DAHO TOUT EN HAUT DE L’AFFICHE 2
Second épisode de mon papier de couverture du BEST 221 consacré à Etienne Daho et ses amis, publié voici trente ans. ( voir sur Gonzomusic le premier épisode de « Daho tout en haut de l’affiche » https://gonzomusic.fr/daho-tout-en-haut-de-laffiche.html ) Dans la suite de cette toute première cover-story pour le petit prince de la pop rennaise, l’ami Etienne évoque sa collaboration avec Soligny pour « Duel au soleil », sa proximité avec Niagara, la formation de Daniel Chenevez, Elli Medeiros, le « Dahoïsme », comme son amour du cinéma US underground d’Andy Warhol, une puissante influence. Et enfin ses héros Lou Reed et Nico.
Publié dans le BEST 221 sous le titre :
SATORI STORY
« Et ta rencontre avec Jérôme Soligny ?
Nous avons le même manager, Fabrice (Nataf) qui a joué les intermédiaires. J’avoue que le début de notre relation a été assez difficile. Moi je le trouvais absolument prétentieux (il l’est même encore plus aujourd’hui:NDR) et lui racontais que je ne cassais pas trois pattes à un canard. On s’est lié par la force des choses, puisqu’on se croisait tout le temps. Il m’a fait écouter des chansons qui m’ont fait craquer et je ne comprenais pas pourquoi ce mec n’arrivait pas à percer. Mon bouquin sur Françoise s’éternisait et comme Jérôme avait déjà fait un bouquin sur Bowie, je lui ai proposé une association. Jérôme a assuré la quasi totalité de la rédaction. Moi, je me suis surtout occupé des interviews et de la recherche documentaire. Si le bouquin est sorti, c’est vraiment grâce à lui. ll existe une autre association avec Jérôme, c’est « Duel au Soleil» qui s’appelait en fait « Centerfold Romance ». J’adorais cette mélodie. Il m’a donné une cassette, car je cherchais des titres pour l’album. Lorsqu’on est parti à Londres, on n’avait pas une seule chanson, pas un texte pour « Pop Satori ». J’ai donc choisi « Duel au Soleil», mais je n’arrivais pas à lui coller un texte, alors j’ai fait appel à quelqu’un que j’aimais bien, Robert Farel. Ça crée un précédent, puisqu’à part les reprises c’est la première fois que je chante un texte qui n’est pas de moi. Farel est très branché ciné. Son écriture est speed, coup de poing.
La pop revival passe aussi par Niagara.
Daniel (Pabœuf), le sax de MDS produisait Niagara et il m’a demandé de venir faire les chœurs de « Tchiki Boum ». Mais je ne suis pas tout seul. Tout le monde disait: « Ouais, on reconnait vraiment la voix d’Etienne » alors que Daniel (Pabœuf) et Daniel (Chevenez) étaient sur le même micro que moi
. On a peut-être un timbre commun. Daniel et Muriel sont des gens avec lesquels je me sens musicalement très proche, même si nous n’avons jamais été très liés. On se croise de temps en temps, mais on se connaît assez mal. Pourtant, j’aimais beaucoup ce qu’ils faisaient, même s’ils ont mis beaucoup de temps à sortir. Nous avons commencé ensemble en 80. Daniel a fait les Espions, l’Ombre Jaune et une floppée d’autres groupes. C’est bien ce qui leur arrive, car ils ont déjà fait pas mal de scène. Ils ont un répertoire et leur succès tombe à point. Ils ne seront jamais pris au dépourvu avec un tube et puis basta. De toute la scène rennaise, c’est leur musique qui m’inspire le plus de feeling.
J’ai rencontré Daniel en 80, en même temps que toi.
Moi j’étais surtout pote avec Frank (Darcel) et Arnold (Turboust). On était tout le temps en boite ensemble. Il y avait aussi Stéphane (Plassier) – star du stylisme tendance new pop. JEP et moi portons souvent ses chemises : NDR- et nous,étions tout le temps hystériques, mais c’était créatif. On pouvait monter un faux mariage à l’église où j’étais le père du marié avec repas de noce au restau universitaire. On a fini à poil dans la Vilaine. C’était grand.
Dans le yéyé revival il y a ce côté famille mais il y a aussi cette vénération du format maxi 45 tours, comme les super 45 étaient associés aux sixties.
C’est justement ce que j’essaie de faire avec mes maxis. « Tombé… » et « Epaule… » sont des quatre titres. « Le Grand Sommeil» avait déjà trois titres. C’est une arnaque de faire payer aussi cher une simple version rallongée avec un instru’ niais en face B. De même le clip d’« Epaule… » est une collection de tous les les clichés des sixties chers à Philippe (Gauthier) et moi. Les séries américaines, « Chapeau Melon et Bottes de Cuir »… Ce qui est intéressant dans ce clip, c’est qu’il n’y a jamais deux plans pareils et qu’ils défilent. Des gens ont pu être surpris par son côté sexuel. Le clip est érotique, mais la chanson était complètement érotique. Moi je trouve qu’il y a une sexualité très saine là-dedans. C’est de la gourmandise.
La nuit (« La Notte… ») a toujours exercé une très forte fascination sur toi. Pour le « Rock à Rennes » (Publié dans BEST avec mon ITW de Marquis de Sade juste avant la sortie de « Rue de Siam »: NDR) mon guide du Rennes by night, c’était toi.
Sortir la nuit, ça a toujours été essentiel pour moi et ça l’est toujours. Mais pour l’instant c’est un peu plus dur à concilier avec le travail. Pour assurer au pays du rock and roll, il faut être en pleine possession de ses moyens.
BOUGER
C’est quoi «l’image » d’E.D. ?
Je ne m’en rends pas compte. L’image d’E.D. est multiple, car j’ai rarement la même tête sur les photos, il y a toujours un décalage avec la réalité. Les photos de « Pop Satori » ont été prises au feeling un jour au Flore, en jouant sur l’instant. C’était super, même si je n ‘avais pas une gueule idéale.
Tu n’as peut-être pas envie d’avoir toujours une gueule idéale ?
L’image de « La Note » c’est comme l’album, une époque révolue. Maintenant c’est « Pop Satori ». Il y a autre chose, je me sens en mouvement tout le temps. Voilà pourquoi le côté installé, ces trucs comme le « Dahoïsme » ca m’angoisse. Ça n’a rien à voir avec la réalité. Et ça vous empêche de bouger, d’évoluer vers autre chose. « Pop Satori » est une étape et je n’ai aucune envie de jouer les sédentaires. Je refuse de me complaire dans une image fleur-bleue romantique car ça n’est pas du tout moi. C’est surtout une question de physique et ça, je n’y peux rien. Pour moi Lou Reed est un romantique car il reste urbain. Dans le romantisme littéral, ce qui m’angoisse c’est les pleurnicheries.
Ce qui explique que tu collectionnes dans ta vidéothèque les films de Warhol comme « Trash » ou « Flesh » ?
Pour moi le Velvet Underground c’est le nec plus ultra du romantisme. Le rock à la dure c’est juste un cliché. Depuis le début mes intentions sont claires : je ne me suis jamais planqué derrière quoi que ce soit pour avoir l’air crédible. J’ai répété à qui voulait l’entendre que je n’étais pas un rocker à une époque où tout le monde prenait des groupes pour passer à la télé. Le cuir pour le cuir, l’image rock comme simple alibi musical, ça n’est pas mon propos. Certains me considèrent comme un rocker car ils savent que j’ai l’âme rock. Pour les autres, je fais de la variette parce que ça se vend.
Si le Daho renonce à barouder la nuit, ne risque-t-il pas de perdre sa substance ?
Non, c’est juste un moment d’hystérie, car il se passe trop de choses à la fois: le cinéma, le bouquin, l’album, la tournée… Mais c’est vraiment excitant et je l’assume, même si cela doit perturber ma vie.
Et on sait que le cinoche c’est important pour Daho !
C’est nouveau. Il y a d’abord eu « Désordre », le film d’Olivier Assayas qui a décroché un prix à Venise. C’était comme une récré ce film, j’ai surtout fait une chanson avec Frank (Darcel), « Soleil de Minuit ». Dans « Jeux d’Artifices » le film de Virginie (Thévenet) j’ai un rôle plus important et c’est assez marrant. Le film sort en Février et je n’en dis pas plus pour jouer la surprise. Au départ, Virginie et Olivier m’ont contacté pour la musique, j’en ai profité car le jeu d’acteur est oxygénant pour la tête. Ça m’a donné envie de recommencer, avec Robert on a même, eu l’idée d’un scénario.
Ta vie est une succession de rencontres. As tu encore quelque héros mythique à croiser ?
Lou Reed, LE songwriter idéal, un mec fantastique. Même s’il n’avait fait que « Berlin il, il serait déjà LE songwriter moderne. Hélas, je ne l’ai jamais rencontré. Par contre, j’ai vécu quelques moments intenses avec Nico, Françoise, Dutronc, ce mec si précieux pour la France.
En conclusion, quel est le message de Daho à la planète ?
Je n’ai que des messages personnels, en fait. Pas de messages généraux, sauf peut être d’être en accord avec soi, d’être bien dans sa vie en faisant ce qu’on a VRAIMENT dans la tête, moi c’est ce que j’essaie de vivre, sans retenue.»
Décor psychédélique fuckin brilliant sur cette scène olympique jadis foulée par les Beatles, Paulo et justement Lou Reed, la caravane Daho nous entraîne vers la fête. Twiggy des 80’s Elli (Medeiros) éclate en sensualité pulsée. Rythmes d’Afrique et d’Amérique. Elli parie sur un son nouveau et gagne. « Toi mon Toit » est ovationné. Sa dernière apparition Live avec les Toys datait des célèbres séances aux sièges destroy du « Rock d’ici »… à l’Olympia, huit ans auparavant. Daho live c’est aussi être ensemble. On le verra chanter « Pop Egèrie O » avec Elli et Arnold sera rejoint par Zabou pour un remix live d’« Adelaïde ». Daho sait partager, les nouveaux poppers pratiquent l’union libre pour nous autres voyeurs séduits. Etienne déchire l’0lympia avec l’intensité d’une brève rencontre. Sa vie, ses chansons sont comme des Polaroïds. Et le flash se déclenche toujours à temps.
Publié dans le BEST 221 daté de décembre 1986