THE PALE FOUNTAINS: Eloge de l’innocence
Voici quelques semaines je (re) publiais ma chronique du second LP des épatants Pale Fountains, voici l’interview qui accompagnait la publication du joyau pop « Across the Kitchen Table »…lequel trente ans plus tard affronte sans rougir la marque du temps. Nostalgie d’une époque où tout semblait décidément plus simple qu’aujourd’hui.
Publié dans BEST en Mai 1985
La cuisine des anges
L’aventure des Pale Fountains commence dans leur ville natale de Liverpool voilà quatre ans. Le chômage y rend les gens hargneux, et l’agressivité se noie dans les futs de bière pression. Michael Head et ses petits camarades se font un look à la Huckleberry Finn, ils s’évadent déjà dans des compositions simples comme un nuage rose. Ils ressemblent déjà à leurs héros. Ma première rencontre avec les Pale Fountains datait de leur tout premier maxi « Thank You ». Je les ai retrouvés à Paris deux LP plus tard pour constater que le rock n’a en rien entamé leurs idéaux d’ados évanescents. Leur dernière galette a été baptisée « Across The Kitchen Table» et leur vision du monde se situe toujours à hauteur de cette table de cuisine qui incarne la sécurité dont il est dépourvu. Just a bunch of kids : le plus âgé des Pale Fountains a tout juste vingt-deux ans. Comme ils vivent leur romance au quotidien, ils n’ ont aucun besoin de simuler comme la majorité des groupes qui visent ce même créneau en se contentant de régresser.
« Es-tu heureux? », j’interroge Michael Head et ses yeux bleus ne savent pas mentir.
« Je ne suis jamais malheureux », répond-il « c’est une question d’attitude. J’ai la musique et tout ce qui me passe par la tête en est imprégné. Le seul moyen de ne pas vivre la crise, c’est de fignoler, de s’attacher à ces milliers de détails simples qui constituent le puzzle du quotidien».
Michael aime le foot et la nouvelle vague du ciné des années 60. S’il craque tant sur Truffaut c’est par ressemblance avec Antoine Doinel. Il partage cette même insouciance, ce côté jeune chiot tout fou à côté de ses pompes. Pour comprendre ce qui fait courir Michael Head, il faut le voir sur les planches. A l’Eldorado, puis le lendemain sur la scène de la Cité à Rennes, j’ai eu la sensation de vivre un moment rare, un moment privilégié comme un des tout premiers gigs de David Jones ou d’Elvis Costello. Deux guitares – l’autre guitareux est le propre frère cadet de Michael – basse et batterie, les Pale Fountains vont à l’essentiel en préservant toute la dimension du rêve. Energies douces, les compositions des Pale Fountains coulent comme un torrent de montagne en lente fonte des neiges. Romantique mais pas candide, Michael vénère Maria Schneider pour son « Dernier Tango à Paris» et sa perverse scène du beurre. Michael. Head me rappelle Prince même s’il sonne plutôt comme les Byrds. Mais si l’un titille ses fantasmes, l’autre les vit comme un conte de fées. Adopter la philosophie des Pale Fountains c’est choisir le happy end complice. Michael Head va sans doute continuer à voler des confitures en nous traçant un avenir du rock aussi diaphane qu’oxygéné. Quel bel avenir! Il était une fois quatre petits gars de Liverpool: Mick, Chris, John et Jock…vous connaissez déjà la suite !
Publié dans le numéro 202 de BEST daté de Mai 1985