Adieu Claude Villers
C’était à l’aube des 70’s, dans une France post-gaulliste arriérée, frileuse et timorée depuis les événements de mai 68, qui se méfiait tant de sa jeunesse qu’elle faisait tout pour la bâillonner, une France sans radios rock FM. Seule petite bulle d’oxygène, une poignée d’émissions, dont celles animées par Claude Villers sur France Inter comme « Pas de panique » ou « Marche ou rêve ». Hélas, après avoir pris sa retraite voici presque vingt ans, Claude Villers s’est éteint à 79 ans. Sa voix juvénile résonne à jamais dans nos mémoires, comme je n’oublierai pas qu’il m’avait donné ma toute première chance à la radio. So long Claude !
D’abord avec « Pas de panique » puis « Marche ou rêve », Claude Villers incarnait notre génération rock à la radio. Nous n’avions jamais oublié le correspondant à NY qu’il fut et qui nous avait fait partager le festival de Woodstock qu’il avait couvert de ses brillants reportages. Claude Villers était un conteur né, avec lui les histoires de l’Amérique se déroulaient comme un film en CinémaScope pour nos oreilles. Sa voix nous accompagnait chaque soir, d’abord avec Patrice Blanc-Francard, puis avec le regretté Olivier Nanteau et c’est ainsi que lorsque mon copain d’enfance Laurent Stopnicki et moi-même avions eu envie de mettre en musique les nouvelles de SF que nous écrivions, c’est bien entendu à cette voix-là que nous nous étions adressés. Et cette voix a su être aussi cool que nous l’imaginions, au point d’inviter deux ados de seize ans à le retrouver dans son bureau de la Maison de la Radio. Certes, nous n’avions jamais vu Claude Villers et au lieu du jeune homme séduisant que nous pensions retrouver, après avoir frappé dans son bureau de la Tour Ronde, lorsque cette voix familière nous a fait : « entrez », c’est un homme… heu un peu enrobé qui nous a tendu sa grosse main. Mais si Claude Villers n’avait peut être pas un physique de jeune premier, c’était un héros incontestable de la radiodiffusion française. Et le croiser était un privilège pour les deux gamins que nous étions.
Ce jour-là, il nous a présenté les deux personnes qui allaient nous aider à concrétiser nrote rêve de radio : Olivier Nanteau, qui partageai le micro avec lui à l’antenne, et la cool Monique Desbarbat qui réalisait alors l’émission. Après avoir lu nos nouvelles, Claude leur a demandé de nous trouver quelques heures de studio pour mettre en ondes nos nouvelles mixées avec du bon rock choisi par nous, et nos deux voix derrière le micro pour les raconter. Première expérience du studio, de l’enregistrement et du montage… avec Nanteau dans le rôle de l’assistant. Incroyable expérience. Dix ans plus tard, lorsque je rejoins l’équipe qui a fondé Radio 7 puis RFI au milieu des années 80, lorsque j’assurais mon émission quotidienne à cette Maison de la Radio, je me remémorais souvent cette première chance avec une immense gratitude envers Claude Villers. Après le rock, il excellera toujours sur Inter en présidant son mythique et délirant « Tribunal des flagrants délires » aux cotés de Pierre Desproges et de Luis Rego, avant de prendre la direction des programmes de RMC au début des années 80. Des années après, au détour d’un article je découvre que Villers n’était pas Villers mais Claude Marx. Passionné de voyages, il animera plusieurs émissions de globe-trotter, avant de prendre sa retraite en 2004. Claude Villers s’est éteint voici deux jours et j’apprends seulement cette triste news aujourd’hui. Ce qui me console, c’est qu’il aura retrouvé Desproges, mais aussi ses amis Nanteau et Desbarbat dans le grand studio in the sky, sans doute aussi avec Lucy et tous ses diamants. So long Claude Villers…