ANGELHEADED HIPSTER: “The Songs of Marc Bolan & T Rex”
Pas toujours facile de renouer avec toute la flamboyance et le glamour dont a su faire preuve tout au long de sa trop courte carrière l’extraordinaire Marc Bolan, dans ce double album Angelheaded Hipster : “The Songs of Marc Bolan & T Rex”, un hommage baroque né sous la houlette du regretté producer Hal Willner où l’on retrouve les plus célèbres comme U2, Joan Jett , Marc Almond ou Nick Cave mais aussi les plus obscurs tels Jesse Harris, Helga Davis ou King Khan dans des versions souvent… déconcertantes.
Je dois avouer que j’ai toujours un faible pour Bolan. D’abord lorsque j’étais ado, les singles de T Rex rythmaient nos premières boums et cela ne s’oublie pas. En outre, quelques mois seulement après mon arrivée à BEST, jacques Barsamian qui dirigeait l’international de Polydor à l’époque m’avait demandé de rédiger les notes de pochette de sa nouvelle compile T Rex et ce simple petit job m’avait alors rendu extrêmement fier, car il m’avait permis de rendre hommage à l’un des héros du rock dont la mort précoce m’avait tant touché. Peut-être aussi était-ce dû au fait que Bolan était feuj et qu’il le revendiquait avec fierté. La preuve, dans son hit « Metal Guru » ne vocalisait-il pas ad lib « Metal guru… ist it jew ? ». Près de 40 ans plus tard je découvre cet étrange track-listing pour un casting encore plus strange, comme Ke$ha qui ouvre ce double album avec sa reprise emphatique de « Children of the Revolution » version Bonnie Tyler chante « Total Eclipse of the Heart ». Bigre ! Puis, c’est au tour de Nick cave de rentrer en scène avec « Cosmic Dancer » et l’hymne jubilatoire de Bolan devient ici une sombre et triste balade plus proche de Tom Waits que du glam rock. Nos affaires s’arrangent un peu avec Joan Jett qui revisite « Jeepster » hélas sur un mode quelque poussif qui ne décolle vraiment jamais. De même j’ai beaucoup de mal avec « Life A Gas » par Lucinda Williams, que j’apprécie pourtant, mais la mélancolie de l’interprétation est à des années-lumière de la jouissive composition de Bolan. En fait, c’est à se demander si le cahier des charges de Willner n’était pas de s’éloigner le plus possible des versions originales pour « réincarner » toutes ces chansons. Encore plus surprenant, mais cette fois dans le bon sens du terme, le déconcertant « Solid Gold, Easy Action » revu par Peaches.
Hélas, retour direct à l’expérimental qui dérape avec « I Love to Boogie « littéralement massacré par un certain King Khan. Heureusement U2 associé à Elton John, au piano si identifiable, viennent nous sauver la mise avec leur cover boogie rock de « Get It On ( Bang A Gong) », sans doute l’un de mes hits favoris de T Rex revu ici de manière plutôt fidèle à l’original. De même Father John Misty s’en sort plutôt bien avec l’interprétation émotionnelle de « Main Man ». L’Allemande Nena, dont on était sans nouvelles depuis son « 99 Lufttbalons » de 83, revient ici avec mon « Metal Guru » fétiche réinventé sur un mode nonchalant et cool. C’est à l’ex Soft Cell Marc Almond de rentrer en piste avec un « Teenage Dream » déconcertante et mélancolique entre corrida et klezmer, mais qui ne parvient guère à s’arracher à l’attraction terrestre. Retour au grand n’importe quoi avec Todd Rundgren, pourtant un de mes héros éternels du rock, qui nous sert un « Planet Queen » aussi faussement jazzy qu’étrangement barré et forcément décevant. Inversement je m’attendais au pire avec la version du lumineux « Mambo Sun » par Sean Lennon et sa petite copine mannequin et là franchement ce n’est pas si mal. Et comme un Lennon peut en cacher un autre, voici Julian Lennon associé à Victoria Williams pour interpréter la délicate « Pilgrim’s Tale » de la manière la plus aérienne. Il n’a toujours pas perdu son sens de l’humour et il le prouve, David Johansen, l’ex New York Dolls, en revisitant lui aussi et sur le mode Buster Pointdexter le vibrant « Get It On (Bang A Gong) ». Enfin c’est avec l’ex-Lone Justice Maria McKee associée à l’ex-Virgin Prunes Gavin Friday d’exécuter, au sens peine capitale du terme, le « Ride A White Swan » ce tout premier hit de Tyrannosaurus Rex. Et l’on se dit alors que cet imbroglio sonique et hétéroclite touche enfin à sa fin. Tout ça pour ça, quelle déception !