AUTOGRAPHE

Johnny Clegg by JY Legras

Johnny Clegg by JY Legras

 

Voici 30 ans dans BEST, GBD accompagné par le fidèle Legras, assurait comme un chef la prestigieuse rubrique « Autographe », écumant les concerts les plus essentiels de cette fin de printemps 1988, avec au programme Johnny Clegg & Savuka, Jerry « Talking Heads » Harrison, Terence Trent d’Arby, les Ludwig Von 88, Was Not Was, David « Japan » Sylvian, Leonard Cohen, Mory Kanté, Touré Kunda, Manu Dibango, Mahlathini & the Mahotella Queens et Ry Cooder. Flashback on stage !

 

TTDA by JY Legras

TTDA by JY Legras

Sans doute LA rubrique la plus emblématique du défunt BEST, avec l’incunable Rock d’Ici, Autographe aura permis aux rédacteurs du mag de la rue d’Antin d’écumer à tour de rôle les concerts les plus essentiels du mois. En cette fin de printemps 1988, la mission échoit à GBD -et au photographe de BEST Jean Yves Legras- qui se glisse alors pour la remplir dans la peau d’un James T Kirk aussi super que sonique. Souvenirs en live…

 

Publié dans le numéro 240 de BEST

 

Photos by Jean Yves LEGRAS

 

«Espace. Frontière de l’infini vers laquelle voyage notre vaisseau spatial. Sa mission d’un mois, explorer de Nouveaux Mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et, au mépris du danger, avancer vers l’inconnu. » Startrek, sur le chemin des rock stars…

Carnet de bord du commandant espace-temps 9 mai. Zenith.

La musique et les mots sont-ils assez torts pour influer le cours du temps ? Si Johnny Clegg avait pu en douter, jamais il ne serait devenu le zoulou blanc-qui- danse-pour-que-cesse-l’apartheid. Concerts raz de marée sur toute la surface de l’Hexagone, Savuka tient toutes les promesses du vinyle. Émotion coup de poing, le mbaqanga-rock de Clegg arrache le Zenith à son attraction terrestre pour le téléporter dans une twilight zone de rythmes incendiaires. Et la voix de Johnny s‘élève au dessus du firmament inversé des briquets allumes. Si Springsteen incarnait «le futur du rock and roll», Johnny Clegg nous projette dans une Afrique du Sud d’anticipation. Au Zénith, ce futur parait si proche qu’on peut presque a saisir a deux mains… à demain !

Carnet de bord du commandant, espace-temps 14 mai, la Cigale.

Les yeux plus gros que-le ventre… dans l’enceinte  intimiste de la Cigale, la mega- sono de Jerry Harrison colle toutes les mouches au plafond dès le début du set. Éternel problème de la bouteille à moitié vide ou a demi-pleine, le public clairsemé a les tympans qui saignent sous le choc des décibels. En écoutant Jerry  « Talking Head », comment ne pas songer à David Byrne ? Ce dernier fait hélas cruellement défaut. Imaginez le « Lac des Cygnes» dansé par un unijambiste ou une playmate de Playboy  à un seul sein. Ça  ne vous fait bander qu’a moitié, moi aussi. Décidément, une demi tète ne vaut pas mieux que deux tu l’auras.

Carnet de bord du Commandant, espace-temps 17 mai, Zenith.

Si l’on pouvait encore en douter, Terence Trempe Zarbi est effectivement né dans les marches de la galaxie. Mutant sidéral identifiable a la raideur de son petit doigt ( comme les Envahisseurs de David Vincent !) Terence Trent D’Arby déclenche la guerre des étoiles sous la bulle du Zenith. Explosions de phasers aveuglants et ultra-sons dé-paralysants ne sont que broutilles  comparées à la puissance de feu de ses cordes vocales. Le contraste avec sa précédente prestation à la Cigale est vertigineux, mais entre temps, il y a eu tout le blitzkrieg de sa tournée US. TTDA s’est libéré. Sur scène, il se dépouille de son armure Perfecto clouté pour s’abandonner a la danse et taire voler ses « locks » tout autour de lui. Super-héros ou menteur comme un arracheur de dents? Ce soir je me fiche pas mal de savoir s’il a vraiment été, comme il l’affirme, déserteur, manageur de catcheuse sur boue ou President des États-Unis. Seule la musique compte et ce gig TTDAesque est un monument.

Carnet de bord du Commandant, espace-temps 18 mai, Mutualité.Ludwig Von 88

Cette charmante punkette a-t-elle le feu au cul? Eh bien non. Si elle s’agite ainsi frénétiquement, si son visage peint exprime autant la douleur et le fun, c’est qu’elle s’abandonne sauvagement a la seule drum machine qui ait les bonbons de se coiffer a l’iroquois Ludwig est peut-être un amalgame de circuit imprimé, mais ses potes Von 88 sont de sacres fêtards. L’humour, le délire, l’aventure, La dérision et les sept plaies d’Egypte sont au rendez-vous de la Mutu. « Houla la houla la houla la » et sur la scène décorée comme un cahier de textes Clairefontaine destroyé par un potache, les Ludwig Von 88 tissent leur délire énergétique bourré de références mythologiques de supermarché. Radar géant for ever, les Ludwig drainent aussi la philo Bondage de l’alternatif « au juste prix » et de la lutte contre le racisme. Ludwig Von 88 c’est bien, comme le dit si bien la pub !

Carnet de bord du commandant, espace-temps 21 mai, la Cigale.

Les miracles, c’est peut-être Lourdes, mais la soul reste une source vive à Détroit-Motortown grâce aux frangins Don et David Was, deux visages pâles qui n’ont jamais dit «non merci, je garde le sac de ma copine». Blancs et groovy, les Was Not Was composent, arrangent et interprètent une soul incandescente qui ferait rougir de plaisir les Lamont/Dozier/ Holland. Musiciens aux super-pouvoirs, les Was laissent pourtant le chant à d’autres pointures. Et leurs vocalistes Sweet Pea Atkinson et Sir Harry Bowens donneraient des cauchemars a un cordonnier. Ils imitent ainsi a l’intonation près le « Man In The Mirror » de Jacko et le « Papa Was a Rolling Stone » des Fabulous Tempts. Grand set, jet set, set a Paris, Was Not Was fait du funk comme la nuit américaine son cinéma. Cheese.Was Not Was

Carnet de bord du commandant, espace-temps 24 mai, la Cigale.

Ils avaient sans doute voyagé pas mal d’années-lumière pour en arriver là. Le nez collé contre les portes vitrées de la Cigale sold-out, ils attendaient en vain une hypothétique contremarque de passage pour retrouver  notre héros David Sylvian. À l’intérieur, l’ex-chanteur de Japan dodelinait mollement en miaulant sur un fond jazzo-symphonique qui ferait même bâiller Sting. Malgré l’évolution certaine, ce bombardement de particules me tait autant d’effet que des radiations de Tangerine Dream. Urgh.

Carnet de bord du commandant, espace-temps 24 mai, Zénith.

Mais comment fait-il pour être à deux concerts à la fois? Pfuff… facile avec l’Enterprise ! Téléportation au Zénith pour retrouver Mory Kanté et sa kora sidérante. Mais ce Zénith – pourtant en version mini- était hélas bien dépeuplé. Dur de faire la fête dans ces conditions, mime pour un bon génie atro-funkisant et héros des charts.

Carnet de bord du commandant, 27 mai, Grand Rex.

Sous le ciel étoilé du Grand Rex, Leonard Cohen était une troublante apparition. Le visage pâle, un rien rigide, il chantait si doucement qu’il fallait fendre l’oreille pour se laisser captiver. Vieux barde héroique disparu dans la galaxie depuis plus de dix ans, cette voix rauque qui soufflait «Suzanne» n’a rien perdu de son incroyable potentiel dramatique. Welcome back mister Cohen !

Leonard Cohen by JY Legras

Leonard Cohen by JY Legras

Carnet de bord du commandant, espace-temps 27 et 28 mai, la Villette.

Étalé sur deux jours, le dixième anniversaire d’Africa Fête avait le gout salé de l’amertume. Salif Keita était bien trop distant, les Touré Kunda dans une forme moyenne et  Manu Dibango itou. Les seuls à s’élever bien au dessus du peloton étaient évidemment Mahlathini et ses démentes Mahotella Queens. Le son de Soweto peaufiné par West Nkosi avait déjà fait craquer Ies punks de Rennes dans un furieux pogo-mbaqanga. Cette fois, sous la Grande Halle, le public bigarré s’abandonne a l’ovation. Mahlathini est un extra-terrestre, un Klingon zoulou aussi allumé qu’un arbre de Noël.

Carnet de bord du commandant, espace-temps, 2 juin, Grand Rex.

Et dire que je craignais de m’y ennuyer ! Ry Cooder nous a offert le plus beau gig du mois depuis celui de Johnny Clegg. Ballades nonchalantes ou boogies graveleux à souhaits, Ry joue le folk des frontières de l’ouest de manière si imagée, qu’il suffit de fermer les yeux pour s’y projeter. Deux heures trente et quelques poussières spatiales, Ry Cooder est un marathon-man taillé dans le bois dont on fait les guitar-heroes.

Ry Cooder by JY Legras

Ry Cooder by JY Legras

Signé: James T KIRK/Gérard BAR-DAVID

 

Publié dans le numéro 240 de BEST daté de juillet 1988

 

 

 

 BEST 240

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