RAE SREMMURD OU LE POUVOIR DES BEATLES NOIRS
Ils ont respectivement 22 et 24 ans, ce sont deux incroyables frangins, dont le hip hop hit imparable intitulé « Black Beatles » a su balayer cet hiver 2016-2017 de son cool groove ensoleillé originaire d’Atlanta. Avec son nom quasi imprononçable, et son style electro choqué, aussi original qu’une version modern style des Bones, Thugs N’ Harmony, Rae Sremmund, au nom comme un héros norvégien, est sans doute la meilleure surprise au rayon blackitude agitée, section teen-ager, du moment. Dig it !
« Black Beatles in the city, be back immediately to confiscate the moneys (…) I’m a fucking black Beatle, cream seats in the regal/Rocking John Lennon lenses like see’em spread eagle (…) Black Beatles bitch, me and Paul McCartney related… » « Black Beatles » featuring Gucci Mane
Il parait que Paul McCartney en est fou. On le comprend, nous aussi. Ce « Black Beatles » des Rae Sremmund est tout simplement viral. Carrément devenu mainstream depuis sa sortie fin septembre 2016, au point que le trublion Yann Barthès les a même carrément programmés dans son « Quotidien ». Dingue, je vous dis ! Leur second album « SremmLife2 », joyeux successeur de leur « SremmLife » inaugural paru l’an passé, est une jolie petite bombe rapologique, digne d’un phénomène tel que Kendrick Lamar ou mon « protégé » Anderson. Paak. Mais en version teen-ager attardé. Et ce qui le propulse en avant, c’est ce phrasé nonchalant du sud des USA, une coolitute chantée-parlée, délicatement électro-choquée, proche du staccato de Bones, Thugs N’ Harmony de Cleveland. Si les deux frangins Kalif « Swae Lee » Brown, 22 ans seulement et Aaquil « Slim Jxmmi » Brown 24 ans, sont nés à Tupelo dans l’État du Mississippi- là où justement Elvis Presley a poussé ses premiers cris….serait-ce un signe ?-, il sont désormais basés à Atlanta, la ville qui a généré les sémillants Outkast, mais aussi les pionniers Arrested Development, Ludacris, le prometteur Young Thug ou encore T.I.. Élevés par leur mère engagée dans l’armée US, sans un père qu’ils n’ont jamais connu, Kalf et Aaquil n’ont pas eu une enfance facile. Mais bien souvent, ces fêlures se révèlent un puissant levier artistique. La preuve, depuis 2013, nos frangins rappent dans la cave de leur maman, comme les rockers jadis partaient jadis conquérir le monde de leurs basement tapes. D’abord un trio, sous le pseudo improbable de « Dem Outta St8 Boyz » (Ces mecs sortis de la 8éme rue), les frères parviennent enfin à signer en tant que duo en 2014 sur le label EarDrummers Entertainment. Joyeusement déjantés, nos boys from Tupelo vont alors revendiquer leur nouveau patronyme de scène en prononçant tout simplement en « verlan » le nom de leur label indépendant… ce qui donne Rae Sremmund. CQFD ! Dès leur premier CD, Ninki Minaj et leur voisin de palier Young Thug sont de la partie. Certes on songe à leurs lointains ancêtres Kris Kross. Les mauvaises langues les comparent même aux Ying Yang Twins ou carrément à LMFAO. Mais sous la houlette du producteur- au nom predestiné- Mike WILL Made-It, les petits Rae Sremmund se métamorphosent en mini Young Thug en puissance et le prouvent avec les 14 titres solides de leur deuxième CD « SremmLife2 ».
SremmLife c’est tout simplement être toi-même
Certes, du côté des thèmes de leurs chansons Swae Lee et Slim Jxmmi nous la jouent plutôt girls, money and cars que théorie de la relativité d’Einstein, mais qui saurait le leur reprocher. Il suffit d’écouter « Start A Party » pour se laisser porter par l’énergie et l’humour potache de ce titre secoué comme devrait l’être une bouteille d’Orangina. We live in a material world. Et ce n’est pas l’intronisation proche du Donald qui risque d’arranger les choses, damned ! Visionnaires nos Rae Sremmund avaient publié, dès 2015, un titre baptisé « Up Like Donald Trump » sur leur tout premier album. Masque de Trump et petites pépés, si proches de la réalité. Pour revenir au rap, résolument sudiste de Rae Sremmund, on y retrouve dans leur flow déjanté toute la nonchalance, la chaleur humide de ces anciens États confédérés des USA. Et aussi la fierté d’être black dans un univers essentiellement blanc. Rae Sremmund donne également dans le rap halluciné sous valium, à ce titre leur imaparable composition « Look Alike » oscille carrément entre PNL et Radiohead. Plus mature, plus Kanye Westien « Came A Long Way » pulse sa nostalgie urbaine. Tout comme la spatiale « Now That I Know ». Mais avec Rae Sremmund la fête ne s’arrête vraiment jamais. Si l’on pouvait en douter, l’électro « 662 (Featuring Impxtc &Riff 3x) est là pour nous le prouver. Et comme avec Rae Sremmund tout est question de codes, la signification du titre SremmLife de leurs deux albums nous est révélée par Jxmmi : «SremmLife c’est faire ce que tu veux de ta vie. Si tu aimes lire des bouquins c’est ta SremmLife à toi. Si tu aimes balancer des verres contre un mur et que cela t’éclate parce que cela te donne de l’énergie, alors c’est ta SremmLife. » Et Swae Lee de renchérir : « SremmLife c’est tout simplement être toi-même. Tu ne te compares à personne. Tu es toi-même et unique. ». C’est toute la leçon de Rae Sremmund !