LANA DEL REY “Norman Fucking Rockwell”
Comme le bain moussant Obao de notre enfance qui transformait nos baignoires en exotiques et cools lagons bleus, “Norman Fucking Rockwell”, le sixième album studio de Lana Del Rey est, semble-t-il, un pari gagné sur l’émotion et la volupté… même si les fans des Ramones et de Metallica n’y trouveront certainement pas leur compte, c’est sans doute le meilleur album de Lana à ce jour.
Vous aimez le piano ? Cela tombe bien, Lana aussi et elle l’assume. Pleinement. Omniprésent d’un bout à l’autre de ces 14 nouvelles compositions, le piano résonne comme un inlassable duo entre la voix acidulée de notre poupée Barbie favorite et son instrument de prédilection. Huit ans après son entêtant « Video Games », Elizabeth Woolridge Grant, sept années après son fulgurant premier CD « Born To Die », avec son titre provoc – aux USA dans les médias on ne dit et l’on n’écrit jamais le mot « fucking » – signe à 34 ans ce qui ressemble fort à l’album de la maturité. Au-delà de ses lèvres si sensuellement siliconées de baby doll, elle prouve qu’elle peut être aussi une grande auteure-compositrice, même si j’avoue que le style éthéré de ses compositions puisse énerver certaines oreilles fanatiques d’un binaire aussi primaire qu’intégral. Dés la chanson-titre, Lana fait vibrer les violons et laisse couler sa voix sur les touches du piano, comme une jeune Karen Carpenter. Piano toujours avec le premier single, le mélancolique et émotionnel « Mariners Apartment Complex » qu’on imagine quelque part entre Malibu et Venice Beach- Marina Del Rey est juste à côté -. D’ailleurs, preuve que la Belle a de la suite dans ses idées, la suivant est intitulée « Venice Bitch » et, au-delà du jeu de mots beach/bitch , Lana se fait néo-hippie entre Melanie et Joni Mitchell, une posture qui semble être le fil conducteur de ce projet mené de bout à bout en étroite collaboration avec Jack Antonoff (Lorde, Taylor Swift). Toujours dans la provoc ( la 3éme fois en trois titres) voici « Fuck It I Love You », susurré en douce balade acoustique et toujours aussi cool.
« Doin’ Time » est sans doute la plus hétéroclite entre réinterprétation du « Summertime » de Gershwin et un sample du « Slow and Low » des Beastie Boys, sur leur mythique « Licence To Ill »… et une reprise de Sublime, le tout en version reggae- Valium, pour un des titres les plus accrocheurs de ce “Norman Fucking Rockwell. Scène d’amour torride sur le siège arrière d’une automobile, avec « Love Song » Lana s’abandonne langoureusement en parlé/chanté, nous faisant largement partager toute la jouissance de sa romance. Toujours sur le même registre, cette fois Lana emprunte son titre de « Cinamon Girl » à Neil Young…sans pour autant reprendre sa chanson. Hommage ou taxage…that’s the question, même si les deux mélodies n’ont absolument rien de commun. Country gypsy avec « How To Disappear », toujours plus Joni Mitchell et Carole King, qui ont d’ailleurs chacune une chanson avec ce titre, « California » ne renie pas ses références aux golden 70’s. Encore plus lente et dépouillée, « The Next Best American Record » évoque inexorablement son « Born To Die » de 2012 tandis que la sucrée « The Greatest » se rêve en « Desperado » des Eagles…Califonien un jour…Californien toujours… Ode à son barman dans « Bartender » où jamais le mot Bacardi n’aura semblé aussi sensuel. Delicate « Happiness Is a Butterfly », nonchalante « Hope Is a Dangerous Thing…” qui clôt l’album, et l’on se dit que sur l’autoroute sonique notre Lana ne risque décidément pas l’excès de vitesse en BPM car pas une seule chanson ne s’approche de près ou de loin à ce qui pourrait ressembler à du speed. Elle est comme ça, Lana, elle n’aime pas se presser et elle le prouve à nouveau avec son “Norman Fucking Rockwell” où l’on se dit, en conclusion, qu’elle est quand même vachement bien sa chanson…même si c’est toujours un peu la même d’un bout à l’autre de ce CD si California cool, comme un crépuscule de « Burning Man » 😉