PELLÉAS ET MELISANDE À LA BASTILLE

Pelléas et Melisande

Pelléas et Melisande

Le chef d’œuvre de Claude Debussy est à nouveau à l’affiche de l’Opéra Bastille. Créé en 1902 à l’Opéra Comique, puis mis en scène par Bob Wilson à l’Opéra National de Paris en 1997, cette œuvre fascinante vient d’être entièrement relookée et rafraîchie par le metteur en scène Wajdi Mouawad qui signe sa deuxième mise en scène pour l’Opéra National de Paris. Dans le rôle-titre, la soprano Sabine Devieilhe incarne à la perfection une Mélisande aussi céleste que complexe. Et il faut avouer que notre JCM est loin d’être allé pêcher sa Méleisande dans la Meuse …

Pelléas et MelisandePar Jean-Christophe MARY

 

D’où vient Mélisande, qu’a-t-elle subi avant de se perdre dans la forêt d’Allemonde où la découvre Golaud, le petit-fils du roi Arkel ? Dans un univers mystérieux de grottes obscures et d’eaux dormantes, le drame se noue : Pelléas, le demi-frère de Golaud, et Mélisande tombent amoureux, suscitant la jalousie de Golaud qui a épousé la jeune fille. L’intrigue se déroule au Royaume imaginaire d’Allemonde, gouverné par le vieux roi Arkel. Après avoir rencontré Mélisande, créature fragile et énigmatique, au cours d’une chasse en forêt, le Prince Golaud l’épouse sans rien ne savoir d’elle. Jusqu’au jour où il la présente à son demi-frère Pelléas…. Dans ce triptyque amoureux sur fond de rivalité et de jalousie maladive, comme le dit Wajdi Mouawad Pelléas et Mélisande est la « déchéance d’un conte de fées. Déchéance d’un enchantement ou château, princesse et prince sont ensevelis sous le cambouis de l’esprit. Déchéance silencieuse comme l’effondrement d’une étoile. C’est un monde de vision trouble, une myopie s’est abattue sur l’amour. Mélisande croise le regard de Pelléas et se reconnaissant l’un l’autre dans la part commune d’un invisible qu’ils ont en partage, ils se condamnent aussitôt à la mort ». Pelléas et Mélisande, c’est l’histoire d’un amour interdit, un destin tragique, un mystère envoûtant, le tout porté par une musique poétique et sensible. De cette encontre énigmatique entre Mélisande et Golaud naitra une passion interdite avec Pelléas. Comme dans les fables antiques, ce trio amoureux met en relief des symboles purs : la forêt où se rencontrent Golaud et Mélisande évoque le chaos, la perte de repères avec ces animaux qui se dévorent entre eux. Le château représente le pouvoir mais aussi le doute avec ses innombrables pièces vides, la fontaine devant laquelle s’embrassent Pelléas et Mélisande est elle source de vie pour leur amour interdit quand la chambre de Golaud et Mélisande sera le sanctuaire de leur intimité amoureuse, profané par Pelléas. Dans cet opéra, les actions sont tout aussi chargées de symboles.

Pelléas et MelisandeLorsque Mélisande perd son anneau dans la rivière à l’endroit même où elle avait perdu sa couronne, c’est le signe de la disparition de son amour pour Golaud. Tout comme ces viscères rougeoyants déversés sur le plateau, symbole de l’amour mis à nu et l’annonce de la mort qui approche. Ce mercredi 12 mars, l’imposant décor d’Emmanuel Clolus et les somptueux costumes signés Emmanuelle Thomas sont sublimés par les lumières sombres et ténébreuses d’Eric Champoux. Sur le plateau, un tableau funeste et macabre prend forme au fil des scènes où viscères et cadavres d’animaux éventrés viennent s’empiler les uns sur les autres. Sur l’écran géant tissé de fils d’où entrent et sortent les solistes, des vidéos aquatiques de mer, ruisseaux, cascades et étangs en plan fixe alternent avec des paysages verdoyants. Dans cette nouvelle distribution, la soprano Sabine Devieilhe présente sur la scène de l’Opéra National de Paris depuis 2024, excelle dans le rôle-titre, portée par sa voix haute et claire et son jeu remarquable. Son phrasé, sa façon de détacher les notes en font une Mélisande lumineuse. Dans le rôle de Pelléas, Huw Montague Rendall, fils des chanteurs d’opéra Diane Montague et David Rendall. La voix baryton rayonne avec ces notes timbrées à travers une belle présence scénique. Dans le rôle de Golaud, le baryton basse Gordon Bintner possède une stature et une voix imposante tout en contraste. Il fait ressortir toute la violence du personnage qui cache une profonde souffrance alimentée par une jalousie dévorante. Graves abyssaux, timbre cuivré et présence théâtrale forte, Jean Teitgen campe lui un Arkel bienveillant, aussi touchant que complexe. Dans cette distribution en grande partie francophone de belle tenue, on salue également la prestation de la mezzo-soprano Sophie Koch dans le rôle de Geneviève. Mention spéciale pour le basse Amin Ahangaran qui excelle dans le rôle du médecin grâce à une voix pleine de gravité, magnifiquement projetée. Cette création est aussi un triomphe annoncé pour la direction d’orchestre confiée à Antonello Manacorda dont le travail sur la différenciation des climats et le développement dramatique de l’œuvre accompagne rembarquement l’action des personnages.nPensez vite à réserver !

Opéra Bastille.

Place de la Bastille, 12e.  Tél. 0892 89 90 90. À 19 h 30.  Jusqu’au 27 mars 2025

 

 

 

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