ZERMATI SALUT À TOI, GOUROU ÉLECTRIQUE !

Marc Zermati et John Sinclair

Marc Zermati et John Sinclair

Deux jours après la disparition de Marc Zermati, les hommages se multiplient ( enfin !) sur le net. De Libération, sous la plume de Philippe Garnier à Rock & Folk en passant par notre quasi- Gonzo-homonyme Gonzai, la presse se mobilise pour saluer celui que Pierre Mikaïloff qualifie de « Gourou Électrique », un des nombreux pseudos de Marc, un « passeur » du rock, brillant éclaireur des décibels agités et de notre culture sonique, qui mérite très largement tous ces lauriers de héros tressés.

Marc Zermati Oui Marc Zermati n’était pas un Saint, d’ailleurs pour un feuj cela aurait constitué un sacré paradoxe ! Oui, il n’était pas parfait, n’en déplaise à certains de ses détracteurs… suivez mon regard, mais la balance cosmique entre le « good » et le « bad » aura toujours penché du côté clair de la Force, comme on dit dans Starwars. Avant tout, au-delà de son côté « grande gueule », Marc était -notre ami, notre « frère » de rock, par conséquent l’heure est à la tristesse et au recueillement, au souvenir et au respect. Un jour, peut- être viendra l’heure du bilan, d’un « droit d’inventaire » comme on dit chez les politiques, mais il faudra d’abord attendre que nos larmes ne s’épanchent. Mais auparavant, comme l’écrit si bien Pierre Mikaïloff, il faut saluer avec tout le respect que nous lui devons notre « gourou électrique »… au revoir mon ami !

 Par Pierre MIKAÏLOFF

MZ TUILERIES64Rocker, producteur et dandy, Marc Zermati a grandi sur l’autre rive de la Méditerranée, là où les juke-boxes avaient quelques longueurs d’avance sur ceux de la métropole, aimait-il à rappeler. À son arrivée à Paris, il use ses boots avec la bande du drugstore, un club informel que fréquentent assidument Boris Bergman, Jean Bernard Hebbey, François Jouffa, Gérard Manset, Ronnie Bird… Il pousse ensuite les portes de la Coupole où une autre bande sévit, plus arty, celle des Clémenti, Kalfon, Higelin, Ogier, Zouzou, Nico, Tina Aumont, Maria Schneider… Sous le pseudo de « Gourou électrique », il commence à signer des papiers sur l’actualité musicale dans Le Parapluie, un organe de presse underground. À une époque – la première moitié des seventies – où il est suspect de ne pas se définir idéologiquement, Marc, dont le parti politique est définitivement le rock’n’roll, revendique l’étiquette de mod-hippie : mod pour le côté dandy, hippie pour le côté libertaire. Pour lui, la seule révolution qui vaille est celle de l’esprit, à grand renfort de LSD.  Il met à profit son érudition en matière de rock’n’roll et de free press en fondant un lieu remarquable, l’Open Market, qui devient rapidement « le meilleur importateur de libelles interdits et de bootlegs divers », dixit Christophe Quillien. Ce lieu de rendez-vous de l’intelligentsia rock occupe un temps un local rue du Roule, avant d’investir le 58 de la rue des Lombards, dans le quartier des Halles, à quelques mètres de son concurrent, Michel Esteban, qui ouvre Harry Cover. Mais on commettrait une erreur en réduisant l’Open Market à sa raison sociale : « magasin de disques ». Dès 1972, les futurs chantres de la punkitude convergent vers ce qui deviendra le relais parisien de la contre-culture mondiale, à tel point que l’on exagèrerait à peine en disant que l’Open Market fut au punk rock ce que l’abbaye de Cluny fut à la vie intellectuelle du Haut Moyen Âge. L’adresse est connue de Londres à New York, de Tokyo à Madrid. Yves Adrien y est vendeur ; Lenny Kaye, Lester Bangs, Nick Kent et Chrissie Hynde le hantent ; Nico y fait parfois… la cuisine, dans l’appartement de Marc au-dessus de la boutique ; pendant qu’un jeune fan de rock nommé Philippe Manœuvre passe au peigne fin les bacs d’imports US. La plupart des formations punk ou proto-punk le fréquentent. Sur les conseils de Marc, des groupes prennent pour nom Shakin’ Street ou Marie et les garçons… Little Bob Story, Asphalt Jungle et d’autres répètent dans ses caves, en un temps où dénicher un studio de répétition à Paris relève de la science-fiction. Des amitiés s’y scellent puis s’y brisent autour d’une conversation sur Flash Cadillac and the Continental Kids. On y trouve bien sûr les productions du catalogue Skydog Records, à côté de perles vinyliques en provenance du monde libre, mais aussi des publications comme The Anarchist Cook Book, Suck, Creem… Hélas, personne parmi les protagonistes de cette aventure ne possède d’aptitude particulière pour la gestion, et les fans du MC5 et des Groovies étant rares, le magasin ferme ses portes en avril 1977.MZ OPEN MARKET 1

Il convient de s’arrêter sur le label Skydog, que fondent Marc Zermati et Pieter Meulenbrocks en 1973. À l’origine, la distribution est seulement assurée dans trois villes : Paris, Londres et Amsterdam. Une de ses premières références est le EP des Flamin’ Groovies, « Grease ». Marc reçoit régulièrement des bandes d’origine douteuse, mais qui sont de passionnants témoignages, qu’il édite sous forme de semi-bootlegs, comme Sky High, une jam réunissant Jim Morrison, Jimi Hendrix et Johnny Winter. Une autre référence Skydog est devenue mythique : Metallic K.O., le dernier concert des Stooges, au Michigan Palace de Detroit, qu’un fan avait enregistré sur une cassette. Paradoxalement, ce disque au son approximatif deviendra l’une des meilleures ventes du groupe, s’écoulant à 100 000 exemplaires en import aux USA. Pour donner un aperçu du reste du catalogue, citons Kim Fowley, des bandes inédites du MC5, les Flying Padovanis, et un groupe mené par Philippe Marcadé, un Français exilé à New York : les Senders. L’autre intérêt de Skydog réside dans ses compilations bourrées d’inédits, regroupant des artistes connus ou inconnus qui apparaissent parfois sous des pseudos : La Crème de Skydog, Skydog Commando, Les 30 Plus Grands Succès du Punk, I Only Play R&R For Kids To Dance (un tribute à Johnny Thunders)…

Marc ZermatiEn août 1976, Marc Zermati change le cours de l’histoire en organisant le premier Festival Punk de Mont-de-Marsan, il récidive l’année suivante. Pour mémoire, Malcolm McLaren n’organisera « son » festival punk qu’à l’automne 76, au 100 Club… Si les festivités de Mont-de-Marsan portent son empreinte, rappelons qu’il est efficacement entouré d’une équipe qui compte notamment un juvénile Alain Lahana. Marc imagine aussi une « Nuit punk » qui se tient le 28 mars 1977 au Palais des Glaces, rue du Faubourg-du-Temple. L’affiche mêle la gouaille du travesti new-yorkais Wayne County (pas encore devenue Jayne), l’ivresse des Stinky Toys, l’élégance monochrome de Jam, les poses étudiées de Generation X, et Police en quatuor, avec Henry Padovani à la guitare (c’était avant les décolorations platine et les disques du même métal).  Dans les années 1980, Marc Zermati lance le label Underdog avec Dominique Lamblin. Y trouvent refuge, à défaut de gloire, Mitch Ryder, les excellents London Cowboys, Garrie and the Roosters, les turbulents G.P.S., ses amis Sean Tyla et Wilko Johnson… En 1981, quand les Flamin’ Groovies se trouvent une fois de plus au bord du gouffre, il a l’idée géniale de leur faire enregistrer le « River Deep Mountain High » de Phil Spector au studio Gold Star, à Hollywood, où le maître avait ses habitudes. Cela ne sauvera pas les Groovies mais nous laissera un de leurs meilleurs singles. Au plus fort du conflit qui oppose Clash à leur mentor, Bernie Rhodes, il devient presque leur manager. Il prend aussi en charge les affaires des Dogs qu’il emmène au Japon, certaines jolies geishas s’en souviennent encore…

MARC A TOKYO JULY 2007

Marc à Tokyo Juillet 2007

On le comprend aisément, ce fut une existence bien remplie que celle de Marc Z., impossible à résumer en quelques lignes. Aussi me suis-je contenté de rassembler des notes éparses empruntées à mon Dictionnaire raisonné du punk et à mon « Kick Out The Jams Motherfuckers » ! Marc avait relu ces notes, il est donc à supposer qu’elles ne le trahissent pas trop. Il m’avait aussi envoyé ces photos qu’ils jugeaient représentatives de ce qu’il était.

Salut à toi, Gourou électrique !

 

 

 

Merci à Chloë des Lysses pour ses clichés gracieusement partagés.

 

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1 réponse

  1. Yazid Manou dit :

    RIP Marc Z.

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