VOIVOD AT PLEYEL

VoivodLa vénérable salle Pleyel, avec sa moquette écarlate, ses dorures et son style Art Déco n’est pas vraiment l’endroit qu’on imaginerait pour un concert de métal fût-il romantique, tel que la tête d’affiche du soir, les Suédois de chez Opeth, le pratique. Non, l’occasion qui l’emmène, jusqu’à cette scène où l’on imagine plutôt un Steinway avec un pianiste en queue de pie, et une cantatrice pas forcément chauve, c’est le plus francophone des groupes de métal international, les Québécois de Voivod, merveilleux groupe, presque quadragénaire, et qui a su manifestement téléporter l’ami Salim Zein au 7ème ciel du metal.

Voivod Par Salim ZEIN 

Mercredi soir à 19h30 pile, l’obscurité se fait, et dans un grondement grave, bassiste, batteur et guitariste entrent en scène, sous les applaudissements, avec un sourire aux lèvres qui en dit long sur le plaisir qui les emmènent enfin à Paris, après sept ans d’absence. Le plaisir de jouer est évident et ces retrouvailles sont le signe que le Saint-Laurent s’écoule probablement dans la Seine ou peut-être est-ce le contraire ? Peu importe, les Québécois de Voivod sont ici chez eux et ils le savent bien, ceux qui les connaissent déjà le leur rendent bien, ils ont les yeux qui brillent et les novices adhérents rapidement à ce groupe singulier, définitivement pas comme les autres. À gauche de la scène se tient « Chewie », alias Dan Mongrain, guitariste, crinière de cheveux qui virevoltent autour de son visage flanqué d’un très large sourire, guitare aux formes anguleuses en bandoulière ; pas de doute, on est bien dans un concert aux accents métal, les amplis derrière lui sont prêts à rugir, au centre, derrière son kit minimaliste, « Away, » alias Michel Langevin, batteur historique et illustrateur des visuels du groupe, s’installe derrière ses fûts, qu’il ne quittera pas d’une baguette, et « Rocky » le bassiste affiche également un rictus positif qui donne le pitch d’un excellent moment imminent… et les trois compères attaquent le riff de « Experiment », titre tout droit sorti de leur album « Dimension Hatross », remontant à l’aube des années 90, le ton est donné, un métal à la fois agile et inquiétant, 100 %VOIVOD. Enfin le quatrième membre du groupe, le chanteur historique, Snake, alias Denis Bellanger investit à son tour la scène sous les acclamations, ça y est le show peut commencer ! La magie du groupe opère sous la forme d’un magnétisme à la fois rassurant et qui incorpore l’auditeur, l’enveloppant en une expérience collective positive, il n’y est rien de méchant chez ces gars-là, juste un rock énergique et savant, mais accessible, et une onde communicative qui donne envie de bouger et d’entendre la suite.

Voivod À peine le temps de souffler, et Voivod enchaine sur un autre titre d’antan, au nom énigmatique « The Unknown Knows », tout un programme, retour à l’opus « Nothing Face », qui amène rapidement le rythme « Voivod » un groove particulier, qui mêle guitare agile, basse vrombissante et un beat comme frénétique, qui parait emprunter plus au Krautrock qu’à une quelconque génération HellFest, cette alchimie qui est leur griffe, inclassable et pourtant si identifiable. Puis Snake prend la parole, dans son français québécois si doux à notre oreille, pour introduire deux extraits du dernier album « Synchro Anarchy », le premier, éponyme, attaque sur un riff saccadé et inattendu, comme annonciateur de l’arrivée de la section rythmique, qui vient donner un contrepoint solide et puissant… « Holographic Thinking » poursuit cette exploration, avec encore un riff dissonant et psychédélique, dans la plus pure tradition du son du groupe, « Chewie » prolongeant l’œuvre de Piggy, fidèle dans l’esprit originel du maître dont la direction musicale entreprise dans les années 80 et 90 perdure, plus que jamais. Avec « Chewie » Mongrain en profite quand même pour glisser quelques plans flirtant délicieusement avec les frontières du shred, prouvant sa musicalité de tous les instants et sa capacité à se fondre dans ce paysage tout en restant lui-même.

Voivod Le court set qui passe bien trop vite est l’occasion pour le groupe de se livrer à un panorama sur les grandes étapes de sa déjà longue carrière, et c’est là que surgit le titre issu du disque-culte « Angel Rat », « The Prow », avec son atmosphère plus contemplative, souvenir d’un songwriting plus « out of the border » tout en restant pop, qui dérouta les fans à l’époque et qui est désormais rangé parmi les classiques du groupe. L’écologie et le dernier album s’invitent à nouveau sur la scène avec un titre au texte interrogatif quant au saccage de la planète « Planet Eaters »… le groupe est plus progressif que jamais, enchaînant les rythmes et les riffs de façon méthodique et totalement musicale… Et, sans crier gare, mon titre préféré, le somptueux « Fix my heart », tiré de « The Outer Limits », trente ans déjà au compteur surgit, avec son riff démoniaque mâtiné d’entrelacs de pitch shifter et servi par une ode à la science-fiction, du pur Voivod. Un moment de grâce que j’ai dévoré, littéralement, ma madeleine à moi, en somme…  Et le temps file, inexorablement, le groupe le sait et convient d’un au-revoir au crépuscule, les lights inondant la scène d’une lueur violette qui annonce leur reprise du Pink Floyd des débuts, qu’ils jouent comme si c’était leur propre musique, tout droit sorti de l’album « The Piper Gates of Dawn », Snake faisant écho à Syd Barrett, en un « Astronomy Domine » d’anthologie…

20h15, les lumières se rallument hélas, inexorablement et Snake, Chewie, Away et Rocky prennent le temps de saluer longuement les spectateurs, qui les acclament et votre serviteur avec, un bien beau moment partagé, avec la promesse de revenir bientôt jouer en tête d’affiche et régaler son public de sa musique, ce n’est qu’un au revoir, on vous attend. Ce n’est pas un groupe que l’on a l’impression d’avoir vu, mais plutôt des amis, si loin, et pourtant si proches. Alors, amis de Voivod, sachez-le, la France vous aime, n’attendez pas 7 ans pour revenir nous voir, on vous espère et on y croit.

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