TRAGIQUE DISPARITION D’ISMAËL DES TOURE KUNDA

Touré Kunda by Jean Yves Legras

Touré Kunda by Jean Yves Legras

La triste news est apparue hier soir sur les réseaux sociaux, Ismaël Touré fondateur des fameux Touré Kunda avec son frère Sixu s’est éteint hier à Paris à seulement 73 ans des suites d’une longue maladie. Immense tristesse. En 1983 dans BEST j’étais particulièrement fier de leur consacrer un tout premier article dans la presse rock au sein de la légendaire rubrique « Le rock d’Ici » et de chroniquer leur fabuleux LP « Amadou Tilo » propulsé par l’irrésistible balade « Labrador ». En souvenir de ce pionnier de la sono mondiale, Gonzomusic est fier de lui rendre hommage en re-publiant ces articles. Adieu mon ami…

  

Touré KundaEn 2018 après bien des années, j’étais si heureux de retrouver mes deux frangins éléphants Ismaël et Sixu pour un nouvel album le chaleureux « Lambi Golo » ( Voir sur Gonzomusic TOURE KUNDA « Lambi Golo » ) et de leur consacrer un long entretien quelques mois plus tard ( Voir sur Gonzomusic LE RETOUR DU TAM TAM PLANÈTAIRE DE TOURÉ KUNDA ). Pourtant aujourd’hui en apprenant la disparition d’Ismaël, les larmes ont un gout amer. Au tournant des 80’s Toure Kunda, avant Youssou N’Dour, Xalam ou encore Salif Keita impose cette world music qui va bientôt faire danser toute la planète. Avril 1983, dans le numéro 177 de BEST, pour la toute première fois un groupe africain se taille la part du lion dans la rubrique « le rock d’Ici » chapeautée par Philippe Lacoche. 40 plus tard cette merveilleuse musique n’a rien perdu de son extraordinaire pouvoir visionnaire…

 

Publié dans le numéro 177 de BEST sous le titre :

 

TAMBOURS SACCADÉSTouré Kunda

 

Pulsions  africaines  sous  le  ciel  gris  de  Paris,  « Le Rock  d’Ici »  est  aussi  celui  de  là-bas.  Fela  l’avait prédit, le tournant des années 80 sera aussi celui de l’Afrique.  Togolais,  Ivoiriens,  Sénégalais,  Ghanéens, ils sont parmi nous et leurs rythmes investissent nos cités bétonnées. Fela Ransome Kuti va-t-il substituer  sa  grande  gueule  aux  posters  d’AC/DC dans les chambres de nos kids ? Pour en savoir un peu  plus,  je  suis  allé  fouiller  chez  nos  brothers hexagonaux  pour  découvrir  que  le  Diamba  Dong est  déjà  parmi  nous  grâce  à  Touré  Kunda  et  leurs percus qui trouent les murs. Ni  reggae,  ni  funky,  ni  disco,  ni  calypso,  ni  afro-rock ou  alors  tout  à  la  fois,  le  Diamba  Dong  —  la  danse des  feuilles  —  est  l’expression  des  frères  Touré Kunda. Une  rue  étroite  accrochée  à  la  colline  de Ménilmontant,  l’Afrique  est  à  deux-cents  mètres de  chez  moi,  dans  un  petit  immeuble  blanc  qui résonne  des  pulsations  du  Diamba  Dong,  Sixu  balance  ses dreadlocks  et  parle  doucement  tout  en  caressant les  cordes  de  sa  guitare  sèche,  tandis  qu’lsmaël deale  un  concert  au  téléphone.  Si  Amadou  était encore  là,  son  rire  emplirait  l’espace  de  la  pièce.  A la  Chapelle  des  Lombards,  le  frère  aîné  des  Touré Kunda  était  venu  pour  jouer,  un  arrêt  cardiaque  l’a terrassé:  Sixu  et  Ismaël  ont  sans  doute  perdu  le meilleur d’eux-mêmes.

«  Il se  levait  tous  les  matins  et  son  premier  geste était  d’accorder  sa  guitare  pour  jouer  »,  raconte Ismaël.  « Il nous disait toujours: « Si je meurs, je n’ai pas le temps de me reposer. ». Deux  semaines  se  sont  déjà  écoulées  depuis  qu’il repose  à  Ziguinchor,  en  Casamance.  Au  théâtre Sorano  de  Dakar,  14  groupes  ont  défilé  sur  scène l’espace d’un morceau en guise d’adieu. » Martyrs    »,    le    nouveau    simple,    est    aussi    dédié    au    frère disparu.Touré Kunda

«  On  est des nomades  »,  continue  Ismaël,  « on reste là  un  petit  instant  et  on  s’en  va  car  les  nomades  ne peuvent demeurer au même endroit. » Touré  Kunda  débarque  en  79  avec  sa  collection  de percussions.  À ce  jour,  le  groupe  a  déjà  produit deux  albums  et  une  série  de  gigs  qui  ont  enflammé l’Africa Fête et les sous-sols du Rex. «  Faut  faire  gaffe  à la  musique africaine, c’est  comme l’autoroute  :  une  fois  que  tu  rentres  dedans,  pas question  de  faire  marche  arrière.  Et  avec  l’énergie, pas  question  de  tomber  en  panne.  Tous  les  instrument.  ont  un  côté  magique,  on  le  vit  à  force  de jouer.  Pour  arriver  à  ce  moment-là,  il  faut  savoir dépasser  la  transe,  lorsque  tu  y  parviens,  c’est vraiment magique. »

Touré  Kunda  a  des  projets  variés,  un  nouvel  album et  peut-être  une  collaboration  avec  Lavilliers  qui rêve  de  tourner  et  d’enregistrer  avec  nos  frères sénégalais.

Trois mois plus tard et toujours dans BEST, je chroniquai le superbe LP « Amadou Tilo », le troisième 33 tours des Toure Kunda…

 

Publié dans le numéro 180 de BESTTouré Kunda

 

« Amadou Tilo » et j’entends danser les  feuilles  du  Djamba  Dong,  la musique  des  frères  Toure  Kunda. Dédié  a  Amadou  aujourd’hui  disparu.  «  Amadou  Tilo  »  (le  soleil  d’Amadou) est le plus somptueux mausaulée qu’on pouvait lui laisser. On y retrouve la chaleur, les pulsions de Toure  Kunda.  sans  une  trace  de tristesse.  D’ailleurs,  lorsqu’il  s’en est allé, n’avons-nous pas fait la fête avec  Xalam.  M’Bamina.  Manu  Dibango et tous les autres ? La musique est  communication,  une  fréquence dont  les  gammes  nous  parviennent pour nous brûler le cœur ou l’expédier  au  congélateur.  C’est  vrai,  ce Soleil  d’Amadou  brille  très  haut dans le ciel et ses rayons nous irradient  d’une  énergie  totalement  positive. Enregistré  au  Studio  du  Manoir,  cet album est le plus abouti qu’ait jamais signé  Tourè  Kunda.  Ecoutez  seulement « Salya » et vous saurez pourquoi  nous  avons  trouvé  notre  King Sunny  Adè hexagonal.  «  Toure  Kunda  bal  cantona » : Toure Kunda vous réchauffe le cœur, je peux en témoigner. S’il faut analyser, je dirais que les percus et la plainte du sax n’y sont pas étrangers, comme la voix des frérots Ismaël  et  Sixu.  Toure  Kunda  déclenche  une  forte  fièvre  tropicale dont les seuls antibiotiques existants sont l’action, le mouvement, le rythme… et tout simplement la danse.

 

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