So long mister Soul Man !

Le chanteur de « Soul Man », Sam Moore, meurt à l’âge de 89 ans des suites de complications chirurgicales. Moore, la voix la plus aiguë du duo Sam & Dave a rejoint au ciel son frère d’armes, David Prater, décédé d’un accident de voiture en avril 1988, plus connu sous son sobriquet de Dave. Avec la disparition de Sam Moore, on peut dire aujourd’hui que la soul-music se retrouve à nouveau orpheline.

Selon le communicant Jeremy Westby, Sam Moore est décédé hier matin à Coral Gables, en Floride, à la suite de complications survenues alors qu’il se remettait d’une opération chirurgicale. De plus amples détails sur sa triste disparition seront sans doute disponibles dans les jours prochains. Sam Moore aura influencé de très nombreux artistes tels que Michael Jackson, Al Green et Bruce Springsteen, il a été intronisé au Rock and Roll Hall of Fame en 1992 avec Dave Prater. Dans leur label Stax Records, à Memphis (Tennessee), Moore et Prater étaient les second plus gros vendeurs après Otis Redding. Ensemble, ils ont transformé le « call and response » de la musique gospel en un spectacle de scène endiablé et ont enregistré certains des succès les plus durables de la soul, dont « You Don’t Know Like I Know », « When Something is Wrong With My Baby », « Hold On I’m Comin’ » et « I Thank You ». La plupart de leurs mega-hits ont été écrits et produits par l’équipe d’Isaac Hayes et David Porter, avec la participation du mythique « house band » de Stax, les mythiques Booker T & the MGs, dont le guitariste Steve Cropper a reçu l’un des hommages les plus fameux de l’histoire de la musique lorsque Sam & Dave ont vocalisé « Play it, Steve » au milieu du pont de leur « Soul Man ». Comme de nombreux groupes de soul de leur époque, le duo Sam & Dave a perdu son hégémonie dans les charts à la fin des années 1960. Cependant « Soul Man » a fait cet incroyable come-back sous les projecteurs à la fin des 70’s, lorsque les Blues Brothers, John Belushi ( Voir sur Gonzomusic  ) et Dan Aykroyd, l’ont à nouveau enregistré avec les musiciens d’origine. Pourtant, malgré l’afflux des royalties, on peut dire que Moore avait des sentiments mitigés à l’égard de cette association, sans doute blessé par le fait que la jeune génération croyait à tort que la chanson avait été créée par les Blues Brothers.

En 2008, le film « Soul Men » mettait en scène un couple de chanteurs vieillissants et séparés qui rappelaient Sam & Dave. Moore a perdu un procès en affirmant que la ressemblance était trop grande. Mais le pire était à venir lorsque les deux anciens complices ont commencé à s’invectiver de noms d’oiseaux avant de s’affronter dans les prétoires, après que Prater ait engagé un remplaçant et osé tourner sous le nom de New Sam & Dave. David Prater est mort en 1988 à l’âge de 50 ans dans un accident de voiture en Géorgie. Moore a également dû batailler contre l’industrie du disque qui l’avait dépouillé de ses droits à la retraite. Moore et d’autres artistes ont poursuivi plusieurs maisons de disques et la Fédération américaine des artistes de la télévision et de la radio en 1993. Moore a déclaré à l’Associated Press qu’il s’était joint à l’effort juridique après avoir appris qu’il ne pouvait toucher qu’une pension de 2 285 dollars, malgré ses millions d’albums vendus, et que celle-ci était versée en une seule fois ou en plusieurs mensualités de 73 dollars. « Deux mille dollars pour toute ma vie ?  Si vous réalisez des bénéfices sur mon dos, donnez-m’en aussi. Ne me donnez pas du pain de maïs en prétendant que ce sont des biscuits. » fulminait alors l’icône soul.

Né le 12 octobre 1935 à Miami, Moore a commencé à chanter à l’église. Prater et Moore se sont produits dans des clubs de soul et de R&B dans les années 1950, mais ne se sont rencontrés qu’en 1961 à Miami. Moore aide alors Prater à apprendre les paroles d’une chanson et ils deviennent rapidement un duo local populaire. En 1965, après avoir signé avec Atlantic Records, le producteur Jerry Wexler les envoie à Memphis, dans la filiale Stax du label. Il est de notoriété publique que Sam et Dave se frittaient souvent et Moore a cependant avoué à l’Associated Press en 2006 qu’une dépendance à la drogue, qu’il était enfin parvenu à surmonter en 1981, avait  gravement nui à la carrière du groupe et incité les dirigeants du secteur de l’entertainment à lui refuser une seconde chance. Lorsque le duo se sépare en 1970, aucun des deux n’aura connu d’autre grand succès. Il a épousé sa femme, Joyce, en 1982, et elle l’a aidé à suivre un traitement pour sa dépendance qui, selon lui, lui a sauvé la vie.

« J’ai fait beaucoup de croisières, j’ai fait beaucoup de spectacles de « oldies but goldies » pendant ces années de combat, a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait même un jour fait la première partie d’un groupe d’imitateurs d’Elvis. C’est amusant d’y repenser aujourd’hui. Mais vous savez quoi ? Vous vous taisez, vous montez sur scène, vous chantez aussi fort que vous le pouvez, vous recevez un peu d’argent et vous continuez à vaquer à vos occupations pour payer vos factures. J’en ris aujourd’hui, mais à l’époque, c’était vraiment sérieux. » Sam Moore aura continué à enregistrer et à chanter jusqu’à la fin de sa vie. Il laisse dans le deuil son épouse Joyce, sa fille Michelle et ses deux petits-enfants. RIP mister soul man !