KNACK ATTACK
Voici 41 ans dans BEST GBD interviewait les Californiens de the Knack au Record Plant Studio où le groupe de Doug Fieger et de Vernon Averre capturaient sous la houlette du fameux producer Jack Douglas leur 3ème LP « Round Trip ». Et en guest star, il rencontrait au passage – pas sage ?- la fameuse et néanmoins charmante Sharona, inspiratrice du méga-hit planétaire de the Knack… Flashback ou Knack back… that’s the rockin’ question !
Lorsqu’il sort ce 11 juin 1979, sous sa pochette qui émule le 33 tours « Meet the Beatles » – et sur le même label US Capitol que les Fab Four- « Get the Knack » propulsé par son hit pop-rock irrésistible « My Sharona » chamboule toutes les charts planétaires. Et comment en serait-il autrement ? Voué au culte d’une entêtante Lolita, le single d’une redoutable efficacité aurait quasiment pu être griffé Lennon-McCartney. Il est en fait signé Doug Fieger, le chanteur leader et de Berton Averre, le guitariste de the Knack. Le monde entier succombe à la Knackmania. Hélas le second LP « … But the Little Girls Understand » enregistré bien trop tôt et publié à la va vite seulement six mois après son auguste prédécesseur se révèle être un flop monumental. C’est ainsi que cet été 81, lorsque je rencontre the Knack au Record Plant situé au 1032 N Sycamore Avenue à Hollywood, ils enregistrent l’album de la dernière chance avec le magicien du son Jack Douglas ( Voir sur Gonzomusic ) mais hélas ce « Round Trip » malgré ses qualités n’égalera jamais le tabac de « Get the Knack ». Le groupe se sépare… puis se reforme en 86. Parallèlement Doug Fieger se lance dans une carrière solo et collabore avec Don Was sur son groupe Was Not Was. Hélas, l’ami Doug est diagnostiqué d’une tumeur au cerveau en 2006 et se battra de toutes ses forces durant près de quatre années avant de décéder chez lui à Woodland Hills, dans la San Fernando Valley de LA un triste 14 février 2010. S’ils ne sortaient plus ensemble depuis des décennies, Doug et Sharona Alperin resteront amis jusqu’à son dernier souffle. Doug n’avait que 57 ans… so fucking sad…
Publié dans le numéro 162 de BEST sous le titre :
KNACK BACK
Dans le marasme de la monotonie disco de cet été 79, le « truc » a éclaté comme un ballon d’air frais. The Knack; ça sonnait juste comme des doigts qui claquent, un écho nocturne, rafraichissant et juvénile que je n’ai pas cessé de programmer sur mon juke-box dans la tête. « My Sharona », ce mignon mais pourtant si efficace clonage des Beatles marquait un net retour vers une pop mélodique et simple, et l’irrésistible ascension d’un petit groupe inconnu made in L.A Sacrée Sharona, elle a eu droit à sa douche de disques d’or et à son lot de passions. Avec elle, le Knack avait trouvé son truc, ce petit rythme irrésistible, une sorte d’hypnose sonore dont le tableau était brossé par Mike Chapman, le producteur gadget fou. Les deux leaders guitaristes, Doug Fieger et Berton Averre, se sont vite retrouvés coincés dans le blitz de cette Knackmania. Alors qu’il était un bon groupe de scène, le Knack s’est laissé enfermer dans sa tour facile et dorée. Petty et Springsteen avaient pourtant craqué au point de les rejoindre on stage pour un bœuf improvisé, les radios les matraquaient, la presse les harcelait: du coup, le Knack s’est refermé comme une huitre sur sa perle précieuse. « No Comment» ! Black out total du Knack ; la presse rock U.S, prenant cela pour un affront personnel, se met à déglutir par colonnes entières de Rolling Stone sur nos kids. Tandis qu’en France le Knack attaque, sur le continent américain, c’est déjà Pearl Harbour: « But the Little Girls Understand », le second LP, sort un peu plus de six mois après le premier. Chapman mégalo, entre-temps, s’est affublé du titre de Commander; il coulera avec le navire. Mike avait le compte en banque plus gros que le chéquier: le son sec du 2° LP est une vulgaire copie. À vouloir être trop gourmand, on finit par tout perdre. Surgi du néant, le Knack y retourne, un silence qui durera près de 2 ans se pose sur le groupe. C’est presque par hasard que j’ai retrouvé la trace du Knack, cet été 81, à Los Angeles, au Record Plant. La porte lourde du studio B est fermée ; Doug Fieger, Berton Averre, Bruce Gary, le batteur, et Prescott Niles, le bassiste, m’entraînent dans un petit salon insonorisé, coincé entre la cabine et le studio. Doug est en robe de chambre, ses boots aux pieds, les autres ressemblent plus à une bande d’étudiants des Beaux-Arts qu’à une brochette de rock stars. Le Knack, on dirait vraiment des mômes. Ils se marrent et se balancent des vannes tandis que, dans la pièce à côté, Jack Douglas mixe « Another Lousy Day in Paradise », un des titres les plus Fab Four de ce « Round Trip » album. Berton et Doug co-signent la plupart des morceaux du groupe, ce sont aussi eux qui sont les plus bavards :
« Doug Fieger: C’est vrai nous avons fait de nombreuses erreurs : nous étions trop isolés pour un groupe de rock et c’est ce qui a empêché les gens de nous comprendre. Ils nous ont pris pour une bande de mégalos égoïstes.
Quelle est votre image idéale du groupe ?
Berton Averre : Nous voulions être avant tout un groupe capable de reproduire exactement sur scène tout ce qu’il pouvait écrire. En fait, une sorte de cocktail pop que nous voulions le plus frais possible.
Et cette comparaison avec les Beatles ?
D.F : Est-ce qu’on ressemble aux Beatles ?
Non, c’est vrai, vos cheveux sont plus longs.
B.A : À cette époque, nous n’avons pas donné d’interview à la presse. Comme nous étions N°1, ils devaient quand même se décarcasser pour écrire des trucs sur nous. Nous étions en costume-cravate et, à l’époque, pas un groupe de rock ne s’exhibait ainsi sur scène. II fallait qu’on nous remarque. Un petit groupe à la recherche d’une identité n’a guère le choix : il faut simplifier au maximum. En plus, nous étions assez fauchés et cette tenue de scène, costume noir, chemise blanche et cravate noire fine, était l’unique que nous avions.
D.F : Petit à petit, les mômes qui venaient au concert s’habillaient comme nous, de même que, nous, nous pouvions imiter les Who ou les Yardbirds en allant à leurs gigs.
Et ce côté «Lolita», ce goût prononcé pour les petites filles, c’était un penchant naturel ou, au contraire, quelque chose de prémédité ?
D.F : Il y a assez longtemps, j’ai rencontré une teen-ager dont le prénom était Sharona, et c’est encore ma nana aujourd’hui. Elle était venue avec trois copines à l’un de nos premiers shows. Elles étaient si excitées qu’elles en ont parlé à tout le monde. Et ainsi de suite, de bouche de petite fille à oreille de petite fille, notre cinquième concert affichait sold out. En y réfléchissant bien, les filles sont la raison majeure qui m’a poussé à plonger dans le showbiz, parallèlement au fait que j’ai vu les Beatles et Lennon à la télévision. C’est aussi évident, parce que ça a changé tout mon horizon de réaliser que la magie peut se matérialiser dès l’instant où on le désire assez fort.
B.A : De toute façon, on ne le réalise pas par une analyse, ça ne sert à rien. Sans spontanéité, cela ne marche pas.
D.F : … d’ailleurs la plupart de mes meilleures amies sont des Lolitas!
Votre deuxième album a été assez critiqué, ce qui est assez normal dans la mesure où il sonnait exactement comme le précédent… à six mois d’intervalle.
D.F : Je crois que sur pas mal de points ces critiques étaient justifiées. Mike Chapman nous a un peu speedés, le disque a été fait trop vite et trop tôt. On a écrit les chansons sur la banquette arrière d’un minibus de tournée. Je ne dis pas que toutes les chansons de ce second LP étaient mauvaises, mais ce dont je suis sûr, c’est que, si nous avions eu un an devant nous, je crois bien qu’on en aurait jeté plus de la moitié. Le disque a été enregistré en 7 jours entre deux séries de dates, ce qui était assez stupide. « Get the Knack » était la meilleure reproduction possible de ce que nous étions, un groupe de scène; alors, pourquoi avoir de nouveau recommencé avec le 2ème ? C’est stupide, nous aurions dû faire ce que nous sommes en train de réaliser aujourd’hui. « Round Trip » aurait dû être notre deuxième album ».
Pour composer en paix, nos deux grandes gueules du Knack se sont loués une chambre de palace à LA: les titres que j’écoute en exclusivité ont une histoire. « Another Lousy Day in Paradise » est un flash hawaïen. La chanson a été composée à cause d’un t-shirt et devait s’appeler, à l’origine, « I Don’t Want To Live In Peyton Place ».« Radiating Love » a été écrite dans la tiédeur d’un jacuzzi. Après l’écoute dans le dup(licate) room, Berton et Doug m’entraînent dans le studio. Sur une chaise et un piano, ils improvisent un super medley des Doors. C’est assez touchant de voir ces jeunes mecs s’éclater sur « Love Me Two Times » ou « Love Street ».Tandis que Doug me raconte sa pathétique jeunesse de JAP ( Jewish American Prince) fils d’un fameux avocat, Berton se marre et donne au piano un accompagnement dramatique. Au bout d’un moment, on revient à « Round Trip » et Doug me demande un avis à chaud:
« Assez surprenant.
D.F : Oh thank you! T’as pas dit « quelle sacrée merde » (en français dans le dialogue). Cela fait trois mois que nous travaillons ici au Record Plant; quand je pense que « My Sharona » a été enregistré en 20 minutes ! Cette fois, nous utilisons 38 pistes et un computer pour le mixage. Mais pour nous, ce qui importe avant tout, c’est de continuer à sonner de manière aussi spontanée que possible. En fait, pour réaliser cet album nous avons eu trois aides de choc : Jack, notre producteur, qui partage notre sens du magique, Lee de Carlo, l’ingénieur du son, qui a conçu le studio, et Bill Freesh, son assistant. »
Dans l’enceinte insonorisée du Record Plant, le temps ne sait plus nous alpaguer. Les Knack sont de charmants garçons, pas des dragons comme la presse U.S. le laissait supposer. Avec ce « Round Trip», ils ont appris à maîtriser la technique du studio. Le son créé par Jack Douglas surpasse de très loin la dernière production du Commander Chapman, cet Australien à l’esprit kangourou qui croit encore aux mythes du showbiz. Sharona vient d’arriver dans le Studio. Elle est brune et un peu timide ; ‘adolescente a grandi, comme le groupe dont elle est la mascotte. Petit Knack redeviendra grand, si les critiques lui prêtent vie. D’ailleurs, à ce sujet, Berton et Doug ne manquent pas d’humour. Sur le hit du LP «Pay the Devil », ils règlent leurs comptes avec la rock-critique :
« Everybody’s got to read the reviews/ ooo baby ooo even you/ Got to learn to give the Devil his due». Good luck kids! Moi, je récupère mes cornes auto-collantes de rock- Méphisto, une bise à la charmante Sharona, et je sors me confondre avec la tiédeur de la nuit californienne: mais je crois bien que, cette fois, j’ai pigé… le truc.
Publié dans le numéro 162 de BEST daté de janvier 1982