LA FEMME « Paradigmes »
J’avoue être passé à côté des deux premiers albums de La Femme. Trop cool, trop allumé, sans doute un peu trop branché aussi. Cependant, selon le fameux précepte : seuls les imbéciles ne changent pas d’avis, j’ai enfin succombé. Car il faut bien reconnaitre que ce « Paradigmes » ne manque pas d’atouts. Allumé psyché pop rétro cool, comme un retour vers le futur de la New Wave, ce nouvel album se révèle juste irrésistible et impose La Femme comme les seuls descendants légitimes à succès de Taxi Girl.
Je ne connaissais pas Hervé, mais je l’ai découvert avec la pub pour le café Carte Noir. Depuis le début, je me disais : mais qui ose violer ainsi la sépulture de Daniel Darc ? Une Victoire (Défaite ?) de la Musique plus tard, je connais au moins le nom de ce vil usurpateur. Mais quelle honte ! Heureusement, il y a La Femme. Et la Femme n’a pas la flemme ! Car même si les influences Young Marble Giants, OMD, Blancmange, Cure, Velvet, Gainsbourg, BB et bien entendu Taxi Girl sont omniprésentes tout au long des quinze plages de ce nouvel album, ce « Paradigmes » reste… digne, suggérant de manière élégante sans jamais se contenter de vulgairement pomper. Les deux têtes pensantes Sacha Got et Marlon Magnée ont une incontestable culture musicale qui leur permet de jouer toute la subtilité de leurs « citations » musicales hétéroclites, doublées d’un sacré réseau de copines chanteuses qui viennent les épauler dans ce joli projet… telles Alma Jodorowsky, Ariane Gaudeaux ou encore Clara Luciani.
Ainsi « Tu t’en lasses » climatique et éthérée s’abreuve très largement aux sources du Velvet Underground, tandis que l’insouciant « Va », porté par ses chœurs féminins me rappelle le « Lunatic Has Taking Over the Asylum » des Fun Boys Three. « Le jardin » est irrésistiblement rétro, si riche en sucre d’orge, comme un slow-braguette hit italien des 70’s. Étrange et exotique, « Mon ami » consacre la belle mais improbable rencontre entre le beat du mbaqanga sud-africain de « Diamonds At the Sole of Her Shoes » de Paul Simon et la voix du chanteur percutant le Wall of Sound de Phil Spector. Séquences électro son Karftwerkien pour le talk-over gainsbourgien de « Divine créature » aux accents de Soft Cell. « Force respect » nous propose un trip électro choqué bien givré entre le « Buffago Gals » de McLaren et un théme d’Ennio Morricone… bien fun. « Foreigner » en anglais dans le texte with the french touché accent me rappelle furieusement les Silicon Teens pour un des titres les plus fun du projet. De même, « Disconnexion » se la joue musicalement rétro 60’s sur son délirant monologue philosophique, avec un petit switch banjo façon « Delivrance » percutant le thème du premier STARTREK. Le bien nommé et instrumental « Lâcher de chevaux » est aussi un retour futuriste par la case Morricone façon « Il était une fois dans l’ouest ». « Pasadena » est délicatement 60’s acidulée, lorsque « Nouvelle Orleans » oscille entre « les Sucettes » de France Gall et le « Porque te vas » de Jeannette et c’est incontestablement LE hit de l’album. Tout un programme, « Foutre le bordel » se la joue entre « Ça plane pour moi » de Plastic Bertrand, les Bérurier Noir et Devo… speed et fun. « Cool Colorado » slow invertébré joue les génériques alternatifs pour Dim Dam Dom revu par Taxi Girl et Lili Drop. Avec « Le sang de mon prochain » on flirte avec BB version sur la plage abandonnée de « La madrague ». Enfin, cette belle aventure s’achève avec la chanson-titre « Paradigme », quasi instrumental héroïquement portée par ses cuivres et ses vocaux féminins version voyage dans le temps à la Andrews Sisters. Dans son hit de 76 le Dr Buzzard Original Savannah Band ( le pré Kid Créole) vocalisait son « Cherchez la femme »… avec Sacha et Marlon et toutes leurs copines, on peut dire qu’on l’a enfin trouvée.