LEONARD COHEN : Le retour du prophète
24 mois à peine se sont écoulés depuis l’émotionnel « Old Ideas », pour célébrer ses 80 printemps- et notre Automne- Léonard Cohen, le légendaire prophète feuj, nous offre « Popular Problems », son éblouissant 13éme album.
Quarante sept années d’un exercice impeccable de la plus pure poésie rock, qui pourrait encore douter du génie de l’inclassable chanteur canadien ? Seul Dylan, peut être, peut encore soutenir la comparaison : Leonard Cohen plus qu’un monument vivant reste avant tout un extraordinaire passeur de sentiments, de ce judaïsme à fleur de peau à décrypter entre les lignes de ses poèmes. Prenez ce premier single « Almost Like The Blues » : « I let my heart get frozen/To keep away the rot/My father said I’m chosen/My mother said I’m not/I listened to their story/Of the Gypsies and the Jews/It was good, it wasn’t boring/It was almost like the blues (J’ai laissé geler mon cœur/ Pour éloigner la pourriture/Ma mère me disait que je n’/Ecoutais pas son histoire/ Sur les Gitans et les Juifs/ C’était bon, ce n’était pas ennuyeux/ C’était presque comme le blues.) Comment ne pas songer à cet ultime lieu funeste où juifs et gitans se retrouvèrent derrière l’horreur des barbelés des camps de la mort ?
Hallelujah
De même, dans la dernière chanson de l’album « You Got Me Singing », dédiée à ses aficionados qui « l’ont poussé à chanter », Cohen cite son propre hit… « Hallelujah ». La joie indicible et le spleen ultime, l’espoir et l’abattement, l’allégresse et la tristesse cohabitent dans ces neufs titres émotionnels dédiés à son Maitre zen Kyozan Joshu Sasaki emporté en juillet dernier à l’âge vénérable de 107 ans. Prendre son temps, prendre tout le recul nécessaire, l’enseignement a porté ses fruits : Leonard prône son amour de la lenteur (« Slow ») ou projette Samson le héros Biblique dans les rues de la Nouvelle Orléans, il se raconte né enchainé mais libéré d’Egypte (« Born In Chains »). Mais lorsqu’il chante « Nevermind » une voix féminine lui répond en écho : « salaam » (paix). Chez Cohen, l’amour est toujours au rendez vous, en moteur de son âme. Et les chœurs féminins épaulent cette voix grave si touchante, si attachante, comme une prière profane scandée du plus profond. La main gauche dans la poche, la droite appuyée sur une canne, avec tous les joyaux « chantés-parlés » de son « Popular Problems » Leonard Cohen solide comme le roc peut continuer à défier le temps.
« Popular Problems » Sony Music
(publié sur le site du magazine l’Arche http://larchemag.fr/2014/09/23/1238/le-retour-du-prophete/)