ROMEO + JULIET AU CHATELET

Romeo + JulietC’est sans doute la plus célèbre histoire d’amour de l’univers qui nous séduit depuis toujours par son issue dramatique, mais cette fois « Roméo + Juliet », porté par une relecture particulièrement iconoclaste et novatrice de Matthew Bourne, qui enchante littéralement le Châtelet , où le chorégraphe British si imaginatif ose carrément bousculer cette  fameuse tragédie Shakespearienne, tout comme la partition de Prokofiev, pour en faire une œuvre puissante à (re) découvrir sans tarder. 

Romeo + JulietPar Jean-Christophe MARY

 

Après « Le Lac des Cygnes », « Casse-Noisette », « La Belle au bois dormant » et « Cendrillon », un nouveau blockbuster du ballet revisité par Matthew Bourne est présenté ces jours-ci au Théâtre du Châtelet. L’action se déroule dans l’Institut de Vérone, une sorte d’hôpital psychiatrique conçu pour incarcérer des jeunes filles et jeunes hommes à problème. Dans cet établissement à la rigueur militaire, ils sont soignés, éduqués par un psychiatre et une infirmière, et supervisés par un garde, l’impitoyable Tybalt. Roméo (Paris Fitzpatrick) est abandonné par ses parents politiciens, qui n’ont pas le temps de s’occuper de lui. Et c’est tout là l’angle choisi pour cette relecture de cette histoire intemporelle qui raconte la découverte adolescente et la folie du premier amour. Le chorégraphie de Matthew Bourne détourne le conflit fratricide des Montaigu et Capulet en un conflit de générations, l’adolescence contre le monde des adultes. Le décor conçu par Lez Brotherston rappelle le film « Vol au-dessus d’un Nid de Coucou ». Sur le plateau se dressent d’immenses grillages et un mur à carreaux blancs en demi -cercle, tout en surface lisse, avec des grilles e d’aciers ou des escaliers ne mènent nulle part. Ce décor froid et minimaliste a été ainsi conçu pour laisser une large place aux mouvements des danseurs.

Romeo + JulietTout au long des trois actes, les personnages, tous vêtus de blanc sauf le redoutable Tybalt (Matthew Amos) vêtu de noir, vont s’efforcer de rompre avec l’uniformité qui leur est imposée, introduisant ici des coups de tête, là des mouvements de bras dans leurs marches mécaniques, tirant leurs membres dans des étreintes interdites, tentant d’arracher un baiser à l’insu des gardes. Le message que veut faire passer le chorégraphe est clair : l’amour et le sexe sont puissants et menacent le monde adulte qui veut que les jeunes gens se conforment à ses règles et son autorité. Ce propos est illustré dans cette scène intense où Roméo (Paris Fitzpatrick) rencontre Juliette (Monique Jonas) lors d’un bal organisé par la révérende Bernadette Laurence. Les amants s’enlacent comme des enfants, fascinés, sous une énorme boule disco scintillante. Mais autour d’eux, leurs camarades s’enfoncent dans le sol, leurs corps captant le poids et le rythme de la partition de Prokofiev tandis que le couple transgresse l’interdit et se fond dans une passion des plus charnelle. De bout en bout la chorégraphie recentre le propos sur une jeunesse en rébellion contre l’autorité d’un monde adulte, révolte qui prend corps ici grâce à l’énergie explosive apportée par les danseurs. Dans ce lieu clos, les patients sont solidaires les uns des autres, car ils sont embarqués dans la même galère. 

Romeo + JulietAu sein de ces tableaux réglés au millimètre, les danseurs expriment avec dynamisme et intensité leur colère et leur frustration sur le rythme martial de la Danse des Chevaliers (qui est décliné ici sous plusieurs formes), quand Roméo et Juliet exultent leurs pulsations sexuelles tels des amants maudits dans leurs dortoirs séparés, jusqu’à la macabre scène finale. Les scènes sont impressionnantes notamment celle où les pensionnaires jouent avec des chaises, souvent dramatiques comme celle du viol de Juliet, ou encore celle où Tybalt tue Mercutio d’un mouvement rapide, féroce et frénétique quand d’autres déclenchent le rire des spectateurs quand Roméo est déshabillé puis rhabillé par ses camarades à son arrivée à l’asile. Paris Fitzpatrick et Monique Jonas forment un magnifique tandem. Leur rencontre au bal, leur escapade dans les dortoirs et bien sûr la scène du balcon, leur composition est vraiment touchante. Les deux danseurs expriment à merveille leur frustration, ce puissant désir dû au manque d’affection dont les deux personnages ont été privés. Partition de Sergueï Prokofiev brillamment réorchestrée par Terry Davies, décors froids et costumes colorés de somptueuses lumières, tout concourt ici à vous coller frissons et émotions. Les tableaux plus sont poignants les uns que les autres, jusqu’à l’horrible scène sanglante finale. Ces 20 nouvelles représentations devraient récolter les faveurs du public. Pensez vite à réserver.

 

Romeo + JulietRomeo + Juliet

Théâtre du Châtelet jusqu’au 28 mars 2024

 

Vous aimerez aussi...

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.