CAPTAIN NUMAN

gary-numan-Voici 41 ans des BEST, GBD attendait de pied ferme sur le tarmac de l’aéroport du Bourget l’avion privé de Gary Numan Air, piloté par nul autre que le chanteur de « Are Friends Electric ? » lui-même, mister Gary Numan ! 23 ans et déjà cinq LP à son actif, l’ex-punk de Tubeway Army reconverti dans la New Wave synthétique parle particulièrement cash et quatre décennies plus tard ce discours décomplexé sur son public reste toujours aussi rafraichissant. Meet captain Numan. Flashback…

Gary Numan by Jean-Yves Legras

Gary Numan by Jean-Yves Legras

Trente-six albums en 44 ans de carrière et toujours en activité à 64 balais, Gary Antony James Webb, alias Gary Numan ne s’est jamais vraiment arrêté pour respirer le parfum des fleurs. Stakhanoviste sonique, le londonien synthétique après ses débuts dans la punkitude de son Tubeway Army s’est très vite rangé des camions pour pratiquer une synth-pop inventive et énergique. Le Gary Numan sanglé dans son uniforme de pilote rencontré en 81 est un charmant garçon sarcastique. Fan de Jules Verne, il a décidé de battre Phileas Fogg à son propre record, en projetant un tour du monde en seulement 44 jours. Particulièrement lucide sur sa relation avec son public, il balance : « Sur scène, je n’ai jamais voulu pratiquer le  jeu  de  la lèche  avec le public, comme tous ces crétins qui aiment d’amour 40 000 personnes  à  la  fois.  Comment pourraient-ils m’aimer pour de vrai, alors que je ne connais pas leurs noms ».

Publié dans le numéro 160 de BEST sous le titre :

 

NUMAN AIRGary Numan

Gary Numan était confortablement installé  dans  son  lit  en  train  de bouquiner. Cool un max. normal et relax dans sa propriété à l’Ouest de Londres,  à  deux  pas  d’Heathrow justement;  «Dance»,  son  dernier chérubin  polyvinylé,  venait  juste d’émettre ses premiers sons, il pouvait  respirer  un  peu  et  décoincer son col trop amidonné. « Ciel », se dit Gary, « mais que faire de tout cet argent? ». Alors, avec les royalties de ses disques précédents, il s’est payé  deux  avions  pour  constituer sa propre compagnie aérienne « Numan Air » : un  Cessna  Centurion  et  un  gros Navajo  bi-moteur.  Pour  écrire son nom dans le ciel en bien plus grand que lui, le petit Gary a passé son brevet  de  pilote  et  vroum  vroum dans  l’atmosphère  cotonneuse  de l’Angleterre. Et pourquoi pas le monde?  Numan  brûle  de  réaliser  ses rêves de gosses, ils ne sont pas si lointains. Grand fan de Jules Verne, il s’est mis dans la tête de battre Philéas Fog à son propre jeu. « 80 jours, c’est beaucoup trop long, un score  carrément  minable,  moi,  je parie que je fais mieux ». Hé, hé, continue de ricaner Numan. Il achète un autre Centurion, l’équipe d’un réservoir  supplémentaire  pour  la traversée  intercontinentale  et  débauche un ex-casse-cou de l’acrobatie aérienne pour l’accompagner dans son trip. Bob a volé pendant dix ans au sein du Rothman’s Team ; Numan  l’engage  comme  équipier pour son projet, un tour du monde en  44  jours  et  440%  mégalomaniaque.  L’opération  est  baptisée « Gary Numan World Solo Flight » :Gary Numan

« C’est une super promotion d’avoir son nom sur un avion, tout le monde remarque un truc pareil  » déclare-t-il. C’est ainsi que notre Howard Hughes en herbe décolle le 18 septembre de Londres en direction du continent. Première étape Paris : Numan suit  les  traces  de  Lindberg  sur le vieux  bitume  du  Bourget.  Et nous avec. Le plan de vol est assez impressionnant :  si tout cela n’est pas une vaste intox, Numan se prépare à dévorer les miles aériens en enfilade pendant plus d’un mois et demi : de Londres à la Grèce, en passant par Bangkok, Melbourne, Tokyo, LA et quelques autres jusqu’à  Reikjavik et Londres à nouveau le 31 octobre. L’avion  de  Numan  est  une  toute petite  chose de verre et d’alu qui crève  les  nuages  pour  descendre jusqu’à  la  piste  du  Bourget.  Son Centurion monomoteur paraît si fragile qu’il ressemble à un jouet. Lorsqu’il en descend, après s’être débarrassé de son harnachement de parachute, il apparaît dans un uniforme classique d’aviateur civil : pantalon bleu et   chemise   blanche   à   manches courtes, des galons à trois barres dorées  sur  les  épaules  et,  enfin, une  casquette  Niagara  Air  offerte par  son  instructeur  d’hélicoptère… Captain  Numan  est  splendide.  Il court sous les averses parisiennes en direction d’un baraquement où il va pouvoir, quelle chance, soulager sa vessie puis sa conscience. Pour la première, c’est au fond, à gauche, pour la seconde, on se  re trouve au bar  si  vous  le  voulez  bien.  Petit bonhomme !  Bien  propret  et  bien gentil, on dirait presqu’un adolescent ; je n’ose pas lui dire que je trouve  sa  dernière  Numanerie  un peu ennuyeuse. Gary paraît presque naïf, ne vous y trompez pas, il reste  un  personnage  malgré  ses quelques déclarations faciles :

« Ma musique paie pour mes vols et c’est  seulement  pour  cela  que  je continue   Je   n’attends   rien,   ou plutôt, je m’attends à tout parce que les  gens  ne  font  que  ce  qui  leur chante. Je ne peux pas les obliger à acheter mon disque, mais dans le même temps, si cela ne me branche pas, ils ne peuvent pas me forcer à en taire un autre. La relation entre le public et moi, ça n’est pas je vous aime/vous m’aimez, c’est une relation  basée  exclusivement  sur  un échange. Sur scène, je n’ai jamais voulu  pratiquer  le  jeu  de  la lèche avec le public, comme tous ces crétins qui aiment d’amour 40 000 per­sonnes  à  la  lois.  Comment  pourraient-ils m’aimer pour de vrai, alors que je ne connais pas leurs noms. Et puis  ces  mecs  sont  peut-être  des voleurs, des violeurs ou des tueurs. Je ne dis rien sur scène parce que je n’ai rien à  dire : de toute façon, les gens connaissent  les  titres  des chansons et ils viennent pour les écouter, pas pour t’entendre vomir un tas de stupidités banales et hypocrites. En tait, quand tu parles sur scène, tu les arnaques, tu ne fais que  gâcher  leur  argent.  De  toute façon, je n’ai  plus le temps de don­ner des concerts ».Gary Numan

Captain  Numan  a  exactement  23 ans. Il est riche et célèbre et, à ce titre, maître de ses fantaisies. S’il ne veut plus monter sur scène, il peut toujours  changer  d’avis.  Seconde visite aux toilettes. Gary revient gonflé comme un pneu radial ; il écrase Steve Strange au passage :

«Je  n’ai  rien  contre  les  nouveaux romantiques.  Sauf  Steve  Strange qui pue vraiment. Ce type n’est même pas musicien (vous connaissez l’histoire de la paille et de la pou­tre?), c’est  la  négation  de  toute sensibilité musicale. Il n’écrit même pas ses chansons tout seul : il utilise des nègres, mais c’est pourtant bien lui qui les signe ».

Sa  dernière  bombe  larguée,  Gary regagne  Numan  Air  3.  Gary  est quand même un bon élève : il vient de finir la BO de « Further Adventures of Flesh Gordon », le second volet de ce remake porno de Flash Gordon et son prochain LP est presque en boîte. Petit Gary a toujours un disque d’avance. Il calcule aussi froidement que sa musique. La dernière case de son plan de vol indique:  London 31  oct.  14  h 00.  Je suis  prêt  à  parier  qu’il  a  déjà  un rendez-vous important à 14 h 30… si les requins du Pacifique ne nous le dévorent pas.

 

Publié dans le numéro 160 de BEST daté de novembre 1981

 

 

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