SPARKS « The Girl Is Crying In Her Latte »
C’est comme si le temps avait suspendu son vol, dès la chanson-titre qui ouvre ce 25ème album des Sparks on replonge un demi-siècle en arrière aux confins de « Kimono My House » ou de « Propaganda » et l’on se dit que le super pouvoir des frères Mael se résume en une seule maxime : c’est que rien ne change pour que tout change. Et c’est sans doute pour cela qu’on aime autant ce vibrant « The Girl Is Crying In Her Latte » riche en hits et en surprises qui swingue joyeusement entre techno, opéra et pur bliss.
Les Sparks et moi c’est une très longue histoire d’amour (Voir sur Gonzomusic LES SPARKS À PARIS ) lorsque dés mon arrivée à BEST j’avais mis un point d’honneur à rencontrer Ron et Russell, héros de mon adolescence rock. Et, forcément je n’ai pas été déçu, captivé par leur folie douce, leur humour corrosif et leur hallucinante fraternelle complicité, au point qu’il m‘a fallu quelques années pour réaliser qu’ils n’étaient pas faux jumeaux comme je l’avais toujours supposé, bien mais ainé et cadet avec seulement 14 mois de différence entre leurs deux dates de naissance. Et puis entre nous, il y avait aussi cet amour immodéré pour humour feuj et provoc de Lenny Bruce, Woody Allen ou encore le Charlie Chaplin du « Le Dictateur » – la moustache de Ron -. Bref, c’est dire combien un nouvel album des Sparks ((Voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/?s=Sparks ) est toujours un évènement majeur pour moi. Et ce fulgurant 25ème épisode des aventures des natifs de Pacific Palissades à LA n’échappe pas à la règle. Dès le premier morceau, la chanson-titre si délicieusement répétitive « The Girl Is Crying In Her Latte », le génie des Sparks entre en action furieusement décalé, puissant, si humoristique et musicalement synthétique. On songe immédiatement à une composition telle que « Bon Voyage » sur « Propaganda ». Puis c’est au tour de l’entêtante « Veronica Lake », en hommage à la femme fatale d’Alan Ladd dans les années 40, de nous captiver. Mais c’est avec la puissante « Nothing Is As Good As Theys As It Is » que les frangins renouent avec l’aspect le plus tubesque des Sparks, dans la foulée de la fantasque « Hasta Manana Monsieur » ou de « Falling In Love With Myself Again ». En les rencontrant à l’aube des années 80 j’avais déjà noté leur penchant irrésistible pour les objets les plus hétéroclites, y compris les escaliers mécaniques des Galeries Lafayette. 50 ans plus tard Ron et Russell signent une chanson loufoque intitulée « Escalator » et vous comprendrez aisément que je ne sois guère surpris. Francophiles les Sparks ? Vous rigolez… non seulement le duo de LA avait jadis vocalisé avec les Rita Mitsouko, mais ils ont toujours développé une relation toute particulière avec ce public Français qui les soutient depuis leur fameux « This Town’s Aint Big Enough For Both Of Us », mais la culture française les a toujours aussi fasciné et cette étrange « The Mona Lisa’s Packing, Leaving Late Tonight », soit » La Joconde fait ses bagages et part tard ce soir » le prouve de manière cinglante à travers les vocaux démultipliés de la voix de Russell.
Avec la love song décalée « You Were Meant For Me », on est en plein trip modèle Depeche Mode sous LSD… mais à l’Opéra Sparks, et on notera au passage que les brothers ne sont jamais à cours de ressources dès qu’il est question d’imagination ; et aussi alternatif qu’il soit, ce titre-là n’en constitue pas moins un tube, certes intelligent, mais néanmoins largement à portée de tous. Plus classique et même au sens musical du terme, porté par une cohorte de violons, la vox de Russell tapis-volante intensément fantasque et au-dessus de la mêlée dans ce « flou artistique » climatique de « Not Well-Defined ». Contrairement à son titre « We Go dancing » ne renie pas du tout avec « N°1 Song In heaven » ou encore « When i’m With You »… non non non, on est au contraire chez les Sparks arty, ceux qui affichent leurs chansons comme autant d’œuvres qu’on aimerait voir exposée au LACMA Museum. Back to pop life avec « When You Leave », merveilleuse ode sucrée-salée comme Russell sait si bien les faire, cette fois vouée à l’art de la rupture dont le thème répété ad lib rentre dans la tête comme dans du beurre… le tout sous les cascades de synthés de Ron l’expert. Puis retour au quasi opéra si cher aux Mael avec « Take Me For A Ride » sorte de chevauchée fantastique vocale façon Puccini sous champis. Presque un intermède voix et cordes la naïve « It’s Sunny Today » pourrait être leur « Here Comes the Sun », qui sait ? Là on n’est même plus chez DM mais carrément dans la techno avec l’ahurissante et néanmoins bondissante « A Love Story » qui me surprend autant que lorsque j’ai découvert pour la première fois le « There’s More To Life Than This » de Björk… bref, du tube acier chromé et du solide. Avec la très surprenante balade « It Doesn’t Have To Be That Way » les Sparks se déguisent en Cat Stevens voire même en Beatles période grandiloquente de « Sgt Pepper’s » – sans oublier un zeste de Monty Python- et franchement de mémoire d’aficionado, je n’avais jamais rien entendu de tel. Sans doute LA révélation de l’album. Et tout s’achève comme dans les comédies musicales par « Gee That Was Fun » ( C’était sympa ) d’abord mélancolique et lente qui peu à peu prend de la vigueur tel le Grand Finale d’une œuvre rock magistrale. Ce qui n’est guère surprenant, les Sparks n’ayant jamais manqué de faire des étincelles. 😜