BARCLAY « Play Barclay Vol. 1, 2 et 3 »

Barclay

Certes, il n’y aurait jamais eu de Barclay sans Eddie Barclay, cependant le fameux label n’aurait jamais perduré sans ses brillants successeurs et au premier chef le visionnaire Philippe Constantin, qui a su révolutionner la vieille maison à coups de Eicher, Carte de Séjour, Kent, Bashung, Affaire Louis Trio, Noir Désir et autres Khaled. Pensée au regretté Olivier Caillard qui a maintenu le cap et fraternelle accolade à l’actuel taulier Georges de Sousa. Bref, Claybar fête ses 70 ans, et vous êtes tous conviés avec cette trilogie de doubles vinyles retraçant sept décennies de musiques françaises.

 

BarclayPar Jean-Christophe MARY 

 

 

En 1954, Eddie et Nicole Barclay fondaient une maison de disques qui allait, sans le savoir, façonner une partie de la bande-son de notre pays. Soixante-dix ans plus tard, Barclay demeure un nom qui résonne comme une signature, celle goût du risque, du flair artistique, et d’une élégance sonore. Avec Play Barclay, trilogie en trois volumes vinyle, le label revisite son héritage et mesure la vitalité d’un catalogue qui va de la chanson à texte à la pop, du rock à l’électro. L’objet, conçu avec soin — doubles vinyles blancs, sous-pochettes illustrées, feuillet biographique, planche de stickers est à la fois une célébration et une relecture.

 

Volume 1 – C’est extra : les classiques éternelsBarclay

 

Premier volet de la trilogie, le Vol1. C’est extra joue la carte des « classiques ». L’album s’ouvre naturellement sur Léo Ferré, figure tutélaire du label et symbole d’une chanson française où la poésie libertaire devient dans les 60’s un art populaire. Enregistré en 1969 « C’est Extra » incarne à lui seul l’âme Barclay. Ce morceau emblématique est synonyme d’une chanson française aussi exigeante et rebelle que populaire et lettrée. Le premier volume aligne des monuments tels que « Parce que » de Charles Aznavour, « Les Marquises » de Jacques Brel, l’immense « Tu verras » de Claude Nougaro, « Nous dormirons ensemble » de Jean Ferrat, « Dans la ville endormie » de Dalida. Cet album témoigne aussi de cette seconde génération qui prolongea le flambeau avec Balavoine « La Vie ne m’apprend rien », Bashung « La Nuit je mens », Lavilliers « O’Gringo », Eddy Mitchell, Michel Delpech, Vanessa Paradis ou Jeanne Cherhal. Les morceaux plus récents de Carla Bruni, Calogero, Marc Lavoine, Thomas Dutronc « Dans tes yeux » témoignent de cette continuité.

 

Barclay Volume 2 – À la folie : la pop française dans tous ses éclats

 

Le second tome adopte une couleur plus pop et mutine. Il s’ouvre sur « Et voilà ! « signé Eddie Barclay et Quincy Jones, un clin d’œil qui rappelle que le label fut aussi un laboratoire du swing et de la production sophistiquée. De Brigitte Bardot « Nue au soleil » à Patrick Juvet  « Faut pas rêver », ou encore Elli Medeiros « Toi mon toit », le disque plonge dans la légèreté des années 70-80 tout en annonçant la liberté des décennies suivantes. Les tubes se succèdent avec « Douce France » revisité par Carte de Séjour, « Voilà les anges » de Gamine, « Mobilis in mobile » de L’Affaire Louis’ Trio, ou encore « Boyfriend » d’Étienne Daho, véritable manifeste d’une pop francophone élégante et cérébrale. Les années 2000 prennent ensuite le relais avec Benjamin Biolay et Catherine Deneuve « Happy Hour », –M– « Le roi des ombres », Vanessa Paradis « l’incendie », Gaëtan Roussel « Dis moi encore que tu m’aimes », Florent Marchet « Rio Baril », La Femme « La femme », Juliette Armanet « A La Folie. Ces titres autant audacieux qu’accessibles sont à la fois mélodiques et avant-gardistes. Et c’est bien tout là l’esprit Barclay.

 

Volume 3 – J’adore : les métamorphoses du son françaisBarclay

 

Le dernier chapitre de cette rétrospective explore les musiques du XXIe siècle. C’est une trilogie qui appartient déjà au patrimoine mais tournée vers l’avenir. Rock, world, électro et rap y cohabitent dans un bel équilibre. Des guitares nerveuses de Louise Attaque « Sortir de l’ordinaire » et Feu ! Chatterton « Ginger » à l’énergie urbaine de Zebda « Le bruit et l’odeur » ou Rocca « Le hip hop mon royaume » en passant par le sublime « A quoi Rêvons nous » de Kent, le label prouve qu’il n’a jamais cessé de se réinventer. Puis viennent les musiques du monde et leurs explorations sonores avec Khaled, Rachid Taha, Gotan Project, Émilie Simon, Yuksek, Kung sans oublier le hip-hop de Lady Laistee et Gradur, Femi Kuti ou le reggae militant de Tiken Jah Fakoly. C’est le volume le plus libre, celui de la fusion et de la curiosité. Le label Barclay y réaffirme sa capacité à s’ouvrir aux sons du monde tout en gardant cette élégance française qui la distingue.

 

BarclayEddie Barclay, le dandy du son et du verbe

 

Né Édouard Ruault en 1921, Eddie Barclay fut un pionnier et un sacré personnage. Pianiste de jazz, producteur instinctif, il incarna cette génération d’entrepreneurs culturels qui avaient le goût du beau et du risque. D’abord créateur du label Blue Star en 1945, il fonde Barclay avec sa compagne Nicole neuf ans plus tard. En quelques saisons, la maison devient l’épicentre de la chanson française : Brel, Ferré, Aznavour, Lavilliers, Nougaro, Bashung… tous y passent. Eddie Barclay aimait la fête, les dîners à Saint-Tropez, le champagne, les excès. Mais derrière la légende du “play-boy du 33 tours”, il y avait un perfectionniste absolu, soucieux du son, du texte, de la personnalité de chaque artiste. Lorsqu’il cède son label en 1983, il laisse derrière lui une éthique : celle d’une liberté artistique totale. Il s’éteint en 2005, mais son ombre plane encore sur la musique française. Play Barclay en est la preuve éclatante.  Avec « Play Barclay Vol.1, 2 et 3 », le label signe une rétrospective à la hauteur de sa légende. Soixante-dix ans après sa naissance, Barclay demeure une grande maison où la chanson française continue de se réinventer. Plus qu’une compilation, cette trilogie est une leçon de culture musicale française. Eddie Barclay a dit un jour : « La musique, c’est un art, mais aussi un état d’esprit. ». Ces trois volumes en sont la belle démonstration.

 

 

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