ASAF AVIDAN « Unfurl »
C’est son 5éme album solo et le 8ème si on inclut ses débuts avec ses Mojos, à 45 ans Asaf Avidan n’a décidément plus rien à prouver, la preuve par ce déconcertant « Unfurl » où il… déploie… un tout nouveau set de cordes vocales, où il n’atteint plus ses sommets aigus stratosphériques torturés, cette voix plus grave devrait marquer un apaisement de cette douleur qui le pousse en avant. Mais avec Avidan il ne faut jamais se fier aux apparences. Surtout lorsqu’il s’est mis en tête de nous faire voyager dans un épique concept-album du flamenco au style James Bond de John Barry en passant par Tom Waits, Gershwin, Janis Joplin, Leonard Cohen, Kurt Veil et bien plus surprenant… Eminem et Kendrick Lamar.
Unfurl, littéralement c’est déployer, mais c’est surtout un album concept et un opéra rock , même si on ne peut pas à proprement parler d’un successeur direct de « Tommy » des Who, ici on serait plutôt du côté de « L’opéra de quat’ sous ». Car c’est au son d’une fanfare nasillarde d’Europe centrale façon Kusturica que démarre l’album sur « IDKN » soit « I Don’t Know », qui virevolte et tourbillonne avec romantisme, avant de se métamorphoser en rap hyper-speedé comme un hit d’Eminem. Vous l’aurez compris, Asaf Avidan (Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Asaf+Avidan ) ne tient pas à nos faciliter la tâche d’un point de vue étiquetage musical. Mais tout cela n’est rien face aux violons climatiques et aux vocaux de purs drama d’« Unfurling Dream », taillée comme un extrait brillant d’une comédie musicale de Gershwin, y compris détour par les violons du « Psycho »d’Hitchcock téléportée au milieu du show de la mi-temps du Superbowl de Kendrick Lamar : un pur OVNI aussi lyrique qu’ intellectuellement déjanté et donc forcément oxygène. Et si Asaf retrouve sa voix perchée sur talons aiguilles, c’est pour incarner en Diva romantique tout le spleen subjuguant d’ « Haunted », portée par les incroyables et spectaculaires arrangements pour grand orchestre.
Et sur la suivante « Hooves », les violons font aussi le job, pour ce cocktail folky-jazzy-bluesy si délicat qu’il me rappelle « Le Partisan » de Leonard Cohen. Après l’intermède « The Great Abyss » vient un des titres les plus fascinants de l’album avec « The Call of Flow », où la « nouvelle voix » parlée-chantée d’Avidan fait des merveilles, sur des violons enivrants, forcément aussi grandioses que décalés sur un apothéose finale sur lequel l’artiste israélien n’aura sans doute jamais aussi bien vocalisé, surfant à nouveau entre le rap fantasque de Lamar et le classicisme joyeux de Gershwin. Et surtout ne perdons pas le rythme, puisque la suivante « Serenity » est également un des titres-phare de cet ambitieux projet, avec sa superbe mélodie, sa voix déconcertante qui sonne parfois comme Janis Joplin, et ses arrangements cordes, cuivres et grand orchestre d’une magnifique ambition et c’est juste superbe. On se dit que décidément Asaf se pose en digne héritier du magicien George Martin. D’ailleurs, la boucle est bouclée par la chanson-titre « Unfurl » qui flirte joyeusement et justement avec les arrangements des instrumentaux du « Yellow Submarine » des Beatles, preuve que la pomme ne tombe pas toujours bien loin de l’arbre. Grandiose et cinématographique, à la manière d’un score de John Barry pour un imaginaire James Bond, il clôt en final magistral sur un mode jazz et vous allez voir que ça rime… cet album singulier enregistré à… Miraval !