RIHANNA : « ANTI »
Pour son 8éme album-studio Rihanna a choisi de prendre tous les risques. Et à ce titre « ANTI » porte donc admirablement son patronyme revendicatif pour ce qui constitue sans doute l’album de la maturité pour la craquante chanteuse de la Barbade.
ANTIconstitutionnelle, Riri, car c’est le mot le plus long de la langue Française ? ANTInomique car elle ne reconnaît plus personne en Harley Davidson ? ANTIpasti car il offre sa variété ? ANTI cons surtout ! Bref, « ANTI » tout court, car, sans doute pour la première fois de sa carrière, la belle Barbadienne se fiche pas mal du poids des charts et du choc des hits. N’a-t-elle pas volontairement laissé sur le bord de la route du succès tous ses derniers hits « FourFiveSeconds » avec Kanye et Macca, « American Oxygen » et « Bitch Better Have My Money » volontairement écartés du track-listing ? Un disque aussi surprenant mérite donc qu’on s’y attarde. Titre par titre, voici par conséquent mon « autopsie » de cet « ANTI »
Riri badgrl
L’album s’ouvre sur « Consideration », une compo neo-krypto-reggae–jungle en slow motion et aux sons saturés, aussi punchée que sexy pour un effet quasi hypnotique ! « James Joint » qui suit est un slow aérien sur un clavier rétro-70’s à la Syreeta Wright…soul classic pour un dialogue voix piano électrique dans une ambiance voyage au bout de la nuit volontairement expérimentale. Mais Rihanna ne serait pas Rihanna sans cette sensualité débridée qui lui colle à la peau, voilà pourquoi on succombe à « Kiss It Better » avec ses guitares déchirées à la Prince, sexy chaloupée au ralenti. Riri fait preuve de sa sensualité animale. « Do what you’re gonna do ( fais ce que tu as à faire) » sussure-t-elle, avant d’ajouter « Give me up your love (Donne moi tout ton amour) » : une offre on ne peut plus explicite. Bref…Selena Gomez, Ariana Grande et les autres expertes en genre lancinant n’ont qu’à bien se tenir, Riri badgrl, comme elle se qualifie elle même, est de retour en ville ! Premier single officiel de l’album, voici la torride « Work » boostée par son featuring de Drake. Assez expérimentale, electro funkée délicatement débridée, mais que ne donnerait on pas pour bosser aux cotés de Riri toute la sainte journée…enfer ou paradis ? Pas certain de pouvoir trancher. A 2’15’’ Drake débarque et met son cool bazar, mais son style séducteur débonnaire fonctionne à tous les coups « we just need a face to face /you could pick the time and the place/ and we’ll spend sometime away (On a juste besoin d’un face à face/ Tu peux choisir le moment et le lieu/ Et on ne fera que passer un peu de temps)… (…) On retrouve un peu l’esprit salace de son fameux « Hotline Bling ». Le titre est également un hommage aux racines caribéennes de la Belle. « Work » reprend d’ailleurs des éléments de « Sail Away » du Jamaicain Richie Stevens.
Barbarella des temps modernes
Changement de lieu et de climat avec «Desperado » et son country beat tropical comme un écho éxotico cool d’un western de Tarantino aux détails volontairement grossis pour reprendre à son compte la thématique classique des couples de bandits si bien popularisés par notre culture populaire depuis Bonnie & Clyde ». Avec « Woo », chanson zarbe aux effets vocoderisés comme la voix du Phantom of the Paradise de De Palma, la chanteuse joue la carte résolument arty et expérimentale, au point que l’on se croirait téléporté sur une B side de Nina Hagen voire de Björk. Pure science- fiction, « Needed Me » se noie dans des effets spatiaux comme une love-song pour un film imaginaire, sorte de Barbarella des temps modernes. Rihanna a la voix quasi a capella posée sur une drum machine. Riri dépouillée cela signifie forcément nue… ce qui ne surprendra personne la concernant. Suit « Yeah I Said It », qui utilise le même procédé très électronique pour un texte simple, scandé comme dans l’espace en apesanteur. Riri plane et nous avec. Sans doute l’une des chansons les plus intéressantes de l’album, « Same Ol’ Mistakes » est aussi sensuelle que chaloupée. Entêtante et scandée, entre beat et sensualité en équilibre si fragile. A 3’ 19’’une voix s’élève alors au-dessus de la mêlée synthétique et c’est magique. Étrangement, cette chanson est également la plus longue de l’album. Après un pont instrumental synthétique qui nous ramène jusqu’aux 70’s de Rick Wakeman et la voici déjà de retour pour l’apothéose…forcément… En tout cas, « Same Ol’ Mistakes » est un super morceau furieusement original. Avec l’acoustique « Never Ending » on s’engage sur des horizons différents. Titre clean et clair comme un source. Voici enfin Riri dépouillée de son armure électro de princesse galactique … là elle redevient ici tout simplement humaine, pour cette union guitare et voix. Un rien hippie, il ne lui manque que les fleurs dans les cheveux.
Comme une promesse d’un jour neuf
Véritable machine à remonter le temps « Love on the Brain » verse dans le total retro 50’s néo-classique…à la Sam and Dave ou Percy Sledge. Avec tout ce qu‘il faut de doo wap et de clinquant, brillant comme les chromes d’une Cadillac rose. Parfaite contrefaçon anachronique. Avec « Higher », jolie et puissante, simple et émotionnelle, on découvre une des perles incontestables de cet « ANTI », qui porte décidément bien son nom, pour nous transporter si loin dans le ciel. Car ici la voix de Riri monte aussi haut qu’elle le souhaite pour nous téléporter dans un moment de bravoure de seulement 2 minutes et quelques. Enfin, voici « Close To You » qui clôt cet album si désarçonnant. Et ce n’est ni celui de Cure ni même celui des Carpenters, mais bien celui d’une certaine princesse Riri de la Barbade et qui ne saura jamais être pour autant barbante. Voix piano pour une chanson simple et aussi fortement mélodique, cela sonne un peu à la Alicia Keys. Ou comme un Elton au féminin. Carrément. Superbe conclusion comme un petit matin qui s’éveille après une nuit un peu arrosée… « ANTI » s’achève et c’est la lueur de l’aube qui paraît, comme une promesse d’un jour neuf, et donc forcément optimiste en compagnie de Rihanna.