SUMMER OF SOUL ( … OR WHEN THE REVOLUTION COULD NOT BE TELEVISED)
Comme 99,9% des music lovers, j’ai toujours cru que la version « black » de Woodstock, baptisée Wattstax avait eu lieu trois ans après les « 3 jours de musique, de paix et d’amour » à Bethel, New York. Et en fait… non. On découvre aujourd’hui, grâce à un sublime documentaire réalisé par Questlove des The Roots qu’un Woodstock black s’est effectivement déroulé l’été 1969 à Harlem et ces images incroyables sont justes aussi émotionnelles que bouleversantes. Vous aussi, vous craquerez sur ce SUMMER OF SOUL ( … OR WHEN THE REVOLUTION COULD NOT BE TELEVISED) !
Bien entendu, le titre de ce documentaire SUMMER OF SOUL ( … OR WHEN THE REVOLUTION COULD NOT BE TELEVISED) est une reference directe à Gil Scott-Heron et à sa fameuse composition sur le LP “Pieces Of a Mind” de 1971 « Revolution Won’t Be Televised ». C’est aussi le titre de ce puissant documentaire réalisé par Ahmir « Questlove » Thompson des The Roots diffusé aux States sur Hulu et ENFIN disponible en France sur Disney + dès le 30 juillet. En 1969, pour célébrer la culture noire, est organisé dans un parc de Harlem un grand festival de musique qui se tient entre le 29 juin et le 24 aout. Il sera gratuit et ouvert à tous. Son nom : le Harlem Cultural Festival, très vite surnommé le Black Woodstock. Au fil des semaines se produisent au Mount Morris Park d’Harlem the Fifth Dimension, Mahalia Jackson, the Stapel Singers, Stevie Wonder, David Ruffin, Gladys Knight & the Pips, Mungo Santamaria, Ray Barretto, Nina Simone, BB King, Hugh Masekela et bien d’autres. Pour le concert de Sly and the Family Stone du 29 juin, craignant des incidents, la police de New York, le NYPD, refuse d’assurer la sécurité au Mount Morris Park et ce sont les Black Panthers qui s’en chargent. Mais tout se déroule parfaitement pacifiquement ce soir-là, ainsi que tous les autres soirs de l’évènement.
Un des promoteurs du show, Hal Tulchin a tourné tous les concerts mais sur les 40 heures de films amassés, une heure seulement de ces rushes ont émergé à l’époque sur WNEW TV une chaine locale. Le reste des images, malgrè les efforts de Tulchin demeurent inédites à ce jour. Pire, le Festival tombe carrément dans l’oubli, éclipsé trois ans plus tard par celui que nous avons toujours connu comme le « Woodstock Noir », Wattstax, donné au LA Coliseum avec les stars du fameux label soul de Memphis. Car à la différence de ce Harlem Cultural Festival, le label Stax était derrière et a pu financer non seulement un double LP live mais aussi et surtout un film « Wattstax » sorti en 1973. La messe était dite, le tout premier Black Woodstock pouvait retomber dans l’oubli… jusqu’à ce qu’Ahmir « Questlove » Thompson exhume à la Indiana Jones ces précieuses images qui ont passé un demi-siècle à prendre la poussière sur une étagère.
Nous sommes au Mount Morris Park Harlem et ce soir du 20 juillet 1969 il pleut. La foule est juste une mer de parapluie qui s’agite et même sur scène un type est obligé de tenir un parapluie au-dessus de la tête de Stevie si jeune. Il n’avait alors que 19 ans, plus du tout Little Stevie Wonder mais pas encore Stevie, car il lui faudra encore attendre deux ans, soit la majorité légale, pour s’affranchir de la tutelle artistique de Berry Gordy . Ce jour-là à Harlem, Wonder est juste wonderful (merveilleux) dans sa chemise à jabot jaune canari. Lorsqu’il se déplace sur la scène pour s’approcher de tel ou tel musicos, il pleut tellement que le porteur de parapluie suit pas à pas. Mais le plus incroyable c’est ce public. Des hommes, des femmes, des enfants, des vieux, des jeunes, tous élégants et cool dans leurs vêtements, dignes, heureux comme jamais, soudain libérés par le pouvoir de la musique. Une voix off raconte : « ce jour-là nous sommes arrivés très tôt au parc pour profiter du show », puis éblouissant dans son costume blanc et sa chemise de satin rose
Tony Lawrence, qui joue les Monsieur Loyal du Festival, monte sur scène pour présenter les Chamber Brothers. 50.000 personnes sont réunies sous le soleil dans le parc. Et le pouvoir de la soul fait le reste. Des images d’archives prises à Harlem se superposent aux musiciens et à la foule. Le documentaire est mêlé d’interviews de participants, qui ont du mal à cacher leur émotion à la vue de ces images qu’ils redécouvrent un demi-siècle plus tard. Il se replace aussi dans un contexte historique qui a vu disparaitre tant de leaders proches du combat pour les droits civiques assassinés l’un après l’autre. John Kennedy en 63, Malcolm X en 65, Martin Luther King et Robert Kennedy en 68. Un an plus tard, durant ce Harlem Cultural Festival après tant et tant de larmes, les sourires renaissent sur les visages.
Tony Lawrence était à la fois proche des politiciens, comme John Lindsay le maire de New York, ce qui lui permettait de décrocher les autorisations nécessaires, et également proche des artistes et ainsi créer une belle affiche pour son festival qui avait l’ambition de durer six week-ends consécutifs tout au long de l’été. Il avait aussi un certain sens du business, qui lui permettait de décrocher de solides sponsors tels que les cafés Maxwell House. Et c’est ainsi que sans argent, sans budget Hal Tuchin parvient néanmoins à tourner en 16mm l’intégralité des concerts. Et nous succombons à la puissance messianique du blues des Staple Singers. Ou aux transes envoutées quais vaudou de Clara Walker & the Gospel Redeemers. Sans compter la diva Mahalia Jackson et sa voix façon tornade blues. « Nous etions si excités à l’idée de se produire au Harlem Festival, que nous avons fait une prière juste avant de monter sur scène », raconte aujourd’hui Gladys Knight. Avant de retrouver sa performance décoiffante de « I Heard it Through the Grapevine », tandis que les Pips, ses trois choristes males, virevoltent dans leurs costumes crème impeccables. On fond également sur le funk psychédélique de Sly & the Family Stone et la coolitude de son hymne anti-raciste « Everyday People ».
Sur le génie de Stevie Wonder époustouflant virtuose sur son piano électrique ou Nina Simone prêtresse envoutante qui met littéralement en lévitation le parc de Harlem. Les derniers mots du film, prononcés par un spectateur sont à la mesure de l’évènement : des années durant j’ai cru que toute cela n’était qu’un rêve. Grace à vous, désormais, j’ai enfin la certitude que tout cela s’est bien passé. » Avec ce SUMMER OF SOUL ( … OR WHEN THE REVOLUTION COULD NOT BE TELEVISED) black est particulièrement beautiful et retrouve enfin la lumière. Sublime !
Spéciale dédicace à Yazid » les bons tuyaux » Manou pour m’avoir fait découvrir cette merveilleuse pépite…
Disponible sur Disney + dès le 30 juillet