Jerry Cantrell à l’Alhambra
Mercredi 22 juin 2022, Jerry Cantrell, fondateur d’Alice In Chains, le groupe culte de Seattle au bel univers influencé par Black Sabbath et Led Zeppelin, a électrisé l’Alhambra et selon notre rock reporter favori JCM ce fut vin Dieu une messe noire sous haute tension électrique entrecoupée de réels moments de grâce.
Par Jean-Christophe Mary
Il est 21h00 à l’Alhambra. Les lumières se tamisent alors que le light show illumine le fond de scène. Des néons électriques se mettent en action et embrasent l’espace. Un à un, Jerry Cantrell et ses musiciens font leur entrée sous les acclamations du public. Deux ans que l’américain n’avait pas joué à Paris. La dernière fois, c’était à l’Olympia, le 23 mai 2019 avec Alice In Chains. Inutile de dire que ce soir dans la petite salle de l’Alhambra, l’ambiance est aussi chaleureuse que bonne enfant. Lunettes et chapeau noir, veste en jeans et cheveux longs, Jerry Cantrell ouvre le set avec « Atone» titre issu de son dernier album Brighten (2021).
La tension monte d’un cran lorsque le guitariste attaque « Them Bones », titre emblématique d’Alice In Chains extrait de Dirt (1992). Si la question que tout le monde se pose est : jouera t il ou non quelques titres d’Alice In Chains ? La réponse est oui. Et pas qu’un seul. Le show alternera d’ailleurs entre titres extraits des quatre albums solos de Jerry Cantrell et chansons emblématiques d’Alice In Chains. Sur le puissant « We Die Young » la basse ronde enveloppe l’air quand les rythmiques hypnotiques et répétitives échafaudent elles un mur de son impressionnant, savamment amplifié (on pense à Tool qui était récemment à l’AccorArena). La magie opère de bout de bout grâce au charisme de Greg Puciato (chant) qui possède une voix en acier trempé. Sur « Sea of Sorrow », mélodie torturée pleine d’angoisse, les guitares deviennent soudainement plus lourdes, pleine d’attaque. Puis Jerry Cantrell entonne trois titres issus de son répertoire solo « Cut You In » où la guitare devient aussi tranchante qu’une lame de rasoir « My Song » ballade rock aux fortes influences Black Sabbath et la magnifique ballade « Siren Song ».
En live, les chansons s’inscrivent dans la pure tradition d’un metal hard rock lourd et bluesy ce qui donne au concert ce coté magique et intemporel que l’on trouve sur « No Excuses ». Le charme opère et le public entre en transe. Les musiciens passent en revue les titres phare d’Alice In Chains tels « It Ain’t Like That, Got Me Wrong » sans oublier les classiques qui fonctionnent comme un juke box 90’s « Man in the Box, Would? ». Pour épauler le patron, Tyler Bates (guitare), Greg Puciato (chant), Gil Sharone (batterie), George Adrian (basse), Michael Rozon (pedal steel) et une jeune femme (qui remplace Jason Achilles au clavier) martèlent implacablement un à un les titres qui entrent dans une nouvelle dimension et donnent à la fois ce mélange de puissante folie destructive, de violence et de tragédie, le tout entrecoupé de moments d’accalmie. Mélodies torturées, guitares électriques qui pilonnent, Jerry Cantrell est sans équivoque l’une des fines lames du metal grunge qui balaya la planète dans les 90’s. Ballades rock cotonneuses, halo de lumières rouge sang, voilà une sorte d’hallucination auditive dont on ne se lasse pas. L’un des grand moment de la soirée est sans conteste le funeste « Down in a hole », titre déchirant où les paroles se passent de commentaires. On sent quelque chose d’étrange flotter dans la salle où rôde le fantôme de Layne Staley. Certes Greg Puciato au micro n’a pas la profondeur, ni le charisme de l’ex front man d’AIC mais on le trouvera à plusieurs reprises en bord de scène à haranguer le public, à bout de souffle sur quasi chaque fin de phrase tant il s’époumone à étirer les lignes de chant, mais sans jamais faiblir ou s’effondrer. « Down in a hole » restera un moment émouvant avec cette foule toujours plus compacte qui reprend à tue tête ce refrain fédérateur.
Au moment des rappels, la musique se nourrie de guitares encore plus lourdes, toujours plus saturées. La magie opère sur le magnifique «Brighten » et le féérique « Rooster » où le clavier fait des merveilles. Durant 1h45, les titres vont faire mouche jusqu’à « Goodbye » en hommage à Elton John. Une soirée bénie pour les quinquas nostalgiques en manque de déflagrations soniques metal grunge 80’s.