MANFRED MANN L’AUTRE ZOULOU BLANC

Manfred MannVoici 42 ans dans BEST GBD s’émerveillait de rencontrer un des héros des pop hits de ses premières boums des 70’s, tels que « Ha Ha Said the Clown », « Quinn the Eskimo » ou encore « Do Wah Diddy ». Et tant pis si le claviers Manfred Mann était bien plus réputé pour ses covers inspirés que par ses propres compositions, cette fois avec le visionnaire « Somewhere In Afrika », le natif de Johannesburg devançait d’un peu plus de trois ans Paul Simon et son « Graceland », dénonçant ouvertement l’apartheid en métissant très habilement les rythmes zoulous du mbaqanga à son rock des 80’s aux synthès massivement dans la place.

Manfred MannBien sûr, tout le monde se souvient du regretté Johnny Clegg ( Voir sur Gonzomusic  https://gonzomusic.fr/?s=Johnny+Clegg )  et de l’ « Asimbonanga » de son groupe Savuka qui incarnait avec tant de force le combat contre l’apartheid et la libération de Nelson Mandela, le plus ancien prisonnier politique de l’époque avec près de trois décennies en captivité. Mêlant rock et rythmes du mbaqanga sud-africain, l’alchimie sur scène de Johnny et du danseur percussionniste Dudu Zulu incarnait si bien en noir et blanc, dans leurs danses extraordinaires, ce futur de liberté dont nous rêvions pour l’Afrique du Sud. C’est ainsi que Johnny Clegg est devenu pour tous le « zoulou blanc », Mais cinq ans avant lui, un autre « zoulou blanc » s’était élevé contre la dictature raciste du régime de Pretoria où les noirs étaient traités comme des parias dans leur propre pays, une situation que Manfred Mann avait bien connue. En effet, né à Johannesbourg, de son vrai nom Manfred Lubowitz, à l’instar de Clegg lui aussi né feuj et lui aussi diplômé de la fameuse Université Witwatersrand de Joburg, Manfred Mann s’insurge très vite contre le racisme institutionnel qui régissait alors  son pays où 10% de blancs possédaient 85% des richesses. Plus d’un an avant l’arrestation de Nelson Mandela, localisé par la CIA et vendu à l’infâmante State Security Agency, Manfred Mann s’exile en Angleterre et entame sa carrière de musicien. Trois ans plus tard, il est au sommet des charts British avec son « Quinn the Eskimo ( The Mighty Quinn) », une chanson de Dylan sur « The Basement Tapes » métamorphosée, au fil des ans Mann enfile les tubes comme un collier de perle comme « My Name Is Jack » en 70 ou la lumineuse reprise de Springsteen «  Blinded By the Light » en 76. Mais en 1983, il se souvient de son pays de naissance et publie ce « Somewhere In Afrika », un album engagé au mélange visionnaire porté par entre autres une reprise du « Redemption Song » de Marley ainsi que du « Demolition Man » de Sting popularisé par Grace Jones et un medley qui déborde de chœurs zoulous intitulé « Africa Suite ». Dans son interview le musicien soulignait  toute « L’éloquence du désespoir » pour qualifier sa dernière œuvre. Hélas, si désormais l’apartheid a bien été abrogée, le clientélisme et la corruption  se sont engouffrés dans la brèche, faisant de l’Afrique du Sud un pays africain comme les autres… hélas… Flashback !

 

Publié dans le numéro 176 de BEST sous le titre :

 

 SOUTHERN MANNManfred Mann

 

« Ha ha said the clown as the king Iost his crown… » Le diablotin sautillait dans sa boîte. Sur sa carte de visite, on pouvait lire covers en tout genre. Springs-teen, Nillson, Newman. Dylan sont passés dans son incroyable machine à « repriser » les hits. 1964-1983… deux décennies pendant lesquelles Manfred Mann s’est imposé comme le pack Mann. Lorsqu’en 71 se forme l’Earth Band, les racines africaines de Manfred sont si bien enfouies que seule une poignée d’érudits rock se souvient encore de son enfance/adolescence dans les rues de Johannesburg. Et aujourd’hui, blam « Somewhere in Afrika », le vingt-troisième LP de Manfred Mann plante son décor en Afrique du Sud et les tribus zoulous rallument la guerre des savanes entre les deux canaux de la stéréo. De passage à Paris, Manfred se défend d’avoir pondu un manifeste vinylo-politique et pourtant… « Matt Irving, le bassiste/guitariste de l’Earth Band est parti en Afrique du Sud avec un mobile unit 8 pistes pour glaner du son dans les Bantoustans, ces pseudos provinces indépendantes mises en place par le régime de Pretoria. Cette « indépendance » est un leurre ; ces provinces ne sont que des confetti sans valeur. Les noirs sont obligés d’aller bosser en Afrique du Sud pour survivre, les Bantoustans ne sont que des territoires-dortoirs. « Somewhere in Afrika » aurait pu s’intituler « Earth Band Versus Apartheid » en zoulou, « Amandla Awethu », c’est « la force est avec nous », le slogan favori de l’opposition, le cri de ralliement des tribus Swazi, Sotho ou Venda. Un jour viendra où le feu de la révolte sera si brûlant, qu’il engloutira la civilisation imposée par la bourgeoisie blanche. Je ne suis pas un propagandiste, mais la situation en Afrique du Sud a l’éloquence du désespoir Conserver le silence, c’est adhérer à l’Apartheid ».

Manfred MannTout au long de l’album, les chœurs africains lancent leurs slogans de liberté : « Combien de temps devrons nous attendre ? Combien de temps vont-ils continuer de massacrer nos leaders ? Combien de temps allons-nous souffrir ? » Mann joint le cri de ses synthés à la révolte qui gronde. Même ses reprises sentent la poudre à canon : « Redemption Song » de Marley. « Nostradamus » d’Al Stewart ou le « Demolition Man » de Sting. Le cover-Mann est en route, son spectacle passe par dix dates françaises et un tour d’Europe qui inclut la Yougoslavie et la Hongrie, si les tueurs de Pretoria ne l’ont pas dégommé d’ici là. « AMANDLA AWETHU » brothers and sisters !

 

Publié dans le numéro 176 de BEST daté de mars 1983BEST 176

 

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