LA FORCE DU DESTIN À L’OPÉRA

la force du destin « Aida », « Tosca », « Don Carlo », « Rigoletto », « La Traviata », « Le trouvère »… « La Force du Destin » est un des rares opéras de Verdi dont le titre ne se réfère pas à l’un des personnages. Crée en 2011, l’Opéra National de Paris il reprend la mise en scène de Claude Auvray pour sept représentations exceptionnelles. Et c’est bien là une rare occasion de verdir … en plein hiver 🤓

la force du destin Par Jean-Christophe MARY

Lorsque le rideau se lève, Don Alvaro s’apprête à fuir avec Leonora. Hélas, les deux amants sont surpris par le père de la jeune femme. Alvaro jette ses pistolets à terre mais voilà qu’un coup de feu part et tue le père : le destin est impitoyable et se rit du sort des hommes. Grande fresque pleine de rebondissements et marquée par le thème de la malédiction, comme « Rigoletto » ou « Le Trouvère », » La Force du destin » est aussi un ouvrage ancré dans son époque. En 1861, Verdi a accepté de devenir député pour servir ses idéaux politiques. Mais le Risorgimento bat de l’aile et le compositeur est en proie au doute. Cette mélancolie noire imprègne sa partition, irriguée par le motif du destin mais aussi par l’idée de la rédemption. Dans la mise en scène de Jean‑Claude Auvray, l’opéra devient le lieu où les rêves se brisent sur le mur de la réalité, mais d’où s’élève un fragile chant d’espoir d’une beauté envoûtante ». Ce qui marque dès le premier acte, c’est la sobriété de la mise en scène. Le plateau incliné restera le plus souvent nu, tout au long de l’action. Doté seulement de quelques accessoires et meubles, le décor ressemble à une sorte de no man’s land unique, indéfini qui semble mener au néant. L’espace se modifie au cours des 4 actes par addition ou soustraction de toiles peintes, de tables, de chaises, ce qui facilite les changements d’un tableau à l’autre et permet une fluidité au récit.

la force du destin Répondant à une demande du Tsar Alexandre II, Giuseppe Verdi avait composé cette œuvre à partir d’un drame romantique espagnol, « Don Alvaro O la fuerza del sino » co-écrit avec son librettiste Francesco Maria Piave. La Force du Destin est l’un des très rares opéras de Verdi dont le titre ne réfère pas à l’un des personnages. Il résume le propos en une idée abstraite « le destin » et nous renvoie un concept méditatif et philosophique : le destin serait une impitoyable machine qui attire les héros sur des voies contraires, sans lutte possible, les broyant irrémédiablement. Dans cet opéra, il n’y a qu’un seul véritable acteur : le Destin lui-même. Les protagonistes n’en sont que les jouets. On y entend autant la voix du peuple italien, les plaintes et les malheurs des pauvres gens que les prières des moines, les cris et les fureurs guerrières tous pris par les fourches caudines de la volonté divine. Le metteur en scène situe l’action en 1861 à l’époque du Risorgimento comme le montre les magnifiques costumes d’époque signés Maria Chiara Donato et surtout le « Viva V.E.R.D.I. » tagué sur un mur lors des scènes qui se situent en Italie.  Si le livret s’inspire des œuvres espagnoles du XVI et du XVII siècle, basées sur la violence, les horreurs de la guerre, la haine, la vengeance, la foi et la mort, le texte possède toutes les vertus du mélodrame romantique italien.

la force du destin La distribution est dominée par la soprano Anna Pirozzi qui campe une Leonora absolument majestueuse. Leonora sur qui repose l’action, est le personnage central, le plus intéressant, car riche de ses contradictions. Son éducation religieuse fondée sur l’honneur et le péché, la voue au repentir et au désespoir éternel. Timbre séduisant, sens aigu de la nuance, capable de côtoyer les sommets, puissance sonore impressionnante, Anna Pirozzi nous offre de purs moments de grâce. La musique de verdi s’accorde parfaitement à la voix de Ludovic Tézier qui reçoit les ovations du public. Il campe avec force et détermination un Don Carlo obnubilé par le désir de vengeance. Son interprétation vocale est sublime comme en témoigne les applaudissements et cris enthousiastes du public sur « Urna fatale ». La direction d’acteur est pleine de souffle, dans les airs et les duos comme le témoigne la scène entre Leonora-Anna Pirozzi et le Padre Guardiano campé par Ferruccio Furlanetto. Le timbre sombre et chaleureux de Ferruccio Furlanetto donne au personnage du Padre Guardiano une stature imposante pleine de bienveillance, notamment lors de l’acte deux. Le baryton Nicola Alaimo campe lui un Fra Melitone cancanier, râleur, insensible à la misère d’autrui. Le rôle de Preziozilla convient parfaitement à la mezzo-soprano Elena Maximova, rôle dans lequel elle excelle notamment sur « Viva le guerra » et le « Rataplan ». On salue l’excellente prestation du chœur préparée par la cheffe des chœurs Ching-Lien Wu, un ensemble toujours à la hauteur de sa réputation tout comme l’orchestre dirigé de main de maître par Jader Bignamni. Si on ajoute à cela un mariage de costumes vifs et chatoyants inspirés de ceux de l’Italie du XIXe la musique imposante et majestueuse de Verdi, ces sept nouvelles représentations raisonnent déjà aux airs de triomphe.

Du 12 au 30 décembre 2022.

Opéra Bastille, place de la Bastille, 12 e. Tel : 0 892 899 090 à 19h.

 www.operadeparis.fr

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