PUNK MUSULMANT FUMANT ET POP STAR LA SAGA TRISTAN ÉPISODE 2
Cela fait déjà 33 ans qu’il est « de bonne bonne humeur ce matin », cependant Tristam Nada alias Tristam Diquatrostagno alias Tristam-tout-court a bien des cordes à son arc. Chanteur des légendaires punks hexagonaux les Guilty Razors, peintre au sein du fameux collectif les Musulmans Fumants ou en solo, chanteur pop détenteur du fameux hit « Bonne bonne humeur ce matin », à 63 ans l’artiste parisien enchaine les expos et voit enfin disponible son catalogue de chansons sur toutes les plateformes. Épisode 2 : De « Bonne bonne humeur ce matin » à « Pimp my croute ! »… en passant par les vaches !
C’est dans son atelier de Montreuil que je retrouve Tristan parmi ses œuvres. Couleurs dans tous les sens, bric à brac résolument rock and roll, figurines un peu partout et joyeux bordel, décidément l’univers de Tristan lui ressemble étrangement. Et même si nous ne nous sommes pas croisés depuis quelques décennies, dans un tapissage de commissariat j’aurais sans peine reconnu sa bouille d’éternel titi parisien. Je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter Tristam Nada alias Tristam Diquatrostagno alias Tristam. On l’a découvert avec sa formation punk au crépuscule des 70’s, les fameux Guilty Razors. Puis changement de décor, en 81 Jean-Baptiste Mondino sort son fameux single « La danse des mots » et me tanne pour que je fasse un papier sur le collectif de peintres qu’il avait enrôlé pour sa vidéo. Vu qu’ils avaient un nom incroyable et que de surcroit pour avoir été journaliste à Actuel, je connaissais le travail des Musulmans Fumants. Retour à la chanson pop en 88 avec son hit inoxydable « Bonne bonne humeur ce matin », après un album chez Dreyfus, le label de Christophe et de Jarre, Tristan se consacre désormais exclusivement aux arts graphiques. Voici le premier volume de sa saga… Épisode 2 : De « Bonne bonne humeur ce matin » à « Pimp my croute ! » en passant par les vaches !
Après l’épisode 1, voici la seconde partie de notre saga Tristam en retour vers le futur des Musulmans Fumants…
« Comment on se partage les rôles ou comment ça s’équilibre quand on fait un groupe de peinture, comme on dirait un groupe de rock ?
En fait ce qui est intéressant, c’est qu’on a tous un style bien particulier, bien différent, sauf qu’on a une harmonie sur les couleurs. Par exemple, quand on fait un tableau comme 8 m par 8 on se creuse un peu la tête pour trouver une idée, on n’attaque pas direct comme un gros balourd ; on fait une petite maquette avant. Là, en l’occurrence, on avait fait une grande étoile à cinq branches dans un rond et chacun s’est approprié une partie selon son style. Ce qui était bien c’est qu’on mélangeait soit Waty avec moi, soit moi avec Francky Boy. Et surtout, il y avait toujours une harmonie de couleurs, même si le styles étaient totalement différents.
Tu veux dire que les couleurs servaient de trait d’union, d’unité.
À l’époque, on avait tous le même le même fournisseur de peinture et en gros, à part moi à l’époque, ils bossaient vraiment avec les couleurs sorties du pot. Moi, j’ai toujours fait des trucs réalistes, avec des dégradés, c’est mon influence peinture classique. Waty faisait des mandalas tibétains, des trucs hyper symboliques avec des étoiles, des ronds, des machins. La couleur créait le lien, mais on s’arrangeait aussi pour inventer des trucs harmonieux.
Dans les groupes de rock souvent on se fout sur la gueule…vous vous foutiez sur la gueule ?
Ça arrivait, oui. Moi je suis très sociable, mais les autres… Langlade, Waty et moi étions partis à Marseille faire la fête de la musique. On s’est retrouvés avec la Furia Del Bauhaus, on faisait une grande toile, pendant que la Furia faisait le spectacle en bas. Ils avaient greffé des sièges de chiottes sur des Solex et ils se battaient comme des chevaliers. On devait rentrer le lendemain à Paris mais on s’est engueulés et je me suis retrouvé tout seul à Marseille, car je faisais la gueule. On dinait et on s’est énervé, je suis sorti de table et j’ai déambulé tout seul dans la nuit comme un pauvre hère. J’ai quand même trouvé des gens qui m’ont hébergé chez eux et j’ai dû prendre un train pour rentrer à Paname tout seul comme un con.
Comment es-tu passé du concept à plusieurs à « je fais mon truc tout seul » ?
Je continue encore à faire des trucs avec d’autres artistes, même si Waty n’est plus là, avec Francky par exemple. Soit on fait des expos en commun, soit des tableaux en commun. Et quand on faisait des expos on ne faisait pas que des tableaux à plusieurs, on faisait aussi nos trucs à nous. Avec le temps et le travail tu t’améliores. J’ai toujours travaillé d’après photo. Je faisais des montages un peu aléatoires où je posais trois photos côte à côte. Aujourd’hui, je travaille avec l’ordinateur, je fais des montages et après des calques pour aller sur la toile. Et surtout maintenant chaque expo a un thème précis et à chaque fois j’essaye de trouver un truc nouveau. Je ne démarre pas une expo sans avoir fait une vingtaine de dessins préparatoires. Et quand j’attaque, les toiles tombent les unes derrière les autres. Je sais exactement où je vais et combien de tableaux je vais faire. La dernière expo c’est un peu spécial, c’est mon concept « Pimp y croute », c’est-à-dire que j’utilise des croutes, des tableaux sans intérêt que je re-customise à ma sauce. Je sais que j’ai payé le plus cher 100€ et encore parce que j’avais avec un super beau cadre ancien, mais sinon ce sont des tableaux que j’ai chinés entre 33 et 20 €, des mochetés sur lesquels je repasse bien entendu largement.
Et au milieu de tout ça, tu deviens un chanteur à succès incroyable, non ?
En fait, on habitait à l’époque dans le 10ème, rue du Faubourg Poissonnières chez Waty et on était voisins avec Pierre Grillet. Pierre Grillet pour vous rafraichir la mémoire, c’est celui qui a co-écrit « C’est la ouate », « A cause des garçons », « Madame rêve » pour Bashung. Il est parolier et il a aussi fait des scénarios de films tout comme il a écrit des romans. C’est un écrivain, au sens large du terme. Pierre, depuis quelques temps venait me voir pour me demander des contacts, sachant que je traînais toujours dehors, que je rencontrais un nombre hallucinant de personnes. Ce qui était vrai car chaque fois que je sortais de chez moi, je rencontrais quelqu’un que je connaissais. Il me disait : tu connais pas un Black qui sait chanter ? Alors je lui répondais : tiens, va voir machin. Le coup d’après, il me disait : là je cherche un couple. La fois suivante c’était un gamin. Finalement, au bout d’un moment, il vient me voir et me dit : mais au fait, toi t’as été chanteur dans le temps ? Je lui fais : ouais. Et là il me balance : tiens, on va essayer un truc. Et il me propose « Bonne humeur ». Bon, sauf qu’à l’époque, la chanson avait été écrite sur mesure pour un chanteur gay et les paroles, c’était tout de même « un jeune garçon au petit déjeuner, c’est sympa ». Forcément, cela ne collait pas du tout avec moi. Mais heureusement on a retravaillé tous les deux les paroles. C’est devenu « Bonne bonne humeur ce matin » et on est parti enregistrer dans un petit studio situé aux Halles.
Mais la musique justement, qui l’avait composée ?
Elle a été faite par un certain Michel Bassignani qui n’a jamais rien fait d’autre et qui a un peu disparu. Puis on est parti avec notre truc sous le bras notre espèce de rap. À l’époque, dans le genre il n’y avait eu que Chagrin d’Amour. Il n’y avait même pas NTM, Didier était encore coursier, on se fréquentait à l’époque. Et nous, on osait faire une espèce de petit pseudo rap à deux balles. On était parmi les premiers
Oui, les tous premiers en France c’était le duo Destroy Man et Johnny Go sur lesquels j’avais fait un papier dans BEST à l’époque ( voir sur Gonzomusic https://gonzomusic.fr/les-premiers-rappeurs-du-monde-made-in-france.html )
Tu as raison, ma copine de l’époque Eva l’appelait Joe Nigaud (rire). Les deux étaient vraiment sympa. Ils trainaient tout le temps aux Bains-Douches. En même temps, ils n’avaient pas inventé le fil à couper l’eau chaude, mais c’était eux les premiers avant NTM et IAM à Marseille. Et donc on va de maison de disques en maison de disques pour leur faire écouter ,mais on se fait jeter de partout avec notre parlé-chanté vaguement rap. Et puis en dernier recours, Pierre Grillé et un autre producteur, Jean-Francois Fréret étaient en deal avec le label Dreyfus de Jean Michel Jarre et de Christophe. Un peu par pitié Francis Dreyfus nous signe et on sort le truc. Et là, miracle ! On prend deux attachées de presse, quand même. C’était la crème des attachées de presse, elles connaissaient tout le monde. Tu vois c’était encore l’époque un peu Old School. C’était Michèle Sebagh et Marie Martine Florian. Et les deux ont fait un boulot de ouf. Elles ont assuré dingue et un jour elles vont donner le disque à Nagui, qui à l’époque était la vedette à RTL avec en plus une émission l’après-midi sur M6. Nagui tombe amoureux du morceau et va voir sa patronne à RTL, Monique Lemarcy et lui dit : ce disque-là, tu le mets tous les jours et si ça ne marche pas tu peux me virer ! Et là on passait à fond sur RTL et tous les autres diffuseurs ont suivi. Même ces connards de NRJ évidemment, avec l’autre machin ont quand même raccroché au wagon. On a fait une un remix avec Dimitri et un maxi et là c’est parti au sommet. On était même devant Michael Jackson, c’est dire.
Hélas, tu ne touches aucune royauté là-dessus car tu n’as ni écrit ni composé « Bonne bonne humeur ce matin » ?
Voilà, je ne suis ni auteur, ni compositeur. Je ne touche que l’ADAMI. Je n’ai pas lutté, c’est vrai. Autant Caroline Loeb je sais qu’elle s’est battue pour avoir la co-signature de « C’est la ouate », autant moi j’étais vraiment dilettante à l’époque et je m’en foutais un peu. C’était une expérience comme ça, tu vois.
Oui, mais quand tu penses Caroline Loeb, c’est la MAAF et Princesse Erika avec MMA… les deux arrivent à vivre avec l’adaptation publicitaire de leur tube !
Ah ouais ça va peut-être arriver avec « Bonne bonne humeur ». Pierre Grillet m’a promis que si ça arrivait, il me mettrait co-auteur. Mais la bonne nouvelle, c’est que BMG, qui a racheté Dreyfus a ressorti mes chansons, y compris en physique et en vinyles.
De la chanson à l’art graphique, Tristam… sa vie… son œuvre !
En fait, tout s’est passé quand je suis venu m’installer à Montreuil. Après bonne humeur, on a fait un album. J’étais avec ma copine de l’époque qui s’appelait Jennifer. On est restés 7 ans ensemble et quand on s’est séparé, ça a été électrochoc pour moi, comme ça arrive souvent ? Du coup, je suis parti aux États-Unis pendant un an, j’ai habité là-bas, voilà. J’ai vécu à New York, je suis parti un peu à droite, à gauche, en Floride, puis en Virginie. Bon, après j’ai fini par avoir le mal du pays, donc je suis rentré, j’ai recommencé à faire un peu de peinture. Et là je retrouve des potes qui ont récupéré une grande usine, là où nous sommes aujourd’hui, à Montreuil et qui me prêtent un atelier, un vrai où je peux travailler sérieusement, pour la première fois de ma vie. Pouvoir enfin commencer une peinture à droite, puis une autre à gauche, foutre le bordel et tout ce que je ne pouvais pas faire dans mon petit appart.
C’est là que j’ai commencé à faire un concept par expo. La première que j’ai fait s’appelait Heat Parade. Et en fait, chaque tableau portait le titre d’un morceau de rock. Et cela je l’ai fait sur deux ans avec 33 toiles, comme 33 tours. Après, j’ai lancé un autre concept baptisé Collector’s Edition avec que des fausses couves de magazines. Chaque expo avait un véritable thème qui me permettait de me concentrer, d’avoir un cadre sans que cela soit pour autant rigide.
Une vraie construction ?
Exactement. C’est ce qui donne de la force à l’expo, en fait. J’ai un style, on reconnaît tout de suite ma peinture. Car il y a un truc qui pour moi est le plus important dans la peinture, c’est une harmonie, une cohérence.
Prochaines expos ?
Il y en a une sur le thème « Les enfants sont formidables » et ce ne sont que des tableaux, petits et moyens, qui ne font pas plus de 60 cm pour le plus grand. Et ce ne sont que des enfants avec des animaux. Le fond, c’est un aplat à l’acrylique bien propre, nickel et les personnages sont faits à la peinture à l’huile, donc ce qui donne une matière, presque du relief. Et une autre intitulée « Même pas mort » et ce ne sont que des portraits en noir et blanc, tous du même format, de gens que j’admire et qui sont morts, avec par exemple Mohamed Ali, Pollock, il y a aussi Danielle dit Ari Up , la chanteuse des Slits. Toute une série d’icônes mais ça part dans tous les sens, peinture, musique, cinéma, littérature… j’essaye d’équilibrer entre les hommes et les femmes.
Ce ne sont pas forcément des gens que tu as rencontré ?
Non. A part Anna Karina croisée un jour et bien sur la chanteuse des Slits qui était ma copine. Je vais surement faire Gainsbourg pour cette série. A côté de ça je fais aussi des sculptures peintes de chevaux et de vaches grandeur nature en résine. C’est un truc américain, ils te fournissent les vaches cela s’appelle la Cow parade, tu achètes la vache blanche et ensuite tu la peins à ta guise. J’en ai fait pas mal. »
EXPOS TRISTAM
PIMP MY CROUTE Galerie Mortier du 9 au 23 décembre
au 77 rue Amelot 75011 Paris
LIBRES FIGURATIONS ANNÉES 80 jusqu’au 2 janvier 2022
Cité Dentelle Mode, Calais
Voir sur Gonzomusic Épisode 1 : Des Guilty Razors aux années Palace en passant par Actuel… https://gonzomusic.fr/punk-musulman-fumant-et-pop-star-la-saga-tristam-episode-1.html