « All My Colors » – rebaptisée « Zimbo » – enregistrée avec les tambours du Burundi servira de bonus track au maxi « The Cutter » qui sortira six mois plus tard en janvier 83 simultanément au LP « Porcupine ». Brillant mégalo, Mac déclare: « Porcupine » est dans le domaine du rock le plus beau travail d’artiste… depuis le David de Michel Ange. » Climatique, glacé/brûlant, l’album est à l’image des volcans d’Islande qui l’illustrent, caverneux et luminescent comme la descente infinie du « Voyage au centre de la Terre» de Jules Verne. Avec un guitariste additionnel, un percu, un violon et un violoncelle, Echo s’embarque dans une tournée British zarbi et ésotérique qui démarre dans les iles paumées d’Ecosse. Malgré le succès de « The Cutter l’album s’enlise rapidement. En juillet, pour soutenir l’effort du tour, ils sortent un single inédit, « Never Stop » aux accents vaguement Curesques. « Never Stop » avec ses violons et ce petit riff pimenté inimitable se classe sans effort dans les charts. Pèche et surtout optimisme rare chez les Bunnymen, avec son texte résolument anti-Thatcher, « Never Stop» constitue pour beaucoup leur tout meilleur titre et notre BO perso de cet été 83.
ECHOSYSTEME
(Ocean Rain)
« J’ai vu des choses que tu ne pourrais croire. » (« Bladerunner »).
Avant son départ pour Paris, en décembre 83, Mac reprend à son compte la citation du film en évoquant pêle-mêle Freud, Kerouac et Bosch « le Roman Polanski de la peinture». C’est dans cet esprit que sera enregistré « Ocean Rain », le quatrième Echo, dans le très parisien Studio des Dames. Romantisme ville-lumière ou brume directement importée des rives de la Mersey, « The Killing Moon » sera le premier titre mixé et le cadeau du groupe à la presse française pour une mémorable écoute/party. Ce jour-là fût le grand frisson, et l’hiver n’y était pour rien. Avec la voix quasi-irréelle de Mac « The Killing Moon » s’élevait comme une jouissance infinie. « The Killing Moon Will Come Too Soon ». « Je parle bien entendu d’éjaculation précoce», prétendra Mac pour désamorcer sa bombe poétique. Deux autres titres.« Silver » et « Seven Seas » enregistrés à Paris sortiront en 45 tours, respectivement en avril et juillet 84. Adéquation de la forme au fond, la caverne d’« Ocean Rain » était une chambre d’écho, genre caisson de décompression, peinte en jaune, à l’acoustique inimitable. Mac en a usé et abusé entre autres pour « Seven Seas ». On peut visiter. ( Hélas non, plus aujourd’hui : NDR)
ECHONOMIE
(The Game)
« J’ai toujours apprécié le jeu que nous avons joué avec la presse. Ça n’est qu’un jeu, un peu comme le tennis. Mais c’est un jeu tronqué car ce sont eux qui possèdent la machine à écrire. » (Mac)
De mai 84 à juillet 87, le silence des Bunnymen ne sera interrompu que par une compilation, « Songs to Learn and Sing » avec l’inédit « Bring On The Dancing Horses » au clip signé Anton Corbijn, qui prend aussi la relève de Brian Griffin qui signait toutes les pochettes du groupe. Alors qu’il devait ravager la planète, Echo traverse sa crise de croissance. Le batteur Pete de Freitas claque la porte pour monter une formation mystique, les Sex Gods. Durant six mois, les Bunnymen flottent entre deux eaux. Le retour de l’enfant prodigue pousse à nouveau les Bunnymen vers le studio. Avec Laurie Latham ils enregistrent « The Game », débaptisé ensuite « Echo & The Bunnymen », à Berlin, Bruxelles, Londres, et Liverpool. L’affaire sera conclue et mixée au Power Station de New York en mai 87. « La majorité des grands disques prennent un sacré temps », explique Mac. Peu importe, avec les Bunnymen le temps ne compte pas. Ce groupe n’est pas fait de briques et de ciment, il est fait d’océans et de montagnes. « The Game » est abyssal ET vertigineux. Le « jeu » est immortel.