GASPARD AUGÉ « Escapades »
Trois albums électro révolutionnaires, des méga-tubes planétaires récupérés par le cinéma, la télé et la pub, des tournées mondiales et puis…plus rien. On désespérait de réentendre un jour le duo Justice, soit Xavier de Rosnay et Gaspard Augé, sorciers du mix et empereurs du groove qui mis à part quelques excursions live derrière les platines, disparurent de la circulation en 2016. C’est donc avec un plaisir extrême qu’on apprend le retour de la moitié de Justice, Gaspard Augé pour une escapade en solitaire. Retour d’autant plus satisfaisant que le bien nommé « Escapades » reprend l’histoire là où il l’avait laissé, autrement dit juste après le fabuleux « Woman ».
Par Jean-Christophe MARY
En publiant aujourd’hui ce premier effort solo, Gaspard Augé persiste et signe dans une voie aussi charnelle et organique. Le compositeur aux bacchantes de viking est devenu au fil des ans un compositeur doué et sensible. « Escapades » en apporte la preuve avec cette nouvelle collection de musiques bouleversantes où les synthés analogiques, arpégiateurs et autres machines robotiques livrent ici toutes leur humanité. Un rapide coup d’œil à la pochette et nous voilà replonger dans l’imagerie esthétique des 70s avec ce diapason géant en forme de clin d’œil au “Tubular Bells” de Mike Oldfield. Dès le premier titre, la patte sonore de Justice transparaît, de manière évidente. « Force Majeur » donne le ton avec ses arpégiateurs à la Giorgio Moroder, ses grosses basses électro funk. On retrouve cette utilisation habile de la structure, tout aussi importante pour composer une musique que pour concevoir un bâtiment. L’architecte sonore Gaspard Augé construit, innove, continue de dessiner les lignes d’une électro poétique et langoureuse, dont il a seul le secret mais une électro house, qui respire une époque révolue, celle des années 1980. « Rocambole » enfonce le clou avec ses basses dansantes ses claviers rebondissant qui fera la joie des playlists Spotify, Deezer et autres Napster quand « Europa » renvoie à la pop progressive planante d’un Tangerine Dream.
Dans cette immense cathédrale sonore, « Pentacle » est une messe païenne où toutes les divinités de la musique des 80’s de Cerrone à Jean Michel Jarre en passant Vangelis, PInk Floyd et Yes seraient invités à s’unir. « Hey » est un hymne explosif et lumineux, très dansant à la croisée du « Bulles « de Michel Polnareff et une BOF de Vladimir Cosma. « Casablanca » et ‘Rêverie » nous tirent doucement vers un sommeil hypnotique, nous invitent à nous étendre sur le sofa et nous ouvre la porte de rêves merveilleux et aquatiques, une sorte de plongée ssous-marine, avec ces notes de synthés cristallines, ces sonorités 70’s qui sont autant de petites bulles d’air qui voguent au gré de l’instant. « Vox » nous happe avec ces arrangements synthétiques digne du génial Moroder survolés par une voix de contreténor. Voilà un titre étonnant où Klaus Nomi chanterait sur la BOF du « Midnight Express » d’Alan Parker. Tout au long l’album, Gaspard Augé conjugue avec talent ses multiples influences 70’s et 80’sn et fabrique une bande son à l’atmosphère unique où viennent se greffer basses funk, pulsations synthètiques saccadées et autres sons vraiment surprenants. Mais sa musique est surtout construite avec intelligence et prend le parti du son aux couleurs du plaisir et de la caresse. Derrière l’apparente coolitude que laisse présager la pochette du disque avec ce paysage paradisiaque, il y a l’ordre et la rigueur, derrière l’apparente tranquillité, une présence charnelle. Ce nouvel album est un étonnant exercice de style qui va en surprendre plus d’un. Basses monumentales, arrangements croisant l’électro et voix alléchantes, la musique de Gaspard Augé demeure cette infernale machine à danser. Alors en attendant le live, voici le préambule idéal pour se chauffer.